Gabriela et Carolina
Chapitre 1
L’entreprise de développement de logiciels de recherche sur le génome humain ADN@-SOFTWARE se portait bien. Bien, du point de vue des actionnaires, bien du point de vue des salariés. Les premiers touchaient chaque année des dividendes confortables et les assemblées générales n'étaient pas encombrées de demande inconvenante du PDG concernant ses émoluments. Il semblait que la période des stock-options faisait partie d’un passé révolu. Les seconds travaillaient à un rythme soutenu mais décent, étaient payés correctement mais il leur fallait tenir leurs objectifs et leurs délais, ce qui, dans ce métier n’est pas simple. Les primes négatives liées aux buggs découverts chez les clients contraignaient chacun à faire un travail de qualité. Une entreprise normale et apparemment loin des ragots des analystes financiers qui, compte-tenu de la taille de l’entreprise, une centaine de personnes, ne lançaient aucune opération tordue ni de cotation trompeuse comme ils savaient si bien le faire. Une entreprise normale, installée dans la banlieue d’une petite ville de Slovaquie, Présov au pied des Carpates. La période socialiste était enfouie dans les souvenirs des personnes nostalgiques et la jeunesse formée à l’école américaine qui composait les collaborateurs de cette entreprise ne pensait que travail, sexe et sable chaud. Cette entreprise normale aurait pu se trouver, en Belgique, au Swaziland ou en Inde. Internet palliait à tous les problèmes de communication et permettait à chacun d’effectuer sa tâche sans avoir à se déplacer.
Cette entreprise avait été créée par une femme que nous appellerons Gabriela par commodité. Gabriela était petite, les cheveux blonds cendré, l’allure sportive, très mince, le visage fin et enjoué. Ses tenues n’avaient pas la rigueur à laquelle les femmes d’affaire nous avaient habitués. Jeans, chemises d’homme et foulards colorés lui donnaient l’allure d’une femme décomplexée et moderne. Quand elle s’était présentée à la chambre de commerce quelques années auparavant et avait exposé son projet l’accueil avait été chaleureux. Néanmoins on s’était empressé de vérifier la valeur de son compte en banque et la qualité de ses références. Tous les renseignements glanés ici et là avait été excellents : Elle était diplômée d’une grande université américaine, avait dirigé un service important dans une société d’informatique californienne et elle disait être revenue au pays se disant découragée par le manque de subtilité, la balourdise des américains et leur orgueil inébranlable. Explications qui allèrent droit au cœur des Slovaques. Ceci les empêcha peut-être d’approfondir leur enquête et de s’apercevoir que les informations sur le passé et l’origine de Carolina étaient très, très minces. Mais ne boudons pas notre plaisir et voyons comment elle va piloter ce projet.
Elle dirigeait son entreprise d’une main ferme mais sans rigueur excessive. Seuls les résultats comptaient. Ses deux occupations principales étaient le recrutement des nouveaux employés et son corollaire le licenciement des éléments non adaptés à l’entreprise d’un part et la recherche de nouveaux clients d’autre part. Elle était donc en voyage d’affaires assez souvent, au moins deux semaines par mois. Elle était secondée par son assistante, Carolina, d’une taille à peine inférieure à Gabriela, brune, un peu plus ronde que Gabriela mais avec la même démarche fière et la même rigueur dans le travail. Elles expliquaient facilement qu’elles avaient fait leurs études ensemble car amie d’enfance, seule la fortune des parents, importante pour Gabriela, négligeable pour Carolina, avait fait que leurs situations différaient mais n’altéraient pas leurs rapports. Carolina, était très bien payée car elle faisait quasiment fonction de directeur adjoint, dont ni l’une ni l’autre ne voyaient l’intérêt de confier cette responsabilité à un homme. Elles menaient leurs vies sentimentales chacune dans leur sphère d’influence sans que cela interfère dans leur relation de travail. Célibataires toutes les deux par goût et nécessité elles parlaient parfois de leurs amants respectifs en termes peu flatteurs et avec beaucoup de fous-rires. Quelques programmeurs avaient bien essayé de draguer la patronne ou l’assistante mais sans succès. La réponse aux premières approches étaient toujours la même : Mon cher Marek, ou bien vous démissionnez et c’est avec plaisir que je deviendrai votre maîtresse car vous avez toutes les qualités pour, ou bien vous gardez votre emploi et mon estime mais vous allez soigner votre libido ailleurs ; que choisissez-vous ? Flatté du compliment le candidat au poste de gigolo de la patronne préférait garder son poste et on n’en parlait plus.
Outre leur travail dans la même société les deux jeunes femmes suivaient assidument les cours d’un vieux maître de Kundalinî-Yoga depuis plusieurs années. Leur vision du monde et des hommes leur permettait d’agir et de penser dans une logique déroutante pour leurs interlocuteurs, client ou amants.
Un lundi matin Carolina arriva à l’usine un peu avant l’heure habituelle car elle voulait faire la surprise à Gabriela de sa nouvelle coiffure. Elle s’était fait teindre en blonde le samedi et avait pris la même coupe de cheveux que Gabriela. Comme, en outre depuis quelques semaines elle avait fait attention à sa ligne elle était presque aussi mince que son amie. Elle entra dans son bureau qui était en fait le même que celui de Gabriela, séparé de celui-ci par une cloison mobile qui était rarement fermée. Elle eut un choc : Gabriela était assise à son bureau mais brune. Chacune, sans s’en parler et sans réfléchir aux conséquences, avait décidé de changer la couleur de ses cheveux. La blonde était devenue brune et la brune était devenue blonde. Elles se regardèrent quelques secondes et éclatèrent de rire. Cela dura plusieurs minutes pendant lesquelles les pensées les plus folles leur traversaient l’esprit. Elles s’arrêtèrent ensemble avec le même sourire, la même pensée. Et si l’on intervertissait les rôles ? Elles pensèrent ne le faire que quelques jours tout d’abord. Gabriela qui venait de trouver un nouveau partenaire et qui avait une envie folle de rester une semaine au bureau plutôt que d’aller à Londres où un nouveau contrat était en phase de signature trouva l’idée géniale et Carolina, ravie de voyager et de montrer à Gabriela ses capacités fut enchantée de la remplacer à Londres. Elles ne prirent que quelques minutes pour peaufiner leur plan. Une légère modification du maquillage et la transformation fut complète. Ce qui les étonna le plus ce fut de voir que leurs salariés ne remarquèrent pas la substitution. Car au fil des années leurs attitudes, leurs voix, leurs tics de langage étaient devenus les mêmes.
Carolina remplit parfaitement sa mission à Londres et revint avec un contrat signé et Gabriela, devenue brune incendiaire se déchaîna avec son nouvel amant. Une semaine succéda à l’autre sans qu’aucune des deux ne pensa à revenir en arrière. L’amant de Gabriela fut proprement éjecté un matin pour récompenser sa goujaterie vraiment trop insupportable. Rapidement Carolina s’appela Gabriela et inversement. Parfois elles se regardaient pâlissant, effrayées du changement qui s’opérait en elles. Elles se ressemblaient chaque jour davantage. Un matin Carolina découvrit qu’elle était devenue blonde naturellement et le révélant à Gabriela et celle-ci constata qu’elle était maintenant brune. Leurs tailles étaient maintenant identiques, et leurs pensées souvent communes. A la fois effrayée et ravies elles commencèrent à dîner ensemble puis à vivre dans le même appartement pour préparer leurs journées ou leurs semaines. Un jour qu’elles décidèrent de revenir à la situation initiale elles constatèrent que dans la nuit leurs couleurs de cheveux étaient redevenues celles d’origine et que la séance de coiffeur prévue pour le matin de bonne heure était inutile.
Comme les matières plastiques qui reprennent leurs formes en les chauffant elles retrouvaient leurs anciennes enveloppes à la demande, juste par la pensée. Elles changeaient ainsi de rôle selon leurs besoins ou leurs désirs. Parfois dans la même journée. Un jour, Gabriela qui était alors assistante sentit Carolina embarrassée par les questions d’un client au téléphone. Elle prit instantanément sa place, se fondit en elle et répondit aux questions. Pendant ces quelques minutes un des deux chaises resta vide et Carolina se sentait vivre en Gabriela et regardait sa place ou elle n’était pas. Quand la communication fut terminée Une Gabriela était à la place du directeur et une Carolina à la place de l’assistante. En un éclair elles changèrent de place et d’enveloppe. Comme deux aimants elles se sentaient irrésistiblement attirées l’une vers l’autre pour ne former plus qu’une. Curieusement aucune sexualité ne venait donner un tour sordide à cette communion. Au contraire chacune avait abandonné son amant du moment. Elles avaient gardé leurs appartements respectifs qu’elles occupaient seules de temps à autre et vivaient normalement. Cette communion de pensée et d’action donna un coup de fouet à l’entreprise qui se développa rapidement. Parallèlement à cette transmutation les études sur le génome humain progressaient et l’ADN 1était presque entièrement décodé. Mais il restait un mystère insondable : quelle était la force supérieure qui faisait que les sucres A,T,G,C s’assemblaient selon l’ordre nécessaire aux fonctions de la vie. Pas de réponse à cette question primordiale sauf Dieu qui venait tout de suite à l’esprit de l’homme étonné et incapable de répondre autrement. Mais cette réponse semblait trop facile à Gabriela et ses collaborateurs ainsi qu’à certains des scientifiques avec lesquels ils travaillaient. Leur aventure à Gabriela et Carolina montrait qu’une force mentale, faute d’autre nom plus explicite, faisait que certains phénomènes inexplicables avaient lieu. Elles pensèrent bien évidemment aux moines tibétains dont les pouvoirs magiques fascinent les imaginations occidentales. Tout naturellement elles donnèrent à leur expérience le nom de : effet Gabriela et s’organisèrent pour aller confronter leur pouvoir à celui des tibétains. Une seule partit, Gabriela, tout en restant en constante relation avec celle qui était resté, Carolina (ou inversement). Mais une chose curieuse se produisit : Carolina semblait toujours à sa place aux yeux des étrangers. Seulement elle avait souvent l’air absent, les yeux dans le vague et il fallait hausser le ton pour qu’elle prenne conscience de l’interlocuteur qui s’adressait à elle. Vous n’avez jamais rencontré quelqu’un, un adolescent, un informaticien par exemple ou un chercheur qui a ce comportement ? Cherchez bien et demandez-vous si cette personne est vraiment là. Et n’avez-vous jamais entendu d’expressions comme « fusion amoureuse » ou « communauté de pensée ». Que se cache-t-il vraiment derrière ces mots. Attendons le retour de Gabriela et si elle souhaite nous révéler l’explication sur l’effet Gabriela nous en saurons davantage.
Note : L'ADN (acide désoxyribonucléique) est une macromolécule biologique formée par deux chaînes complémentaires qui s'emboîtent tout en s'enroulant l'une autour de l'autre pour former une double hélice droite (Fig. 1). Chaque chaîne est constituée d'un squelette formé de phosphodiesters et de sucres (le ribose) en alternance. Chaque sucre porte en plus une "lettre" (un groupe chimique appelé "base azotée") du livre génétique; ces lettres sont A (pour adenine), T (thymine), G (guanine) et C (cytosine). C'est le fait que les lettres A et T, ainsi que G et C, peuvent s'appareiller entre elles qui permet la complémentarité des deux chaînes formant la double hélice. La complémentarité A-T et G-C fait que l'on parle alors de "paires de bases".
Chapitre 2
Un jour Gabriela revint, physiquement s’entend car elle avait toujours été là par l’esprit et en relation constante avec Carolina.
L’absence de la patronne, n’avait choqué personne car chacun connaissait dans l’entreprise l’importance que Gabriella accordait au yoga et son voyage initiatique avait été bien compris. De plus Carolina avait su conduire l’entreprise comme si de rien n’était.
Qu’avait-elle appris ? Seule Carolina en fut le témoin complice du silence que s’imposait Gabriela. Nous avons cherché à savoir en lui posant des questions que notre position privilégiée nous permettait de poser : les réponses de Gabriela furent soit évasives sur l’aspect ésotérique, soit d’une précision étonnante sur l’aspect pratique des choses : lieux visités, personnes rencontrées à tel point que nous avons fini par croire que ce voyage n’avait été qu’un voyage d’agrément, touristique même. L’avenir nous démontrera qu’il n’en fut rien.
Les deux jeunes femmes reprirent leurs fonctions antérieures et l’épisode de communication intense qui les avait unies sembla oubliée, du moins en apparence. Plusieurs projets furent menés à bien et l’entreprise grossit. Il devint vite évident que la taille critique était atteinte. Il fallait créer une autre structure avec d’autres objectifs. Internet était en plein essor et un marché immense commençait à attirer les convoitises des financiers d’un côté et des hackers de l’autre.
Gabriela et Carolina se mirent à cogiter ferme. Il était impensable de recruter une nouvelle équipe dirigeante par les méthodes traditionnelles. Les actionnaires ne faisaient confiance qu’au couple Gabriela-Carolina. Celle-ci avait d’ailleurs pris officiellement le titre de directeur adjoint. Les jours, les semaines passèrent sans qu’une solution évidente apparaisse.
Afin de réfléchir à leur projet et trouver une solution les deux jeunes femmes décidèrent de partir quelques jours au gré du vent en laissant les commandes de l’entreprise au chef de projet Marek (dont nous vous rappelons qu’il essaya un temps de séduire Gabriela avant de reprendre sa place d’informaticien dans l’entreprise), un homme de confiance ayant participé aux débuts de l’aventure.
Elles partirent 7 jours. Que se passa t-il pendant cette semaine ? Nous ne le savons pas encore car le manuscrit ou elles racontèrent cette semaine est écrit dans une langue inconnue jusqu’à ce jour. Il est possible qu’avant la fin de cette histoire nous trouvions un érudit capable de déchiffrer ce texte. Certains disent que c’est de l’hébraïque ancien, d’autres disent qu’il faut remonter encore plus loin. Nous avons par l’analyse des fichiers de leur opérateur téléphonique qu’elles ont traversé la Hongrie, qu’elles sont entrées en Roumanie. La ville d’où est venu leur dernier appel est la ville de Bistritz. C’est tout ce que nous avons pu savoir. Nous voici donc en face de deux trous noirs : le voyage de Gabriela en Mongolie et l’escapade de 7 jours des deux jeunes femmes.
Elles revinrent un lundi. A 8 heures pour la conférence hebdomadaire elles réunirent tout le staff de ADNA@SOFTWARE.
La surprise fut grande. Voici comment elle se passa.
Gabriela :
« Chers amis, chers collaborateurs vous avez su pendant notre absence affiner les projets pour les uns, conclure des contrats rentables pour les autres et tous vous avez contribué à faire tourner la boutique sans problème et je vous en remercie du fond du cœur. Vous me direz que les remerciements c’est bien mais si cela fait chaud au cœur cela ne remplit pas la bourse. Je partage ce point de vue et une prime de dix mille euros viendra compléter votre salaire du mois prochain. »
Les hourras fusèrent et ce fut un tintamarre incroyable pendant un quart d’heure.
Le silence rétabli, Gabriella reprit la parole :
« Vous savez qu’il importe pour que notre société perdure qu’elle ne dépasse pas la taille critique de 1000 collaborateurs. En effet, au-delà de cette taille les contraintes s’accumulent et les structures prennent le pas sur la production.
Vous avez tous lus le rapport d’Yvon Gattaz sur ce sujet.
http://www.geopolitis.net/GEO%20ECONOMIE/QUELLE%20EST%20LA%20TAILLE%20IDEALE.pdf
Par ailleurs nous devons trouver d’autres marchés ou nous pourront exercer nos compétences. Il faut donc d’un côté grandir et d’un autre nous savons que cela nous fera courir des risques importants.
Nous pensons avoir trouvé la solution et la voici :
Nous allons tenter de prendre une place dans le marché des relations humaines par le net. Nous allons investir dans un créneau qui démarre, la fabrication de forums, de sites personnels et de sites commerciaux. Tous vous avez déjà accédé à ces sites et tous vous savez quel marché cela représente. Mais il ne suffit pas d’avoir trouvé le créneau il faut aussi des hommes ou des femmes pour diriger la filiale que nous allons créer.
Nous pensons avoir trouvé les personnes compétentes pendant notre voyage.
Les voici :
Chapitre 3
Deux hommes entrèrent par une porte située derrière l’estrade sur laquelle était Gabriela, Carolina et le président du conseil d’administration : Esteve Plozyk que nous allons vous présenter car il joua dans cette aventure un rôle primordial. Nous reviendrons ensuite à la présentation des deux postulants au postes en question.
Estève Plozyk était un homme d’une cinquantaine d’années ; Physiquement imposant par sa taille, son regard qui intimidait toujours ses interlocuteurs, il était âgé d’une cinquantaine d’années. Chercheur reconnu dans le monde entier pour avoir pris une part importante dans le décodage de l’ADN il avait vite compris que ce travail ne pouvait être mené à bien qu’avec des outils logiciels performants. Il avait donc réuni les capitaux pour créer la société dont Gabriela était la patronne. C’est lui qui avait recruté Gabriela et il lui faisait entièrement confiance. Dans le cas présent il fut, comme les salariés d’ADN@-SOFTWARE ? surpris par l’arrivée des deux hommes. Tout le monde remarqua qu’il n’avait pas pris la parole sur ce projet, ce qui, implicitement signifiait qu’il l’approuvait sans réserve.
Grigore et Ionel (comme pour les autres protagonistes de cette aventure nous ne vous donnons que les prénoms pour faciliter la vie du lecteur dans la mémorisation des personnages) se présentèrent côte à côte et inclinèrent légèrement la tête en signe de salut. Leur aspect physique était à la fois banal et peu ordinaire : Ils étaient de la même taille, l’un brun, l’autre roux, ils étaient minces et on leur donnait sans hésitation un âge entre… en fait c’était difficile de leur donner un âge. Au premier abord on disait 30 ans. Et puis en les observant en détail on nuançait jusqu’à ne plus savoir quel âge ils devaient avoir, 50 peut être plus ? Comme c’était une question sans grand intérêt on passait à autre chose. Leur tenue était stricte : costume gris pour l’un, bleu pour l’autre mais dans une coupe qui semblait dater d’une mode passée sans que l’on puisse la définir vraiment. Un sentiment bizarre s’installait dans l’esprit des observateurs de la scène. Ce sentiment se renforçait dès que l’on captait leur regard. Leurs yeux étaient bruns, presque noirs. Les cils étaient presque invisibles sur des paupières lourdes surmontées de sourcils fins, comme tracés au pinceau. Le regard était perçant, transperçant même et ne semblait pouvoir être détourné de leur objectif.
Quand ils prirent la parole pour se présenter le malaise diffus jusque là disparaissait. Leur voix était mélodieuse, dans une fréquence plutôt basse avec des intonations modulées absolument charmeuses. Tout malaise était oublié et on les trouva très, comment dire, sympathiques ? non, pas vraiment, attachants ? non plus, intéressants ? captivants ? étonnants ? oui surement.
Gabriela tint à préciser que Grigore et Ionel apportaient une part importante du capital nécessaire à l’opération sans pourtant dépasser les 50% qui leur aurait donné tous pouvoirs dans la nouvelle société. Grigore exposa son projet commercial et technique. Ionel développa les détails de l’organisation nécessaire et l’ensemble parut très cohérent à tout le monde.
La réunion prit fin dans un brouhaha plutôt guilleret, sauf pour le président qui partit le sourcil froncé, comme préoccupé mais sans un mot de conclusion comme on aurait pu s’y attendre.
Le lendemain de cette réunion fut consacrée à la rédaction de contrats et toute la paperasse nécessaire pour une telle opération. Les jours suivants se passèrent en réunions diverses : finances, choix des locaux, embauche de collaborateurs et autres détails pratiques. Sur les collaborateurs Gabriela fut étonnée de se voir imposer une liste de candidats par Ionel. Elle aimait bien choisir ses collaborateurs avec lesquels elle entretenait une relation amicale, confiante et en parfaite empathie. Lionel lui fit remarquer que comme associée elle avait bien entendu son mot à dire mais qu’en final c’étaient les dirigeants en titre qui décidaient et, par conséquent cette liste n’était pas négociable.
A ce stade du récit nous voici donc dans la situation suivante :
Esteve Plozy président de ADNA@-SOFTWARE n’est actionnaire de la nouvelle société que pour 10% .
Gabriela est associée à titre personnel à hauteur de 20% et représentante de ADNA@-SOFTWARE à hauteur de 21% également. Les deux dirigeants Grigore et Ionel se partagent les 49% restants mais sont dirigeants opérationnels. On remarquera que Esteve Plozy peut faire pencher la balance des droits de vote d’un côté ou de l’autre.
Gabriela et Carolina ont des relations fusionnelles extraordinaires.
Gabriela a passé plusieurs mois en Mongolie auprès de prêtres bouddhistes tibétains.
Gabriela et Carolina ont passé une semaine en Roumanie et en ont manifestement ramené les deux dirigeants de la nouvelle société Grigore et Ionel dont on ne sait rien.
Le choix du nom de la nouvelle société fut un casse-tête pour tous. Grigore et Ionel semblèrent au début se désintéresser de la chose. Comme aucun nom ne faisait l’unanimité ils proposèrent soudain la raison sociale suivante :
Chapitre 4
Le nom proposé fut VLADOR COMPANY sans explication sur la signification de ce sigle. L’étonnement fut total et les questions restèrent sans réponse. Comme pour la liste de collaborateurs ce n’était pas négociable. Ce furent d’ailleurs leurs seules exigences.
Le lendemain matin de cette réunion ou le choix du nom de la nouvelle société leur avait été imposée, Estève Plozy, Gabriela et Carolina se réunirent chez le président. Celui-ci, qui, jusque là avait été relativement muet pris la parole :
« Gabriela, je m’interroge beaucoup sur nos nouveaux associés. Ils ont changé depuis notre premier entretien où ils m’avaient enthousiasmé. Depuis qu’ils ont signé les contrats, déposé les fonds à la banque, leur comportement est étrange, sans que je puisse définir en quoi et trouver une raison particulière à la méfiance que je sens monter en moi. J’aimerais avoir votre avis. Mais auparavant racontez-moi les circonstances de votre rencontre avec eux. »
Gabriela :
« Voilà, c’est assez simple. Nous avions quitté Presov de bon matin et traversé rapidement la Hongrie avec le projet de visiter quelques monastères Roumains comme Bucovine, Iana ou Oltenie. Il faisait un temps splendide et nos visites se suivaient sans problème particulier. Nous arrivions toujours à trouver un restaurant ou un hôtel. Nous sommes arrivées au bout de 5 jours à Bistrita mais un peu fatiguées des visites d’églises et de musées nous sommes parties pique-niquer en montagne au milieu de la forêt. Nous nous sommes arrêtées au col de col de Tihuţa. Il faisait beau, le paysage était splendide et nous avons déjeuné sur l’herbe à l’abri du soleil sous les branches d’un grand sapin. Après notre petit repas nous sommes allées nous promener dans les bois et nous avons retrouvé la voiture en fin d’après-midi. Nous étions fatiguées et nous nous sommes installées dans la voiture pour nous reposer un peu. La fatigue aidant nous nous sommes assoupies toutes les deux et quand nous nous sommes réveillées il commençait à faire nuit. Noua avons alors voulu repartir et la voiture n’a pas voulu redémarrer. Le coin était désert et nous n’avions aucune solution pour réparer la voiture. Nous nous sommes alors préparées à passer la nuit là sans souci particulier car nous pensions que le lendemain matin nous rencontrerions quelques touristes comme nous qui nous emmèneraient au garage le plus proche. Comme les nuits sont froides en montagne nous avons enfilé les pulls et veste et nous avons utilisé le plaid du pique-nique comme couverture. Nous avons papoté jusque tard dans la nuit avant de nous endormir. Nous avions laissé une vitre entr’ouverte pour pouvoir respirer. »
Carolina qui n’avait rien dit jusqu’ici prit la parole.
« J’ai été la dernière à m’endormir. Le silence autour de la voiture était impressionnant et instinctivement j’ai actionné le levier qui permet de verrouiller toutes les portes de l’intérieur. Rassurée j’ai commencé à fermer les yeux quand un vent glacial a entouré la voiture et est venu s’insinuer dans l’habitacle. Je me suis alors endormie. »
Gabriela reprit la parole :
« Je n’ai rien entendu et je me suis réveillée le matin alors que le soleil commençait à apparaitre. J’ai alors remarqué un grand oiseau perché sur le sapin sous lequel nous avions pique-niqué. Il s’est envolé quand j’ai ouvert la portière en poussant un grand cri. Carolina s’est réveillée à son tour et nous avons fait quelques pas auprès de la voiture pour nous réchauffer. Sans raison précise je suis ensuite remontée dans l’auto et j’ai actionné le démarreur et le moteur est parti sans difficulté. Carolina est vite revenue me rejoindre et nous avons repris la route, ravies de nous en être sorties à si bon compte. Quelques centaines de mètre après notre départ nous avons trouvé deux auto-stoppeurs sur le bord de la route. Nous nous sommes arrêtées et sans ouvrir la portière, juste en baissant la vitre nous avons engagé la conversation car leur présence à cet endroit nous semblait suspecte. Leur explication était vraisemblable. Il leur était arrivé la même mésaventure qu’à nous mais de l’autre côté du col, nous ne les avions donc pas vus. Par contre leur auto n’avait pas voulu démarrer comme la notre le matin venu. Leur tenue, leur langage nous ont inspiré confiance et nous les avons embarqués. Arrivés à Bistrita nous nous sommes arrêtés pour déjeuner et nous réchauffer dans un petit restaurant que nous avaient indiqué nos passagers qui ont tenu à nous inviter, ce que nous avons accepté sans hésitation. Comme nous le faisons chaque fois que nous rencontrons des étrangers, que ce soit au travail ou en-dehors nous avons Carolina et moi une tactique instinctive : l’une parle, discute avec le ou les interlocuteurs et l’autre observe gestes et mimiques. Dans le cas présent c’est Carolina qui observait, silencieusement nous deux passagers. Vous connaissez monsieur le Président nos moyens de communication à toutes les deux. Je ne vous étonnerai donc pas en vous disant que de temps à autre Carolina m’envoyait un petit message qui me permettait d’orienter mes questions dans un sens voulu par elle. A chaque message j’ai eu l’impression fugitive que mon interlocuteur avait déjà préparé la réponse à la nouvelle question que je voulais lui poser. Néanmoins la discussion se passait sans problème et nous finîmes par tomber sous le charme de nos deux touristes. Ils nous quittèrent pour aller trouver un dépanneur en nous donnant rendez-vous pour le lendemain au siège de leur société, ce qui nous rassura.
Pour passer le temps nous avons visité La cathédrale de Bistrita, la maison du maître des orfèvres et quelques autres curiosités. Carolina et mois n’avons pas arrêté de parler de nos deux auto-stoppeurs. Nous étions partagées entre le désir d’aller plus loin dans l’échange avec eux et l’envie de déguerpir sans laisser d’adresse. La curiosité l’a emporté. Nous sommes restées. Après une nuit passée dans un bon hôtel nous sommes allées à notre rendez-vous vers 10 heures. »
Et là…
Chapitre 5
Et là nous avons découvert un immeuble ancien à la façade décrépie, aux fenêtres sales, sans rideaux. La rue, aux pavés anciens était vide, rien ne bougeait. Nous étions en train de nous demander si nous ne nous étions pas trompées quand Grigore apparut avec un grand sourire pour nous accueillir.
Rassurées mais la tête pleine de questions nous l’avons suivi dans cette vieille bâtisse plus proche de la ruine que du siège social d’une société moderne.
Devinant notre désarroi Grigore nous conduisit dans un salon immense, splendidement meublé et décoré où toutes les choses, meubles, tentures, tableaux semblaient là de toute éternité. Un peu comme un décor hyper réaliste de film d’épouvante de Friedrich Murnau ce qui conforta nos soupçons de situation étrange. Ionel vint nous rejoindre à ce moment-là nous nous installâmes dans de vieux fauteuils inconfortables.
Je me rappelle le discours de Grigore comme si je venais de l’entendre. Il est gravé dans ma mémoire comme aucun discours n’a jamais été mémorisé. Je vous le livre tel quel :
« Mesdames je lis dans vos yeux une surprise que je comprends parfaitement et que je vais vous faire oublier très vite. Cette maison n’est pas le siège de notre société comme vous devez vous en douter. Nous venons de l’acheter avec Ionel car nous avons eu une opportunité extraordinaire de vendre notre société à un groupe américain qui veut s’implanter dans les pays de l’Est. Mais il faut d’abord revenir au tout début de notre activité. Ionel et moi avons fait nos études à Budapest, moi en informatique, lui en gestion financière. Nous avons terminé nos études au moment ou l’interconnexion des ordinateurs personnels devenait fiable. Nous avons eu l’idée de créer une société de gestion de réseaux informatiques. Au début nous avons importé les éléments matériels, cartes, câbles et nous avons plus ou moins piraté nos premiers logiciels pour commencer. Nous n’en sommes pas fiers mais c’était un peu comme un jeu d’étudiants dont certains sont devenus les hackers d’aujourd’hui. Rapidement nous avons développé nos propres logiciels et conçu des cartes que nous avons fait fabriquer ici, en Roumanie. Le succès a été rapide et nous avons pris une place importante aussi bien en Roumanie, qu’en Hongrie, Slovaquie, Tchéquie etc. L’an passé nous avons été contactés par le groupe américain à qui en final nous venons de vendre notre société. Nous sommes donc à la tête d’un capital important et comme des gamins nous nous sommes entichés de ce vieil immeuble que nous avons acheté il y a deux semaines. Hier nous avons parlé de ce rendez-vous au siège de notre société, par habitude et il était difficile sur le moment de vous expliquer tout cela. Voila je pense de quoi vous rassurer ? »
Grigore nous expliqua encore beaucoup d’autres choses mais vous savez maintenant l’essentiel. A partir de là notre prévention diminua et la conversation prit un tour plus détendu. Nous visitâmes la maison qui était vraiment un décor de film d’épouvante. Nos deux amis nous commentaient chaque pièce, comme un décor et nous écrivaient à chaque foi un scénario à faire dresser les cheveux sur la tête. Vous avez remarqué le charme particulier de leur voix. Elles prirent là un son extraordinaire comme si les murs se faisaient une chambre d’écho ou chaque syllabe devenait un chant d’oiseaux, un chant céleste. Ionel et Grigore parlaient chacun leur tour et parfois leurs voix se mêlaient en une harmonie extraordinaire qui faisait penser à un chant d’opéra. Nous étions dans un monde de rêve comme Alice au pays des merveilles. Revenus dans le salon nous étions dans un état second et c’est là qu’ils nous ont parlé de projets en cours, de recherche de nouvelles activités. Nous leur avons donc parlé de notre recherche pour notre propre projet. Ils furent enthousiasmés et firent même des propositions auxquelles nous n’avions pas pensé.
Le président Plozyk avait écouté le discours de Gabriela sans l’interrompre. Son front était soucieux.
« Vous avez pris des renseignements sur cette société et sur ces deux hommes ? »
Gabriela :
« Non en fait. Leur discours était tellement logique, rationnel, plein de choses facilement vérifiables que nous n’y avons pas pensé. Et quand ils nous ont montré leur relevé de banques comme deux gamins fiers des économies sorties de leur tirelire et qu’ils ont fait le virement que vous connaissez nos préventions, sil il n’y en eu jamais, ont complètement disparu. »
Le président :
« Etonnant non cette rencontre, vous ne trouvez pas ? »
Carolina qui jusque là n’avait pas pris la parole :
« C’est vrai que tout cela est étrange et j’y pense souvent, plus que Gabriela qui semble parfaitement sous le charme de nos deux associés. Quelque chose en moi n’est pas d’accord avec ces deux hommes et chaque fois que mon esprit est proche de trouver l’explication de ce malaise, ma pensée s’échappe et je ne vais pas jusqu’au bout de mes déductions ; Cela me met encore plus mal à l’aise. Je me sens comme ligotée, prisonnière d’une force mentale qui m’oppresse. Et puis je me dis que tout cela vient d’un peu de fatigue, d’un moment de spleen et le travail me fait penser à autre chose. »
Le président :
« Je suis comme Carolina, quelque chose me gêne et voilà ce que nous allons faire : Nous allons leur imposer Carolina comme responsable des relations extérieures et en particulier avec notre société actuelle. Il faut qu’ils admettent qu’ils gèrent une filiale et non pas une société complètement indépendante. Carolina leur transmettra nos directives et nous tiendra au courant de ce qu’il se passe dans la filiale. Par ailleurs leur influence ne se manifestera que sur un des éléments du duo que vous formez, l’autre, je veux dire Gabriela, sera hors de leur portée. Je n’ai aucun doute sur leurs compétences, ni sur leur fiabilité financière mais leur comportement me parait très étrange. Ils éveillent en moi de vieux souvenirs, des réminiscences que je ne peux pas vous expliquer aujourd’hui, c’est encore trop confus. Autre chose, Gabriela, parlez-moi des salariés de la liste que vous a fournis Ionel. »
« Voilà un autre sujet de malaise monsieur le Président. J’ai rencontré quelques uns de ces collaborateurs à chaque fois en présence de Ionel. Impossible de les voir seuls. Ils viennent tous de la région de Bistrita et sont des anciens salariés de la société de Ionel et Grigore, ce qui s’explique facilement. Néanmoins leur comportement est étrange. Ils me tiennent tous le même discours stéréotypé, comme appris par cœur. Ils sont tous célibataires, ont tous le même âge, à un jour près, ont tous fait les mêmes études universitaires, dans la même université et malgré toutes ces coïncidences je ne trouve rien à dire pour récuser leur candidature. Quand il m’arrive de pouvoir émettre une objection, Ionel prend la parole et arrive à me faire changer d’idée avec une voix qui chante dans mes oreilles. Je ressors à chaque fois de ces entretiens comme anesthésiée. Je me demande si nous ne sommes pas ensorcelés et je compte beaucoup sur la présence de Carolina dans leurs locaux pour nous aider à y voir clair. »
Le président :
« N’oubliez pas Gabriela et Carolina que nous avons à notre disposition des forces qu’ils ignorent et si par malheur des évènements extraordinaires survenaient nous avons les moyens d’y faire face. »
Chapitre 6
Les choses se passèrent comme prévu enfin, presque. Contrairement à ce que pensait le président, Grigore et Ionel semblèrent ravis d’avoir Carolina avec eux. Ils furent pleins d’attention pour elle, nous en reparlerons. Bien entendu l’installation de la nouvelle société VLADOR se fit dans la région de Bistrita, au bord du lac de barrage de Colibita. Pourquoi cet endroit demanda Gabriela, c’est loin de tout, difficilement accessible. La réponse de Grigore fut rapide et imparable : tout simplement parce que enfants nous allions souvent pêcher dans ce lac et nous avons toujours rêvé de nous y installer un jour. En outre nos programmeurs y trouveront un endroit idéal pour se détendre de la tension : pêche, bateau à voile, baignade. Vous savez comme nous Gabriela combien il est important pour une équipe que le travail s’effectue dans un environnement permettant de déconnecter. Gabriela qui avait vu combien dans la Silicone Valley ces principes étaient appliqués ne trouva rien à redire, d’autant moins qu’elle-même était très attentive au confort matériel de ses collaborateurs. Par ailleurs l’activité de VLADOR ne nécessitait rien d’autre qu’une ligne téléphonique à haut débit qui existait dans cet endroit perdu grâce à la présence toute proche d’un grand hôtel. Néanmoins ce choix venait conforter le sentiment de malaise qui peu à peu s’installait. A part quelques hôtels pour touristes venant sur les traces de Dracula l’endroit n’était peuplé que de quelques paysans montagnards. L’hiver, l’endroit était désert, souvent enneigé. Toutes les objections furent vaines. Mais Grigore apporta un argument supplémentaire : le régime fiscal de la Roumanie était plus intéressant que ce lui de la Slovaquie et la région de Bistrita était prête à subventionner l’installation de la société.
L’affaire était close. Gabriela se lança alors rageusement dans la définition des objectifs à atteindre pour VLADOR. Ce fut très technique en sans grand intérêt pour la suite de l’histoire.
Quelques semaines après la rencontre de Gabriela et des deux frères, état qu’ils finirent par reconnaître sans expliquer pourquoi ils l’avaient caché jusque là, la société commença ses activités avec une vingtaine de collaborateurs. Elle s’installa dans un hôtel au bord du lac qui avait été mal géré et qui avait déposé le bilan. Son organisation permettait parfaitement l’installation d’une société de services. Les cuisines furent remises en route et la salle à manger devint la cantine de tout le personnel, directeurs compris. Bien entendu le bar reprit ses fonctions essentielles à toute activité humaine. Le personnel nécessaire fut trouvé rapidement car l’hôtel avait fermé depuis peu et les salariés licenciées étaient encore présents non loin de là. Comme les salaires proposés étaient alléchants ils ne se firent pas prier pour se faire engager.
Nous en arrivons donc au début de cette histoire extraordinaire. Le cadre est tracé, vous connaissez les personnages, les lieux. Nous sommes en 2010, les réseaux sociaux ont pris une place extraordinaire dans la vie des pays riches. Que ce soit pour nouer des relations amoureuses, pour se documenter ou pour retenir une place d’avion le net a pris une place prépondérante dans le monde. Le net permet à beaucoup de gens vivant sous des dictatures de faire entendre leur voix et de recevoir des informations ou une aide, sinon matérielle mais au moins morale d’amis vivants sous des cieux plus cléments. Les journaux virtuels dament le pion aux journaux papier, ce qui énerve passablement les politiques qui voient leurs petites combines démontrées et expliquées à une population qu’ils auraient préféré ignorante. On peut régler ses impôs par le net, on peut voyager sur la terre entière ou dans l’espace sans quitter son fauteuil. Enfin le commerce virtuel se développe à grande allure, les gourous et sectes de toutes sortes créent leurs sites et ratissent les cœurs en déshérence. Même les églises, qu’elles soient catholiques, réformées ou orthodoxes ont leur site. On peut communiquer avec Dieu ou ses représentants en tous lieux et en toutes langues.
Le démarrage de la société fut étonnamment rapide. En quelques semaines deux produits furent proposés au monde de l’internet : un logiciel gratuit de vente en ligne et un logiciel également gratuit de gestion de forums. Bien entendu ces deux logiciels étaient inspirés des produits existant qui avaient été déverrouillés en un clin d’œil et le programme source bien analysé. Ils deviendraient payants à la troisième ou quatrième version mais à un prix non dissuasif permettant de continuer à l’utiliser. Le point fort de ces deux logiciels était le nombre impressionnant de fonctionnalités et de plug-ins disponibles ou de fichiers image libres de droits. La convivialité était extraordinaire. Ils étaient multilingues : anglais, allemand, espagnol, russe mais aussi la langue moldave, l’albanais et le yddish moderne et ancien. Commercialement l’approche avait été très bien faite. Grigore avait envoyé un mailing aux associations religieuses et humanitaires bien connues pour la faiblesse apparente de leurs finances. Ces logiciels gratuits les avaient enthousiasmés et aussitôt mis en place les ventes de médailles ou autres gadgets avaient explosé. Des ordinateurs puissants furent installés au sous-sol et l’alimentation électrique bénéficia de la présence toute proche du barrage grâce à une négociation féroce avec le chef du district de la compagnie d’électricité et en conclusion un pot-de-vin convaincant.
Carolina, d’abord sur ses gardes et attentive à tout évènement bizarre avait vu ses appréhensions fondre rapidement. Elle avait été installée luxueusement dans un bureau bien orienté avec vue sur le lac alors que les deux frères avaient leur bureau orienté au nord, vers les montagnes. Elle avait trouvé à se loger chez des paysans qui trouvaient, dans la location d’un petit bungalow, des revenus supplémentaires que l’activité laitière des vaches de montagne n’arrivaient point à rendre satisfaisant. Son nouveau poste lui laissait beaucoup de temps libre qui lui permettait de faire du bateau sur le lac. Elle profitait de ces ballades pour se mettre en communication avec Gabriela, soupçonnant fortement Grigore et Ionel de surveiller le contenu de ses mails. Ceux-ci étaient donc parfaitement insignifiants et ne traitaient que de sujets parfaitement techniques. Lors de ces communications elles échangeaient leurs impressions car la nuit la communication était impossible, sans raison apparente. Les réunions hebdomadaires permettant de faire le point n’avaient rien révélé de particulier. Leur méfiance était tombée au niveau zéro jusqu’au jour où…
Chapitre 7
Jusqu’à un certain matin ou Carolina découvrit l’immeuble quasiment vide : plus un programmeur devant les écrans. Elle se précipite vers le bureau de direction ou elle trouve Grigore qui semble prêt à partir. Que se passe t-il lui dit elle.
- Rien de bien grave, Carolina, ne vous affolez pas, c’est juste que pour des raisons de fuseau horaire, de rapidité de communication car de 22h. à 6h. Les lignes sont moins chargées alors nous avons décidé de travailler la nuit. Les programmeurs vous le savez sont plutôt des oiseaux de nuit. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela vous en conviendrez. Tous les matins vous aurez un compte-rendu des progrès effectués ou des problèmes rencontrés. En cas d’urgence je serais là pour vous expliquer la situation. Ionel travaillera maintenant de nuit et moi de jour. C’est tout simple. Tenez puisque vous êtes là il faut que je vous montre les nouveaux serveurs installés cette nuit. Nous avons multiplié la puissance par 10 et augmenté le volume de stockage de manière significative.
- Mais, répliqua Carolina vous m’aviez dit il y a quelques jours qu’une augmentation de puissance nécessiterait des besoins en courant très importants. Comment avez-vous fait pour obtenir l’énergie électrique suffisante ?
Grigore partit d’un grand éclat de rire.
-Venez, je vais vous montrer quelque chose.
Elle le suivit vers le sous-sol ou était installés les ordinateurs, régulateurs de tension et autres matériels nécessaires.
Devant une porte apparemment blindée il s’arrêta et lui dit :
Nous avons installé une petite centrale géothermique qui nous fournit 50000 kWh sans problème.
Mais, mais c’est impossible répliqua Carolina.
Mais si c’est possible: Tiens je vais vous montrer. Sortant une clé de sureté de sa poche il ouvrit la porte, bascula un interrupteur à l’entrée de ce qui semblait un couloir étroit et invita Carolina à entrer avec le sourire enjôleur qu’elle lui connaissait. Abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre, toute à sa réflexion, cherchant à comprendre elle entra dans ce local à peine éclairé. En un éclair la porte claqua derrière elle et un rire énorme éclata et la fit frissonner.
« Merci Carolina, vous avez été très obéissante. J’avais peur d’être obligé d’utiliser la force et vous m’en avez dissuadé avec beaucoup de gentillesse. Vous aviez raison, une centrale géothermique c’est difficile à mettre en œuvre en aussi peu de temps mais nous y travaillons.
La voix de Grigore s’enfla de manière surhumaine.
Nous sommes les anges de l’enfer et nous maîtrisons la puissance des ténèbres, comprenez-vous ? Regardez. En quelques secondes le dessin du diable, l’étoile à 5 branches apparut sur la porte en fer comme si un chalumeau chauffait l’acier à blanc. Une chaleur intense envahit le couloir et puis le dessin disparut.
Convaincue Carolina ?
La chaleur qui vient du noyau terrestre est à notre disposition. Il ne manque que les machines pour pouvoir l’utiliser et elles sont en route. Nous aurons bientôt toute l’énergie nécessaire et en attendant…
Carolina était effondrée. Elle s’était laissée bernée comme une enfant. Sans écouter la suite du discours de Grigore elle partit à la découverte de ce qu’il faut bien appeler une prison. Le couloir débouchait sur une petite pièce comportant un lit, une table, une chaise, un lavabo, une cuvette de WC et une douche. Sur le lit, des couvertures et du linge de toilette. Cette installation la rassura un peu. On ne tenait pas à la faire mourir tout de suite, enfin espérons se dit elle. Une fenêtre grillagée et minuscule laissait entrer de l’air frais mais pas de lumière naturelle.
Elle entendit la voix de Grigore qui l’appelait.
- Alors Carolina, comment trouvez-vous ce studio de célibataire ? Vous allez pouvoir méditer tout à loisir sur la géothermie au service des forces de l’enfer !!!
Et Grigore expliqua dans les plus petits détails quel était le plan. Le plan qui donnera à Lucifer la maîtrise de l’univers ;
Je ne m’appelle pas Grigore, je suis Azazel l’ange de Lucifer et Ionel est Shemehâza. Nous sommes ceux que Lucifer a désignés pour mettre son plan en œuvre. Nous vous avons bernés depuis le début comme il est facile de tromper des anges. Car vous êtes des anges, toi et Gabriela, nous le savons. Tu es l’ange Louna et Gabriela est l’ange Salomé. Je ne sais pas qui est l’archange Michel mais j’ai ma petite idée.
(Bon d’accord, je change les noms de mes personnages et cela va vous perturber sauf si vous utilisez la fonction remplacement de votre traitement de texte et que vous remplaciez ange Salomé par Gabriela et Louna par ange Carolina)
L’époque Dracula est dépassée, terminée. Vous avez appris beaucoup de choses sur le corps humain et son intelligence et son esprit. Vous avez décodé l’ADN et votre société a puissamment contribué à cela. Vous avez fouillé les esprits et découvert un certain nombre de ressorts propres à modifier les comportements. Vous avez fait de l’argent un outil d’oppression qui nous a bien intéressés. Nous aussi, nous avons progressé dans la connaissance du mal et de ce qui y conduit. Nous avons cru longtemps que le sang était le moteur de la vie et nous avons créé Dracula pour vérifier cette théorie. Elle était fausse comme l’étaient certaines des vôtres. Nous avons cherché et nous avons trouvé une voie qui pourrait être la voie vers notre victoire totale. Pendant des siècles vos églises nous ont cantonnés dans les flammes de l’enfer. Cette période est révolue. Nous repartons à la conquête des âmes et cette fois-ci nous allons gagner. Tu veux savoir comment ange Louna ?
Et bien nous allons commencer par pirater toutes les adresses email des sites de rencontre, des sites de spiritualité et bien d’autres encore. Pour cela nous allons mettre en œuvre toute la puissance de calcul et de stockage nécessaire. Et pour y arriver nous allons dans un premier temps absorber toute la puissance électrique délivrée par le barrage par des moyens que tu n’as pas besoin de connaître, puis nous allons installer une centrale géothermique qui ira chercher en enfer la puissance nécessaire. Ensuite, avec ces fichiers et nos logiciels…. mais tu aimes le suspense, je te dirai donc plus tard la suite du plan de mon maître.
Ange Louna (car c’est bien son nom) entendit Azazel s’éloigner. Elle médita longtemps sur son état et sur les différents moyens possibles pour sortir de cette geôle. Pourquoi également Azazel l’avait enfermée. Qu’allait-il se passer qu’elle ne devait pas découvrir pour qu’il en vienne à cette solution qui allait forcément déclencher des évènements extraordinaires.
Ange Louna se sentit désespérée. Elle ne trouvait ni d’explication ni comment se sortir de cette geôle.
A moins que…
Chapitre 8
Pendant que l’ange Louna se morfondait dans sa cave en se posant mille questions Gabriela ou plutôt Ange Salomé continuait son travail à Presov. Elle aussi se posait des questions. Quand Louna avait entendu la porte de son cachot claquer Salomé avait ressenti comme un froid extrême l’envahir. Elle était anxieuse.
- Je vais attendre ce soir pour avoir des nouvelles de Louna. Il doit se passer quelque chose là-bas.
La nuit venue Salomé se mit à l’écoute du message télépathique que lui envoyait habituellement Louna. Pour cela elle se mettait en position de méditation et après avoir détendu son corps, vidé son esprit le message arrivait, faible au début et de plus en plus clair.
Ce soir-là le message commença vers 1 heure du matin. Il disait que les installations de logiciels progressaient comme prévu, que des ordinateurs plus puissants avaient été installés et quelques autres informations techniques sans intérêt. A la fin du message Salomé attendit la signature de Louna. Rien ne vint. En effet les deux jeunes femmes avaient convenu de confirmer leur message par une signature cryptée qui devait confirmer au récepteur que l’expéditeur était bien le bon. Elle envoya un message de bonne réception et donna quelques nouvelles de Presov. Mais elle omit de signer son message, volontairement. Lui revint alors le message « bonne nuit » sans signature à nouveau. Il était clair que ce n’était pas Louna qui était entrée en communication avec elle. Effectivement Azazel avait depuis longtemps perçu les messages des 2 anges et avait appris à les imiter. C’est donc lui qui venait d’envoyer un message à Salomé. Mais il n’avait pas compris le code de signature et n’en avait donc pas envoyé. C’était clair, il se passait quelque chose à Colibita, quelque chose de grave.
Salomé partit aussitôt prévenir Esteve Plozyk qui demeurait tout près. Elle lui expliqua l’astuce des signatures de messages cryptées et ses craintes concernant Louna. Ensemble ils firent le point de tout ce qui leur avait semblé bizarre depuis le début de cette aventure. Il était clair que la disparition de Louna cachait quelque chose de plus grave. Il fallait agir mais sans donner l’alerte aux dirigeants de VLADOR.
Soudain, le téléphone blanc du président Plozyk sonna 3 fois. Ils se dressèrent tous les deux attendant le signal suivant : 2 sonneries, oui, c’est bien lui dit Salomé, puis une sonnerie. Le président décrocha :
-allo, seigneur ?
-Dis-moi Saint Michel, qu’est-ce que j’apprends ? oui, tu sais qu’on ne peut rien me cacher, j’ai moi aussi mon service de renseignements, j’apprends que l’autre enfoiré du sous-sol nous cherche des crosses ? qu’il est en train de monter un coup pour nous piquer des millions d’âmes ? Mais c’est quoi ce bordel ?
Tout près de Dieu une petite voix s’élève :
- Seigneur, soignez votre langage, le paradis n’est pas le bistrot du commerce enfin…
- Quoi encore sœur Philomène, je suis en plein drame, c’est le bordel partout et il faut en plus que je fasse attention à mon langage ? Mais j’en ai rien à foutre de vos manières qui dissimulent bien des vices que vous essayez de me cacher… et puis merde, Saint Michel racontez-moi dans quel merdier vous vous êtes foutu, et vite parce que j’ai un rendez-vous important avec Seigneur 1 et mon collègue de la 6ème dimension. Je croyais que vos recherches sur l’ADN nous aideraient à n’avoir sur terre que de bons chrétiens ? et l’autre tarré vient nous casser la baraque ?
Saint Michel (alias Estève Plozyk) expliqua la situation, la création d’une filiale pour justement mieux rassembler les âmes perdues grâce à internet et que Lucifer avait détourné à son profit, la création de la filiale VLADOR et la disparition de Louna…
- Quoi, vous avez appelé votre filiale VLADOR, Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour avoir des collaborateurs aussi nuls ? Vlad l’empaleur ça ne vous dit rien, vos classiques, vous avez tout oubliés, et bien moi je vais vous la faire retrouver la mémoire avec l’aide de Vlad justement, je vais vous confier à lui pour un bon moment, vous aurez chaud au cul et ça vous rafraichira la mémoire.
- Philomène appelez-moi Jésus
- Il est chez son psychothérapeute seigneur.
- Encore ? chez lequel cette fois-ci ?
- Chez Lacan seigneur et il dit qu’il retrouve la bonne parole avec lui.
- Et bien c’est une bonne nouvelle, on va avoir une relecture des évangiles par Lacan, on va bien se poiler.
Le téléphone rouge sonne. Dieu de la troisième dimension décroche. Petite explication: L’univers étant à n dimensions, chaque univers a son dieu. Chaque dieu est appelé par le numéro de la dimension qui est sous sa responsabilité. Le nôtre est le Dieu 3.
- Oui Seigneur 1 j’écoute.
- On t’attend Dieu 3. Comme d’hab tu es à la bourre et tu vas encore nous sortir une explication foireuse pour expliquer ton retard.
- Non, non, seigneur j’ai de gros problème sur Terre
- C’est où çà .
- Dans la voie lactée, soleil 24 avec en position 7 un petite planète pleine de tarés qui depuis 2000 ans ne font que me poser des problèmes.
- Je croyais que c’était sur la constellation du bélier que tu avais une révolution ?
- Oui Seigneur 1, bélier c’est réglé mais sur la terre j’ai un nouveau gros problème sur les bras.
- Et bien tu le règles ton problème, ou tu délègues, tiens à ton fils, ça l’occupera. Bon, tu grouilles on t’attend.
Dieu 3 reposa le combiné rouge. D’un geste rageur il reprit le combiné blanc. Saint Michel ? vous êtes toujours là ?
- Oui, seigneur.
- Je n’ai pas le temps de m’occuper de vos problèmes aujourd’hui, j’ai un rendez-vous urgent avec qui vous savez, alors je vous envoie jésus, vous potassez le problème avec lui et vous me rappelez demain pour m’exposer votre plan. Ok ?
-Philomène allez me chercher Jésus
- Oui seigneur. Je peux vous poser une question seigneur ?
- oui, mais vite.
- Vous voulez manger quoi ce midi ?
- Ce midi, je ne serai pas rentré, alors tu vas à la cantine avec les anges de service. Bye.
- Ah, te voilà toi.
Jésus :
- Oui seigneur pour servir vote goitre éternel et..
- Et voilà, Lacan me l’a complètement bousillé. Pas goitre, imbécile, gloire, c’est pourtant pas compliqué.
- Que me voulez-vous con fier ses nieurs ?
- Bon, j’abandonne. Tu vas voir Saint Michel, sur terre,
- Chouette, merci seigneur, ça fait longtemps que j’y suis allé. Ils ont du bien évoluer là-bas. Si ça se trouve…
- Bon t’affoles pas, c’est pour régler un petit problème (pas la peine de l’affoler) avec saint Michel.
- Il faut que je marche sur l’eau ?
Non, tu vois avec eux et demain tu me rends compte, allez tchao à demain.
Le lendemain…
Chapitre 9
Saint Michel reposa le combiné blanc et expliqua à Salomé le contenu de sa discussion avec Dieu 3.
- Il nous envoie Jésus encore une fois. Comme si on n’avait pas assez de problème comme çà. Salomé il faut que l’on trouve une solution avant qu’il arrive, sinon il va tout saloper avec ses prêches et autres balivernes. De quelles aides pouvons-nous disposer ?
Salomé :
- Les Catholiques nous sont acquis, corps et âmes.
- C’est vrai mais Benoit XVI va nous faire lanterner sous prétexte qu’il faut réunir la Curie, et puis le Synode et enfin rédiger une encyclique en latin. On en a pour 5 ans et c’est demain qu’il faut agir. Lucifer ne va pas attendre lui.
- Il y a les protestants, les réformés, les anglicans et autres évangéliste. Si on négocie bien on devrait les avoir avec nous.
- Et les Orthodoxes, on n’est pas mal avec eux depuis un moment. Ils recrutent ferme depuis la fin du communisme. On peut compter sur les juifs ?
- C’est une question de prix comme d’habitude, mais du moment qu’on ne revendique rien à Jérusalem, on devrait les avoir avec nous.
L’examen de tous les alliés possibles et des opposants certains prit le reste de la nuit.
Salomé souleva le cas de Louna qu’on ne pouvait laisser longtemps entre les mains d’Azazel. Il faut d’abord la libérer, nous serons plus libres ensuite de mettre en oeuvre uns stratégie.
- Oui mais comment ?
- En tant que chef des armées de Dieu, Saint Michel, vous avez peut-être un commando de disponible ?
- On ne va pas commencer par la force. Ils sont en possession de moyens que l’on n’a pas encore rassemblés. Il faut ruser. Je propose que vous vous rendiez là-bas en vous faisant passer pour… je vous laisse le soin de trouver.
- Merci Saint Michel de votre confiance. Je suis très touchée, vraiment. Ange Salomé pensa en aparté que comme toujours la fuite était encore le moyen préféré des hommes devant une situation qu’ils ne maîtrisent pas. Etant donné le goût des suppôts de Satan pour le vice, la luxure, le péché en général c’est par là qu’il fallait commencer. Elle eut vite fait de trouver le personnage qu’elle allait jouer.
- Vous vous occupez de recevoir Jésus et de contacter nos alliés ?
- Bien entendu, Salomé, cela va de soit.
Ange Salomé partit aussitôt pour Colibita transformée en touriste milliardaire. Elle loua une voiture de grande marque allemande, contacta un vieil ami pour lui proposer de l’accompagner comme chauffeur et garde du corps. C’était un ancien membre des commandos de l’armée anglaise. Il s’appelait Paul et accepta la mission avec joie. Cela lui permettait de retrouver un peu des émotions de commando et d’échapper à une épouse possessive et un rien popote.
Elle arriva 2 jours plus tard en ayant pris le temps d’intégrer le personnage qu’elle comptait jouer. Elle prit pension dans le grand hôtel tout près de la société VLADOR et commença à faire la touriste désœuvrée au bord du lac. Au bar de l’hôtel, au 3ème whisky elle confia au barman qu’un grand chagrin d’amour venait de briser sa vie et qu’elle venait se ressourcer sur les lieux de son enfance. La petite ferme qui l’avait vue naître avait disparu mais l’odeur des fleurs de montagne, du foin sec était toujours là pour lui réchauffer le cœur, lui démontrer que la vie avait encore de bons côtés, qu’il ne faut jamais baisser les brais mais c’est dur quand même de se faire larguer par un jeune coq qui aurait bien voulu partager sa fortune plus complètement que son lit. Le barman compatissait tout en plongeant son regard dans le décolleté de la dame.
Salomé prenait bien soin de ne pas tourner autour de la société VLADOR mais toutes les nuits elle essayait de rentrer en contact avec Louna. Rien ne passait, elle ne recevait que les messages de Grigor-Azazel qui la berçait de comptes-rendus insipides.
De son côté Paul, le chauffeur de Salomé faisait un repérage des lieux et glanait ici ou là quelques renseignements sur les effectifs de VLADOR et les habitudes de ses salariés.
Salomé comptait beaucoup sur le barman pour informer les dirigeants de VLADOR de sa présence et des nombreux attraits qu’elle représentait. Elle prenait grand soin d’éviter Azazel quand celui-ci venait au bar jouer son rôle de patron ouvert et dynamique. Les jours passaient et aucune solution ne se dessinait dans le ciel de l’ange Salomé.
Les messages avec l’archange Saint Michel montraient que tout se mettait en place pour contrecarrer les actions de Lucifer. Les campagnes d’information sur le péché, la luxure, l’enfer menées par les différentes églises commençaient à remuer les esprits.
Chaque jour Dieu exigeait un compte-rendu précis de l’avancement des actions entreprises à la fois de Saint Michel et du locataire du Vatican. Les relations avec celui-ci étaient compliquées. Comme rien ne se passe du côté de Salomé nous pouvons consacrer quelques lignes à relater ces échanges entre Dieu et le pape.
Dieu au téléphone bleu (celui qui le relie directement avec le pape)
Allo, passez-moi Benoît.
Impossible, Seigneur il est en prière.
Qui est à l’appareil ?
Sœur Argile Seigneur.
Mais c’est pas possible, il est en prière à chaque fois que je l’appelle, il n’a pas d’autres choses à faire ? Je lui confie une mission et monsieur compte la résoudre avec des prières ? Il faudrait qu’il remette un peu les pieds sur terre parce que ses prières, on a vu ce que ça donne avec les prêtres pédophiles. Passez-le moi sœur Argile et vite.
Oui Seigneur, on est parti le chercher. En attendant qu’il arrive, je peux vous poser une question Seigneur ?
Oui, encore une faveur ?
Non, non Seigneur, juste une question sur le mariage des prêtres, vous en pensez quoi, vous ? parce que vous voyez j’aimerai bien, enfin…
C’est de la connerie sœur Argile et si l’église catholique n’avait pas mis le doigt dans cette théorie absurde on ne serait pas là à perdre de clients, des fidèles je veux dire et à perdre un fric fou à dédommager les victimes des prêtres pédophiles. Vous avez quelqu’un en vue soeur Argile ?
Oui seigneur mais ce n’est pas encore un prêtre, rassure-vous, juste un jeune séminariste. Mon problème c’est que j’ai fait vœu de chasteté et qu’il me faudrait une dispense pour me marier.
Accordé sœur Argile. Bon il arrive le Benoît ?
Nous interrompons cet échange plein d’intérêt entre sœur Argile et Dieu car nous venons d’apprendre que Salomé vient d’entrer en relation avec Azazel. Que c’est-il passé pendant cette digression sans beaucoup d’intérêt ?
Un soir que Salomé était au bar de l’hôtel, désespérée de n’entrevoir aucune solution, Azazel vint s’asseoir sur le tabouret à côté d’elle et à propos d’un verre renversé maladroitement (enfin, pas tellement) engagea la conversation. Comme toutes les conversations de drague elle comporta les différentes phases bien connues de la drague masculine :
Convaincre la femme que seule son intelligence et sa conversation nous intéresse.
Insister sur l’élégance de sa tenue, la discrétion de son maquillage
Lui faire comprendre que sa conversation nous captive et que le récit de ses malheurs nous affecte profondément.
Ou féminine :
Lui faire comprendre que c’est la première fois qu’on l’écoute et que l’on comprend sa vraie personnalité.
Lui laisser entendre qu’on n’est pas une femme d’argent et que le véritable amour peut se passer de richesses et autres biens matériels.
Ah ! si l’amour pouvait se passer de sexe
Chacun ayant exposé son profil le plus apte à séduire l’autre cela finit quand même par la question classique :
Je peux vous inviter à dîner ?
Bien sur avec plaisir
Et les voilà partis vers le restaurant de l’hôtel.
Chapitre 10
Pendant ce temps-là, Paul, le chauffeur de Salomé fouinait aux alentours. A l’arrière du bâtiment VLADOR il repéra une petite ouverture, pas plus large que la main fermée par une grille aux mailles assez larges. De cette ouverture venait un bruit qu’il identifia aussitôt comme un message codé en morse ( il n’y a rien de tel que le retour aux bonnes vieilles méthodes de temps en temps s’était dit Louna) obtenu en frappant le tuyau avec un instrument métallique, une cuiller en l’occurrence.
. - ../ - - - / .. -/ -./ .-/../-.-./..
Ce message était répété entre deux silences assez longs.
Paul en comprit vite le sens et sans attendre davantage il entra dans le restaurant de l’hôtel et par un signe imperceptible il fit comprendre à Salomé qu’il avait trouvé Louna. Salomé sous le prétexte habituel se rendit aux toilettes et échangea quelques mots avec Paul dans le hall, ce qui ne surprit personne, tout le monde sachant que Paul était le chauffeur de Salomé. Ces quelques mots suffirent pour que Salomé dise à Paul qu’elle prenait les choses en main, lui recommandant de ne rien faire sans son ordre.
De retour au restaurant elle reprit son rôle de femme blessée, toute prête à être consolée. On ne pouvait fêter autrement cette rencontre qu’au champagne et ce fut un repas digne des meilleurs scénarios hollywoodiens. Ce repas absolument divin se termina par la question classique :
- Chez vous ou chez moi ?
N’ayant pas envie de se retrouver dans le même cas que Louna Salomé invita Azazel à prendre un dernier verre chez elle plutôt que chez lui. Ils montèrent dans sa chambre d’où le balcon offrait une vue merveilleuse sur le lac éclairé par la lune comme c’est romantique on aimerait que la vie dure ainsi éternellement doucement éclairée par une lune complice en écoutant le chant des grillons qui font une si belle sérénade au cœur des amoureux, bla, bla.
Il faut avouer que la Salomé était un peu émoustillée par l’idée de se faire un ange déchu. Le sort de Louna passait un tout petit peu au second plan, sans que Salomé l’oublie bien entendu.
Nous connaissons la suite heureuse des aventures de Salomé et Louna, il ne pourra pas nous être reproché d’égoïsme ou de lâcheté en nous attardant quelques instants sur la scène suivante unique dans l’histoire des religions.
Azazel tout aussi excité que Salomé était accoudé auprès d’elle sur la rambarde du balcon. Il écoutait d’une oreille distraite le bavardage de Salomé. IL lui passa un bras autour de la taille et constata qu’aucune réaction hostile ne venait lui signifier qu’il s’aventurait en territoire interdit. Salomé pour lui marquer un accord tacite rapprocha un peu plus ses hanches des siennes. A ce stade la main peut faire valoir ses droits à participer au jeu et elle commence son travail à la fois de découverte et de massage léger certes, mais apaisant, enfin moralement apaisant. La règle veut que cette approche manuelle cesse rapidement afin que les choses soient bien claires. Un retournement brutal de la femme vers un baiser qui ne peut plus attendre sonna le départ d’un corps à corps volcanique. Les vêtements s’éparpillèrent mais Salomé remarqua bien le bruit métallique d’une grosse clé sur tombant sur le sol quand Azazel jeta son pantalon au loin.
Ils furent émerveillés du spectacle que chacun offrait à l’autre. Le corps d’Azazel offrait des perspectives tout à fait affolantes, diaboliques même. Nous ne donnerons pas les dimensions de l’engin exposé aux yeux de Salomé afin de préserver la fierté des lecteurs mâles de ce récit. Salomé n’était pas en reste. Bien que relativement petite, ses formes somptueuses méritaient l’attention et des attentions bien précises. Nous laissons au lit de Salomé le soin de surveiller les ébats qui s’ensuivirent. Ebats qui durèrent un certain temps, on s’en doute. En final comme beaucoup d’humains Azazel s’endormit d’un sommeil lourd de champagne et de sexe.
Salomé attendit quelques temps que le sommeil d’Azazel soit assez profond pour aller récupérer la clé dans la poche du pantalon. Elle s’habilla rapidement et rejoignit Paul qui se morfondait dans les jardins de l’hôtel. Le plan fut vite réglé. Paul récupéra son couteau de commando dans l’auto et par précaution un pistolet Glock 17 de chez Beretta.
Salomé s’approcha seule de la porte de Vlador et demanda au gardien de bien vouloir allumer le projecteur extérieur afin qu’elle recherche ses clés qu’elle avait du perdre en se rendant à l’hôtel. Quelqu’un qui demande de la lumière ne peut pas avoir de mauvaises intentions et le gardien obéit poliment. La tenue de Salomé étant faite d’une robe ultra courte, son attitude n’éveilla chez le gardien qu’une envie, celle de l’aider à retrouver ses clés en s’éloignant un peu de son poste. Arrivé au coin de l’immeuble il fut accueilli sournoisement par Paul qui l’assomma net. Paul et Salomé le portèrent dans le bureau qui jouxtait l’entrée de l’immeuble. Ils trouvèrent rapidement l’entrée du sous-sol. Un deuxième gardien, surpris de l’arrivée de ces inconnus eut un sort moins enviable que le premier. Poignardé en plein cœur il s’écroula. L’entrée du caveau de Louna fout vite trouvé et la clé joua sons rôle sans erreur. Ils ne perdirent pas de temps en d’inutiles effusions et se précipitèrent vers la sortie, Paul en tête, heureusement. Azazel réveillé par un mauvais pressentiment barrait l’entrée. Le Glock cracha trois fois et Azazel s’écroula pour aussitôt s’évaporer dans une boule de feu éblouissante. La guerre entre le ciel et l’enfer venait de commencer.
Paul, Salomé et Louna se précipitèrent vers l’automobile garée devant l’hôtel. Ils démarrèrent sans hâte mais sans perdre de temps non plus. A quelques kilomètres de Colibita Paul s’arrêta et se tourna vers les deux jeunes femmes qui étaient assises à l’arrière. Il leur expliqua qu’il avait passé ses journées à surveiller les faits et gestes des collaborateurs de VADOR et qu’il savait ou se faisait le raccordement entre la ligne électrique de VADOR et la centrale hydraulique. Il suggérait de faire sauter cette liaison ce qui lui rappellerait de bons souvenirs et pourrait être utile aux objectifs en cours à savoir contrecarrer les travaux de Lucifer dont Salomé l’avait informé. L’idéal aurait été de faire sauter VLADOR mais bon, on peut au moins faire ça. Paul engagea l’auto dans un petit chemin et bientôt s’arrêta après avoir bien pris soin de positionner l’auto dans le sens du départ tout en la cachant de la vue. Il semblait avoir bien préparé son coup. Du coffre il sortit un sac contenant les ustensiles nécessaires : dynamite, détonateurs et fil électrique. Il ne fut pas long et en un quart d’heure la charge fut installée avec un téléphone mobile comme déclencheur. Paul reprit son poste de chauffeur, tout content d’avoir rajeuni de 20 ans. De retour sur la route principale il sortit de sa poche un deuxième téléphone portable et composa le numéro du premier. L’explosion fut moins impressionnante que l’éclair provenant du court-circuit des fils électriques. Un grand sourire de satisfaction lui éclairait le visage. Il reprit la route en sifflotant un chant anglais qui avait fait fureur pendant la guerre de 40 et qui avait fait la gloire du film du pont de la rivière kwai.
Le retour vers Presov permit aux deux femmes de s’échanger les dernières nouvelles. Salomé ne s’attarda pas sur la manière qu’elle avait utilisée pour s’emparer de la clé du cachot. Louna butait toujours sur la raison qui avait poussé ses ravisseurs à ne pas l’éliminer. Il devait y avoir un but derrière cette manœuvre.
Salomé raconta à Louna que Dieu était au courant des manœuvres de Lucifer et qu’une conférence sur la stratégie à adopter aurait surement lieu à leur retour.
Chapitre 11
Le retour à Presov se passa sans encombre. Gabriela passa la plupart du temps à dormir, ce qui se conçoit facilement. Louna qui s’ennuyait ferme à l’arrière de l’auto vint s’installer à côté de Paul. La conversation devint vite aussi passionnante pour l’un comme pour l’autre. Louna, impressionnée par ce qu’avait fait Paul pour la sauver l’écoutait raconter ses exploits guerriers avec une admiration réelle. Paul voyait en Louna une femme hardie aux pouvoirs magiques et aux formes alléchantes comme il en avait toujours rêvé. Tous les deux étaient sur un petit nuage et se promettaient intérieurement de ne pas en rester là.
Saint Michel les accueillit sans commentaire particulier ce qui vexa nos héros. Chacun reprit sa place dans la vie civile comme si de rien n’était. On attendait la réunion d’en haut. On expliqua aux collaborateurs de ADN@-SOFTWARE que les liens étaient rompus avec la filiale pour non respect du contrat grâce à la présence de Louna qui avait fait un excellent travail là-bas.
Un soir le téléphone sonna trois fois, puis 2, puis une chez Saint Michel. La réunion en haut était prévue pour le dimanche suivant.
(Vous allez me dire et cela vous démange depuis un moment je le sens bien, mais comment voulez-vous se faire réunir Dieu, des anges, des humains un peu anges, des dignitaires de différentes églises. Et ou ça se passe, et comment. Et pourquoi Dieu a un téléphone blanc. Tout ça c’est du roman incroyable. Et ho ! du calme. Alors J. K. Rowling aurait le droit de raconter des trucs énormes et pas moi ? Vous vous les êtes arrachés les romans de Harry Potter non ? Et le Da Vinci Cod de Dan Brown, vous l’avez lu aussi ? Alors laissez-moi délirer comme j’en ai envie. Et prouvez-moi que tout ce que je raconte est de la pure invention, prouvez-le moi. Quand je lis tous les délires mystico-magiques de ce site, je prétends avoir le droit de raconter cette histoire comme je l’entends. Non, mais…)
Le premier arrivé dans la salle de réunion fut Jésus qui commença par s’installer avec le dernier livre de Lacan. Benoit XVI fut le second. Il se précipita aux pieds de Jésus en marmonnant son latin habituel : Bonus oriens senior , ut suus pacis is may exsisto vobis.
Jésus ravi d’êtres accueilli avec autant de ferveur l’aida à se relever et entreprit de lui expliquer la théorie de Lacan ce qui horrifia Benoit XVI qui se plongea illico dans sa bible.
Arriva ensuite le grand rabbin de Jerusalem qui se contenta de saluer Jésus et Benoit d’un petit signe de tête. Au bout d’un petit moment il s’approcha de Benoit pour lui poser une question à l’oreille :
- Est-ce qu’il y aura une quête à la fin de la réunion, parce que, là, je n’ai rien pris alors si vous pouvez mettre une petite pièce à ma place…
Benoit haussa les épaules et lui répondit qu’il ne s’agissait pas d’une messe mais d’une réunion de travail pour laquelle il avait du recevoir un ordre du jour.
L’arrivée du Pope de Moscou se fit avec beaucoup de bruit, breloques et encensoir comme à la fête. On le pria de laisser ses accessoires au vestiaire.
Le protestant vint présenter la liste des pouvoirs qu’il avait reçus et lui donnant le droit de représenter les autres branches de l’église réformée. Il insista pour confirmer que cette liste avait été enregistrée devant notaire et qu’elle était inattaquable…
D’autres représentants d’églises mineures entrèrent discrètement, conscients de leur insignifiance mais prêts à profiter de cette réunion pour faire entendre leur voix.
Les Bouddhistes et les autres religions asiatiques (Confucius, Shintoïme etc.) avaient décliné l’invitation sous des prétextes divers.
Le coup de tonnerre traditionnel annonça l’arrivée de Dieu, un peu gêné de cette arrivée tonitruante car au fond c’était un homme modeste et facile à vivre. Il fit le tour de la table en serrant les mains et en ayant un mot aimable pour chacun. Et comment va votre maman, et les affaires? passons.
Dieu s’assit et invita Jésus à sa droite, Benoit XVI à sa gauche, le protestant à côté de Benoit XVI, le rabbin à côté de Jésus (petite vacherie, les juifs ayant toujours récusé le messie) le Pope à côté de Benoit XVI, et les autres invités à se mettre ou ils voulaient, ce qui donna lieu à un petit jeu de chaises fort attrayant. Saint Michel, Salomé et Louna s’étaient d’autorité assis en face de Dieu, ce qui souleva quelques timides objections vite réprimées par un froncement de sourcils de Dieu.
Un fois le brouhaha terminé Dieu prit la parole dans un silence respectueux.
Je suppose que si je vous propose de commencer par une prière il va s’en trouver un parmi vous pour émettre une objection ?
Non ?
Jésus leva le doigt.
- Je vais peut-être poser une question idiote mais qui allons-nous prier puisque vous êtes là Dieu ?
- Pas con. Tu m’étonnes parfois. Et bien passons à l’ordre du jour. Saint Michel rappelez-nous le problème.
- Il y a quelques temps déjà nos effectifs, pardon nos fidèles diminuant régulièrement nous avons entrepris d’utiliser tous les moyens modernes pour ramener les athées, les agnostiques et les croyants passifs dans nos églises. Vous tous qui êtes présents avez constaté le même problème et cherché par des moyens parfois différents, parfois identiques à remplir nos temples ou églises.
Le Pope intervint :
- Nous pas de problème, les communistes ont bien fait leur travail et nos églises sont pleines.
Le pape :
- Es-tu certain que cela va durer ?
Dieu :
- Même les moins touchés seront un jour concernés si nous ne faisons rien. Mais le problème du jour est la concurrence. Continuez l’exposé des faits.
Saint Michel.
- Nous avons constaté l’influence grandissante de l’effet internet sur les comportements aussi bien profanes que religieux. On commerce de plus en plus par internet quand aux sites de rencontre ou classé X c’est l’inflation. Nous avons exploré plusieurs solutions et il nous a semblé intéressant de créer une filiale chargée de mettre au point des logiciels de forums essentiellement et de commerce que l’on livrerait gratuitement aux communautés religieuses ou aux ONG pour commencer. Ces logiciels nous auraient permis de centraliser toutes les données recueillies dans une base de données centrale.
Jésus :
- Mais les fichiers sont la propriété des gestionnaires du forum. Vous ne livrez que le logiciel sans accès aux fichiers. Comment auriez-vous fait pour les récupérer ?
Dieu
- Dis donc mon fils ou as-tu appris à raisonner aussi juste ? Là tu m’épates. Alors Saint Michel répondez à la judicieuse question de mon fils (qui est bien digne de son père entre nous).
Saint Michel
- Nous avions prévu de glisser un module espion dans nos logiciels pour faire un transfert de fichiers incognito.
Le pasteur protestant fit une grimace de dégoût :
- Belle mentalité. Vos méthodes n’ont pas changé depuis l’inquisition.
Dieu :
- Le problème n’est pas là. Que s’est-il passé ?
Saint Michel :
- Lucifer (tout le monde se signa) nous a tendu un piège et a pris la direction de la filiale que nous avions créée et s’apprêtait à nous doubler. Heureusement nous avons pu déjouer sa manœuvre…
Dieu :
- Hola !! vous allez un peu vite pour vous dédouaner Saint Michel. Vous avez ralenti, et encore, sa manœuvre mais il a repris son activité, sa centrale géothermique est en cours de construction, ses ordinateurs tournent jour et nuit et pas plus tard qu’hier j’ai reçu une offre d’abonnement à son site porno : « Graziella la cochonne ».
Jésus :
- Tu me montreras, dis papa ?
Dieu :
- Surement pas. D’ailleurs j’ai du le supprimer de mon notebook.
Le rabbin en aparté (ça m’étonnerait, tous des obsédés sexuels ces goys)
Dieu :
- La situation est donc la suivante : Nous n’avons plus d’outil pour lancer nos propres logiciels et Lucifer (signe de croix) est train de monter en puissance. Quelles solutions proposez-vous ?
Chapitre 12
Commençons par Benoît, alors que propose le Vatican, pardon le Saint Siège :
Benoît :
- Je propose que les messes, les prières soient dites dorénavant en latin dans tous les lieux de culte et même dans les espaces privés. Le retour aux mystères de la foi nous sauvera du démon.
Silence navré de l’assistance.
Dieu :
- Mon petit Benoît, j’ai comme l’impression que tu n’appréhendes pas la situation avec toute la lucidité nécessaire. Les dernières statistiques en ma possession font état d’une évaporation de 100000 fidèles par an et tu crois que le latin va motiver les jeunes pour croire en autre chose que l’argent, le rock et les jeux télévisés. Je ne vois que de vieilles bigotes et quelques intégristes pour apprécier ta proposition. Tu plonges le nez dans ta bible et en cherchant un peu tu devrais trouver quelque chose de plus efficace. Jésus j’attends de toi une proposition à hauteur de ta réputation.
Jésus :
- Moi je vois bien un petit miracle mis en scène par Roman Polanski. Un miracle pas si petit que ça d’ailleurs : La scène se passe au Madison Square Garden, j’entre en scène entouré des 12 apôtres pendant que les anges entonnent un chant à la gloire de Dieu et là , et là.. je crie : amour, amour et tout le monde s’embrasse..
Dieu :
- Pas au point ton scénario mon fils, les Evangélistes font çà depuis un bon moment et pour faire un miracle, aux Etats-Unis sur la scène du Madison Square Garden il va falloir chercher un moment ; Quelqu’un à une idée ?
Ange Louna et Ange Salomé qui n’avaient pas dit un mot depuis le début de la réunion, impressionnées qu’elles étaient de l’importance des grand dignitaires réunis se regardèrent pour savoir qui allait prendre la parole. Louna qui était à l’origine du projet fit comprendre à Salomé que c’était à elle de parler. Salomé accepta de bon cœur.
Louna :
- Seigneur, nous avons, Salomé et moi (Luna oublia volontairement de citer l’ange Michel) avons un projet à vous soumettre. Nous avons une copie des logiciels qui servent à Lucifer. Ce qu’ils veulent faire nous pouvons le faire aussi : nous proposons de pirater leurs fichiers par un spyware et d’installer un rootkit sur leur machine. Nous pourrons alors modifier la gestion des forums et provoquer une pagaïe monstre dans leur système qui fera se retourner les utilisateurs contre eux.
- Nous pouvons même, par précaution, saboter à la dynamite leur bâtiment afin de gagner un peu de temps. Nous avons avec nous les compétences nécessaires.
Dieu :
- Je n’ai rien compris de la première partie de votre proposition mais je vous fais confiance. Quant à la seconde, je dis bravo sans hésiter : mettre le feu chez Lucifer, j’aime bien l’idée. Je suppose que cela va coûter cher et demander un certain temps.
Salomé :
- Effectivement Seigneur nous allons avoir besoin de cash pour payer les hackers que nous allons mettre sur le coup. Quand au temps, un délai d’un mois nous parait raisonnable.
Le Grand Rabin de Jérusalem prit la parole :
- Il n’est pas question que nous financions cette opération frauduleuse.
Dieu :
- Mais on ne vous demande rien char ami, nous connaissons vos grands principes moraux concernant l’argent. Mon fils va nous trouver cet argent vite fait. Jésus fais nous donc ton miracle. Et Jésus se leva, tendit les mains vers la table et des monceaux d’or tombèrent de ses manches. Même les plus incrédules restèrent bouche bée.
Dieu :
- Et voilà le travail. La séance est levée. Philomène !!!
- Oui Seigneur
- Café pour tout le monde.
Les participants :
- Un double.
- Pour moi c’est sans sucre.
- Avec un nuage de lait.
- Un capucino plutôt.
- Je peux avoir un thé vert ?
Dieu
- On se croirait au conseil de l’Europe à 27, bon courage Philomène, euh… avec 2 sucres pour moi.
Ange Salomé, Ange Louna et Ange Michel se retrouvèrent chez celui-ci qui faisait nettement la gueule. Les 2 jeunes femmes prirent congé rapidement, Louna pour retrouver Paul, Salomé pour rejoindre son équipe et mettre la première partie du projet en route. Elle avait pris soin de ramasser une partie des pièces d’or avant de partir et Louna avait pris le reste. Les grands sacs à main semblaient avoir, pour une fois leur utilité.
Quand Louna monta dans la voiture de Paul celui-ci lui demanda :
- Alors quand est-ce qu’on repart en mission ?
- Quand on aura changé de voiture, acheté 100 kg de TNT et tout ce qui va avec.
- Tu déconnes ?
- Regarde
- C’est de l’or ?
- Yes et que des pièces neuves
- Et tu vas utiliser ça comment ?
- Et bien en les changeant contre des dollars et des euros
- Et le banquier va accepter ?
- Tu devrais savoir que le respect des lois, pour un banquier, est inversement proportionnel au taux de commission qu’il touche. Tout est dans la négociation.
- Alors on y va ?
- C’est parti
Le banquier, homme de morale intransigeante (surtout avec les pauvres) se révéla un négociateur facile à convaincre. Moyennant x% de commission, l’ouverture d’un compte, une assurance vol et perte de carte bleue il transforma l’or divin en billets de banque bien propres.
L’arrêt suivant fut chez le concessionnaire BMW qui vit le ciel de sa journée s’éclairer brusquement : les clients qui venaient de franchir la porte du hall ne venaient manifestement pas lui proposer des billets de loterie pour la fête annuelle de l’école de leurs enfants. Il connaissait l’homme, vieux client, et appréciait en connaisseur le physique de sa nouvelle compagne.
- Bonjour Paul, bonjour madame, je peux quelque chose ?
- Et comment cher ami. Je changerai bien ma berline série 3 contre une série 7 ou un X3.
Nous n’allons pas vous faire passer les deux heures que dura la négociation de cet achat qui se termina par l’achat d’un X3 avec toutes les options. Moyennant un règlement comptant l’auto se révéla disponible 2 jours après. Allez comprendre, le délai normal est de 2 mois.
En sortant de chez BMW Paul s’arrêta et dit :
Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Resto ?
Resto.
Et après ?
Devinez….
Chapitre 13
Avant d’entrer dans le détail des relations entre Louna et Paul il nous semble indispensable de donne quelques précisions d’ordre morphologique et psychologique sur chacun d’eux. Commençons par Paul dont nous avons dit qu’il était un militaire en retraite et marié. En retraite cela veut dire âgé d’environ 45 ans. Marié à une épouse dont les qualités principales s’expriment dans le ménage de l’appartement, la cuisine et les parlotes au téléphone. A sa décharge il faut savoir qu’une femme de militaire, quand son mari est en opération, n’a pas beaucoup d’autre contact qu’avec les épouses des collègues de son mari. Bien entendu elle lit chaque semaine « Nous deux » et « Modes et Travaux » qui lui inspirent ce genre de question au mari qui rentre du bistrot :
- Dis chéri, si je te tricotais cette veste en laine, là page 24, elle serait bien pour cet hiver ?
(Je connais bien ce genre de femme, j’ai eu la même avec la même veste)
Donc Paul est marié et les questions de son épouse, qui ne le gênaient pas quand il était en activité commençaient à l’épuiser nerveusement. C’était un homme robuste, de taille moyenne avec un visage qui serait passé pour banal si le regard n’avait pas été aussi vif et témoin d’une grande intelligence et d’un sens de l’humour certain.
Nous avons donné au premier chapitre une description rapide de Louna : petite, brune, un peu ronde. Sur ce point il faut apporter un rectificatif : son séjour dans la cave de VLADOR lui avait fait perdre les quelques kilos qu’elle désespérait de voir disparaître malgré les régimes minceurs auxquels elle s’astreignait. L’essentiel, ses lolos comme elle disait, avait été préservé et Paul les admirait sans retenue. Depuis leur rencontre à Colibita, ils ne se quittaient plus et plus ils parlaient ensemble plus ils se sentaient faits l’un pour l’autre. Paul, en parfait gentleman laissait venir le moment d’ échanges plus intimes ce qui plaisait fort à Louna qui déteste les dragueurs pressés.
Le choix d’un restaurant se révélant un peu restrictif Luna et Paul (une tourtel !!!) optèrent pour une petite auberge à 20km de la ville qu’ils avaient fréquentée dans une vie antérieure. Ils y furent accueillis par une exclamation de l’aubergiste : De vous voir ensemble me ravit. Cela fait longtemps que je me dis : ces deux là feraient un beau couple, je vous souhaite bon appétit. Cela fut dit avec un grand sourire complice.
Le repas permit à Louna de raconter en détail la réunion avec Dieu. Les voisins de table avaient écouté leur conversation avec amusement car ils pensaient avoir à faire à quelques scénaristes en mal d’imagination. Au dessert ils abordèrent la stratégie à mettre en œuvre pour casser l’entreprise de Lucifer. Le champagne et l’excellent repas n’étaient pas propices à une réflexion approfondie sur ce sujet. Ils remirent à plus tard cet objectif qui n’était pas à un jour près. Sans même que l’un pose la question à l’autre ils demandèrent à leur aubergiste complice la chambre qui leur permettrait une petite sieste propre à digérer en toute quiétude.
Nous sommes le 15 août, fête de l’Assomption si je ne me trompe. Il n’est donc pas question de s’étendre sur les exploits sexuels de notre couple. Sachez seulement que la sieste se déroula pour la plus grande satisfaction de nos 2 tourtereaux.
Sur le chemin du retour, vers la pension Vauquier pour Paul (bon j’exagère mais faut bien montrer de temps en temps qu’on a des lectures), le studio pour Louna la discussion reprit sur l’opération à entreprendre.
Louna :
J’ai une idée : et si on faisait appel aux anges écolo, la section Greenpeace des anges ?
C’est quoi ce truc ?
Ce sont des anges qui veulent faire comprendre à l’humanité qu’elle ne peut pas exploiter la nature comme elle le fait.
Et qu’est-ce qu’ils font ces anges ?
Pour l’instant ils dessinent des cercles avec plein de dessins dedans parfois ésotériques, toujours sibyllins dans les champs de blé, de colza ou d’avoine. Ils sont des milliers dans le ciel et peuvent intervenir partout. On appelle leurs dessins des « crops circle » en anglais ou des agroglyphes en français. Je pense que l’utilisation des champs magnétiques à forte puissance qu’ils utilisent pourraient bien endommager les installation de Lucifer. Et c’est sans risque. C’est un message qui s’intègre bien dans leur stratégie.
Et tu peux leur demander ça ?
Ben oui, ça t’étonne ?
Un peu mais maintenant que je te connais, je m’étonne un peu moins. Moi aussi j’ai une idée. Voilà, imaginons que nous soyons des campeurs dans les alentours de Colibita. Tu me suis ? Bien, supposons que ces campeurs maladroits mettent le feu à la forêt qui borde le lac. Supposons que les pompiers fassent appel au seul Canadair de Slovaquie, ce qui se comprend vu que le lac de barrage permet au Canadair de faire son plein de flotte.
Oui et alors ?
Supposons toujours que le pilote de l’avion largue, par erreur bien entendu ses 6 tonnes d’eau sur l’hôtel et sur les locaux de Vlador. Que crois-tu qu’il va arriver aux ordinateurs du sous-sol de Valdor ?
Ben, tout va cramer.
Bien vu
Et comment monsieur peut m’expliquer cette erreur de pilotage ?
C’est tout simple ma belle : le pilote du Canadair est un copain à moi, c’est même moi qui l’ai fait embaucher grâce à mes relations, qui ne sont pas divines, certes, mais qui sont bien utiles aussi. Qu’est-ce qu’elle en dit ma Louna ?
Elle en dit que tout ça c’est bien joli mais demande une préparation complexe : je n’ai jamais fait de camping et j’ai peur des bêtes qui rampent sur le sol la nuit, je n’ai pas vraiment envie de retourner là-bas et puis ton copain il ne va pas faire cela gratuitement non ?
Exact, et ton sac à main plein de beaux billets neufs va nous servir : phase un du plan : soudoyer un pilote d’avion Bombardier C-415. Phase 2 : On pourrait utiliser tes anges écolos en avant-garde, histoire 1) de voir si leur système marche, 2) mettre la zone dans le fonctionnement des serveurs de VLADOR .
On va voir le boss et lui proposer notre stratégie.
Bien évidemment Saint Michel approuva le plan proposé non sans avoir suggéré quelques modifications sans intérêt mais propres à démontrer ses compétences stratégiques.
Salomé qui poursuivait son travail de piratage des ordinateurs de Lucifer donna aussi son accord car il n’était pas certain que Lucifer se fasse berné aussi facilement qu’elle le prévoyait.
Quelques jours après, Paul et Louna partirent avec leur nouvelle auto vers la Transylvanie.
Chapitre 14
Nous passerons sous silence les différentes péripéties amoureuses de ce voyage car nous arrivons au terme de cette aventure et il n’est plus l’heure de la gaudriole. Nous pouvons simplement dire que les sièges couchette du X3 ne sont pas à la hauteur de la réputation de la marque.
L’arrivée de nos campeurs passa inaperçue car les touristes étaient nombreux à cette époque de l’année.
Chaque nuit les anges écolos appelés à la rescousse, perturbaient joyeusement les ordinateurs de VLADOR. Sous l’impact des ondes magnétiques certaines vitres volèrent en éclats. L’affolement commençait à gagner le personnel de la société VLADOR qui ne comprenait rien à cette attaque invisible. Les démons de Lucifer s’activaient autour de la centrale géothermique et le puits approchait de la profondeur maxi nécessaire.
Seulement, voilà, dans leur désir d’aller plus vite encore ils creusèrent 100 mètres de trop et tout à coup un geyser de lave jaillit du sol, souleva l’immeuble et enflamma tout ce qui se trouvait alentours. Le 1612ème volcan actif venait d’apparaître. Louna et Paul se précipitèrent dans leur véhicule et prirent la route sans réfléchir aux causes de cette irruption.
Rentrés à Presov ils furent convoqués comme la première fois à une réunion au sommet au cours de laquelle on exprima plus de perplexité que de réponses intelligentes à ce qui venait de se passer. Les anges écolos firent savoir que l’éruption étai due à leurs efforts, ce qui laissa tout le monde dubitatif. Le combat contre Lucifer semblait terminé et chacun en ressentait un sentiment de frustration certain. Nous disons semblait car un fax arrivé pendant la réunion confirma que Lucifer n’avait pas abandonné de mettre sous sa coupe les âmes des humains.
Cette frustration gagnera certainement le lecteur devant cet arrêt des aventures de nos héros. Il est parfois des circonstances où une pause est nécessaire avant que l’on reparte vers de nouvelles aventures.
L’irruption de lave s’arrêta d’elle-même et ne fut bientôt qu’un nouveau centre d’intérêt touristique.
Jésus travailla à son nouveau spectacle avec l’aide de sœur Argile qui l’avait rejointe accompagnée de son séminariste qui avait toujours rêvé d’être scénariste.
Paul et Louna avec l’argent de l’opération ouvrirent une brasserie à Vienne…
Salomé qui avait toujours rêvé d’être une artiste se lança dans la décoration intérieure et la récupération d’objets devenus inutiles.
Saint Michel, désœuvré créa une société paramilitaire (en fait des mercenaires) et partir exercer ses talents en Afghanistan.
FIN