la bande des quatre
Chapitre 1- Albert et Gaspard font connaissance.
Quelque part à Paris juin 20xx :
Albert Fugace avait tout pour être heureux, absolument tout, enfin presque. Son physique bien qu’assez ordinaire lui plaisait assez. Il faisait près d’un mètre quatre-vingt, le teint frais, les yeux bleus, le cheveu châtain abondant et bien planté. La cinquantaine atteinte ne l’avait pas encore accablé des défauts habituels de cet âge : Pas de calvitie honteuse ni de bedaine décourageante. Il se sentait bien dans sa peau. Il avait épousé sur le tard mais après un choix raisonné une femme de la bonne société lyonnaise plus jeune que lui d’environ dix ans. Margot grande brune encore très mince portait plus souvent le pantalon que la jupe. Elle avait une chevelure noire coupée au carré qui mettait en valeur un visage fin avec des yeux noisette souvent rieurs. Elle avait offert à Albert 2 beaux enfants qui avaient démarré de brillantes études devant les conduire dans les métiers de la finance avec le soutien de papa bien évidemment. C’est d’ailleurs dans la finance qu’Albert Fugace exerçait les fonctions de chef de service assez rémunérateur dans une grande banque française. Bref, tout allait bien et c’est ce qui frustrait Albert. Il avait épuisé une grande partie des plaisirs autorisés de la vie et un peu ceux qui l’étaient moins. Glissons. Soyons précis : ce qui manquait à Albert c’étaient les émotions fortes. Il avait envie de sentir l’adrénaline lui fouetter le sang. Il avait bien essayé quelques sports dangereux. Le saut d’obstacle à cheval, discipline où il s’était révélé bon cavalier. Mais les contraintes des concours l’avaient assez vite fatigué. Après le cheval il avait essayé le saut en parachute. Cela lui avait donné un peu de l’adrénaline qu’il attendait. Mais l’esprit de franche camaraderie des sauteurs l’avait un peu agacé par son côté ados attardés. Il avait bien pensé à faire de la voile en solitaire dans quelque course de renom mais la mer comme seul horizon pendant des jours l’avait dégouté de ce sport ingrat.
Albert méditait, cherchait ce qu’il pourrait bien trouver pour satisfaire ce besoin d’émotion forte. Il commença à pratiquer avec succès le vol à l’étalage dans les grandes surfaces. C’était un bon exercice de maîtrise de ses nerfs. Comme de bien entendu, en financier expert en coups tordus il planifiait longuement ses opérations de voleur amateur. Repérage, plan de secours, il ne laissait rien au hasard ni à l’improvisation. Ce petit jeu lui donna satisfaction pendant un certain temps puis le lassa. Il fallait trouver plus excitant encore. Un hold-up ? Il ne pouvait en être question : réunir une équipe compétente était en-dehors de ses moyens et personne de ses relations ne pourrait jouer un rôle dans un projet de hold-up. Et pas question non plus d’aller recruter dans la pègre. Il fallait trouver quelque chose de faisable en solitaire.
Un crime de sang ? Pas question, sa morale et son éducation religieuse lui interdisaient ce moyen extrême et peu valorisant. De plus il n’avait autour de lui personne à qui il en aurait voulu au point d’en organiser et exécuter le décès. Tuer un inconnu dans la rue ? Trop facile et tuer un innocent le révulsait. Albert finit par comprendre qu’il cherchait effectivement de l’adrénaline mais aussi la sensation de détenir un pouvoir, d’être le plus fort. C’était plus qu’une ambition, c’était un besoin physique de dominer le monde même s’il ne l’exprimait pas avec ces mots. Rapidement il comprit que son métier lui avait déjà donné un avant goût de ce pouvoir. La période où il avait joué avec les taux de change, avec les cours du blé ou du pétrole lui avait donné une idée de ce qu’il recherchait. L’exemple de Bernard Madoff l’avait fasciné et le crack de 2008 un exemple de point de départ intéressant.
Comment faire plus et comment ne pas être inquiété ? La perspective d’être condamné à 150 ans de prison ne le faisait pas rêver. Il fallait trouver autre chose mais dans un secteur d’activité comparable. Albert commença donc à réfléchir intensément à quelques projets. Comme pour tout ce qu’il entreprenait il le fit avec méthode. Cahier de notes, classement des idées en idées fiables et non fiables, recherches documentaires à effectuer, calcul des coûts etc. Première décision importante : ne pas exercer son activité malhonnête ni au bureau, ni à son domicile. A l’époque où Albert travaillait au service bourse il avait sympathisé avec un caissier de sa banque, petit bonhomme au physique banal mais à la personnalité intéressante. Dès le deuxième verre il tenait des propos originaux et semblait être compétent en informatique. Albert le revoyait parfois au bistrot à côté de la banque où tous deux allaient boire un pot après le travail.
Au même endroit :
Gaspard Froidure est également banquier. Enfin, presque. Plus prosaïquement il est caissier au guichet de la même banque qu’Albert. Gaspard Froidure est caissier depuis une éternité, peut-être même un peu plus longtemps encore. Gaspard ressemble bien au portrait qu’en a tracé Albert : pas très grand, légèrement bedonnant avec un visage avenant au sourire communicatif. Dès qu’il parle on comprend qu’il a beaucoup de caractère et de culture. Il est marié et respecte scrupuleusement les termes du contrat de mariage bien que cela lui coûte parfois. Son épouse Gabrielle est une petite blonde aux formes attrayantes qui remplit parfaitement les devoirs de sa charge avec compétence et dévouement. Gaspard Froidure est donc satisfait des services gratuits que lui rend son épouse. Mais passons, le ménage dure depuis trente ans et ce ne sont pas mes perfidies qui arriveront à le détruire. Les tentations ne manquent pourtant pas. Tous les mardi matin, la banque étant fermée le lundi, madame Van Clef la bouchère vient déposer la recette de la semaine passée. Il ne s’agit pas de la Van Clef des bijoux cela est évident mais c’est une Van Clef d’origine garantie. Quand la bouchère se penche sur le guichet pour tendre à Gaspard son enveloppe pleine de liasses déjà triée le regard de Gaspard s’allume devant les somptueuses rondeurs du corsage tout proche. Mais il n’y a rien à espérer de ce côté. La bouchère ne pourrait être infidèle qu’avec un grossiste des halles, un industriel de la viande aux revenus prometteurs. Gaspard Froidure se sent aussi une affinité avec Babette la boulangère. Mais dans ce cas là il a surtout peur de n’être qu’un passe-temps éphémère. Gaspard Froidure rêve d’avoir une autre vie. Il se sent des capacités, une intelligence méconnue ou négligée de ses chefs. Et de se voir, ignoré, presque méprisé, Gaspard Froidure rumine des vengeances monstrueuses. Il a perfectionné sa pratique de l’anglais et de l’espagnol en se rendant à plusieurs reprise en Espagne et en Angleterre afin d’être caissier multilingue. Mais il n’a pas vu ses efforts récompensés. Caissier il est, caissier il restera jusqu’à la retraite. Alors Gaspard Froidure gamberge, rumine, fais des plans, construit des scénarios. Quand chaque année il découvre ce que coûte à sa banque le déplacement du PDG au forum de Davos, Gaspard Froidure tremble de rage et de jalousie. Rendez-vous compte, pour une semaine de blabla inutile la banque dépense, tous frais compris pas loin de cinquante mille euros. Et cela depuis presque trente ans. Gaspard se sent une âme d’anarchiste violent et un besoin irrépressible de détruire cette mécanique mondialiste. Dissimulé sous son complet de confection se cache un révolutionnaire insoupçonnable.
Alors Gaspard cherche comment perturber cette mécanique et mieux la détruire. Son ambition est telle qu’il en oublie superbement l’impossibilité pratique de la mise en œuvre. Qu’importe il trouvera bien quelque chose. Alors il fouille sur le net et prend des notes. Il est bientôt incollable sur l’histoire du forum, son organisation, les noms du président et autres membres du conseil de fondation. Il lit tous les comptes-rendus récents. Il a enregistré le plan de la ville et des bâtiments. Il connait le plan de sécurité. En un mot il sait tout du forum de Davos. Et il cherche comment casser cette mécanique. Tout doucement un fil conducteur se met en place. Internet et les réseaux sociaux peuvent fournir les bases d’une solution.
Au bistrot habituel un certain vendredi :
Ce bistrot typiquement parisien avait dans sa clientèle plusieurs catégories qu’il n’est pas inutile de décrire pour enrichir votre culture.
Le matin à sept heures 2 catégories étaient bien représentées :
- Celle des travailleurs matinaux et pressés, amateurs de café serré vite avalé, qui n’ouvraient pas la bouche, regardaient fixement le percolateur et avaient le même entrain qu’un condamné à mort se rendant à l’échafaud.
- Celle des amateurs du petit blanc cassé : Ils arrivent impeccables, sanglés dans un veston de tweed anglais, le teint violacé mais la barbe rasée de frais avec quelques coupures maladroites il est vrai. Ils ont la démarche élastique et fragile et le premier verre ne sert qu’à éliminer le tremblement de la main droite. Au deuxième verre cela va beaucoup mieux et la sortie est assez bien téléguidée.
A partir de 12 heures arrivaient les patrons des commerces voisins épuisés par pas ou trop d’activité ou pas assez de chiffre d’affaire. Les apéros jouaient activement leur rôle de sédatif pour lequel ils ont été conçus.
En fin de journée c’était le tour des employés de bureaux des sociétés voisines : banques, société pétrolières, grossistes et mandataires en tous genres. Chaque table était un ilot autour de laquelle se retrouvaient soit les collègues d’un même service, soit les amis du même club cycliste ou footballistique. Les conversations allaient bon train entre la bêtise du chef de service, la jupe trop courte de la secrétaire pour les uns et pour les autres, sur l’autre table, entre le prochain tour de France et les ravages du dopage dans l’équipe américaine.
Ne faisant partie d’aucune coterie les 2 héros de notre histoire se retrouvaient de temps en temps au bar tout simplement. A priori Albert n’aurait jamais du partager une bière ou un apéro avec Gaspard. Tout les séparait apparemment. Mais, allez comprendre, ces 2 exemplaires de l’humanité laborieuse aimaient échanger quelques idées sur le monde, les femmes et leurs patrons. C’est Gaspard qui lança le premier le sujet qui allait jouer un rôle extraordinaire dans leur vie et celle de quelques autres humains malchanceux.
- Vous avez vu que notre boss va encore à Davos cette année ?
- Et oui, comme d’hab. Et pourquoi n’y irait-il pas ? Ca ne lui coûte rien et ça lui permet de tromper sa femme et oublier sa jalousie maladive.
- Moi, je trouve ce forum de Davos insupportable, par le coût et son inutilité économique comme sociale. C’est de la com et rien de plus. Pendant ce temps là on bosse pour un salaire de misère, enfin pour moi en tout cas.
- Il a lieu quand ce forum ?
- Le 20 janvier prochain il me semble.
- Ca laisse le temps.
- Le temps de quoi ?
- Je ne sais pas trop, une vague idée, histoire de rigoler un peu. Et si on foutait la zone dans ce forum ?
- C’est un sacré morceau le forum de Davos, je ne vois pas bien comment on peut le perturber.
- Moi, j’ai ma petite idée, qui germe depuis pas mal de temps. Vous avez lu les articles concernant l’influence des réseaux sociaux sur les élections à la primaire américaine ?
- Oui et alors ?
- Et pourquoi on n’en ferait pas autant pour Davos ?
Et Gaspard raconta à Albert tout ce qu’il avait appris sur Davos. A travers son récit Albert découvrit combien Gaspard était frustré de sa condition et combien il pouvait être un homme dangereux : intelligent, opiniâtre et vindicatif.
Le premier soir la conversation en resta là. Chacun repartit en ruminant la chose.
Quelques jours plus tard ils se rencontrèrent à nouveau à leur bar favori. C’est Albert qui relança la conversation sur Davos.
- Vous n’allez quand même pas lancer des bobards sur Davos à partir de votre portable ou de votre Smartphone ?
- Et non, j’ai trouvé une solution : on s’inscrit dans un cyber café sous un faux nom et de là on peut surfer sur le net en toute impunité.
- Et on raconte quoi sur le net à propos de Davos ?
- Pour l’instant, rien, on commence par des ragots sur une vedette de la télé réalité ou du show-biz, pour voir.
Nos deux compères ne mirent pas longtemps à exécuter leur plan. Gaspard fit montre d’une connaissance sérieuse d’internet et du fonctionnement des réseaux sociaux. Albert expliqua son projet de planning, les victimes et les procédures soigneusement élaborés. Les 2 complices découvrirent que leurs domaines d’expertise se complétaient admirablement. Michel Pivert fut la première victime, puis Isabelle Moineau. Les rumeurs s’enflammaient comme des pétards du 14 juillet. C’était follement amusant mais au bout de quelques semaines assez lassantes. Il leur fallait trouver autre chose, en plus excitant. C’est Albert qui proposa de faire évoluer leur projet.
Attaquons nous aux hommes politiques. Mais comme on court de gros risques dans ce cas là il nous faut mettre en place un plan d’action qui nous empêche complètement de nous identifier. Les services de surveillance de la police et de la gendarmerie peuvent nous coincer facilement avec la nouvelle loi sur la surveillance des activités terroristes.
- Et vous comptez faire comment ?
- Vous reprenez une bière ?
- Avec plaisir mais vous ne m’avez pas répondu.
- Je vois une petite table libre dans le coin là-bas allons y.
- Mais avant de vous proposer ma solution il faut que je vous en dise un peu plus sur moi. Albert raconta alors à Gaspard son besoin de vivre dangereusement et ses vols effectués tous avec succès.
- Je vous propose la solution suivante : Je vole un ordinateur portable qui ne nous sert qu’une fois. Il y a peu de chance que le propriétaire légitime soit inquiété mais au pire il pourra prouver que son ordinateur lui a été volé.
- Et ben dites donc, vous ne manquez pas d’audace Albert !
- Et si on se tutoyait dorénavant Gaspard ?
- Ok, on commence quand ?
On se partage le travail. Je m’occupe de trouver un ordinateur portable et tu t’occupes de choisir la victime et de définir l’angle d’attaque.
Ce qui fut dit fut fait. Albert trouva sans difficulté un ordinateur portable : il suffisait de monter dans une tour de la Défense avec assurance pendant l’heure du déjeuner et d’entrer dans une salle de conférence ou 20 sinon 30 ordinateurs portables se côtoyaient sans pudeur et sans surveillance. 15 jours après cet échange de vues qui fut suivi de quelques autres pour la mise au point de l’opération la première victime fut le ministre Paul Girouette qui fut perfidement accusé de faire payer ses achats de cigare par la caisse de l’Assemblée Nationale. Le scandale fit la une de la presse pendant une semaine. Nos 2 compères, après qu’Albert se soit procuré un autre ordinateur attaquèrent carrément le président de la république en insinuant qu’il naviguait à voile et à vapeur. Sa liaison avec une actrice connue démontra l’inanité de l’accusation mais comme toujours des langues perfides continuèrent à répandre et amplifier l’accusation. La méthode était parfaite et les services de sécurité sur les dents. Gaspard suggéra à Albert de se débarrasser des ordinateurs. Ils choisirent la solution la plus évidente : se faire voler l’ordinateur volé et soigneusement nettoyé par un formatage en dur. Il suffit à nos 2 associés de décider d’un petit voyage et de prendre le TGV de Paris Lyon et d’oublier l’ordinateur en descendant du train. Le repas offert par Albert fut délicieux et l’occasion de peaufiner le prochain méfait. Jusque là les effets de leurs actions relevaient plus de la bêtise d’ados inconséquents. Le coup suivant leur donna à réfléchir.
Scandale à Davos !!
Un message posté sur Facebook fait le tour de la toile en quelques heures : le président du forum international bien connu est accusé de viol sur une secrétaire. Pour l’instant les journalistes essayent de confirmer cette accusation en assiégeant la présidence de Davos.
Un autre tweet affirme que le forum de Davos financé par les entreprises les plus riches dans le monde occidental serait un énorme lieu de rencontres sexuelles. Le monde politique se réveille avec ce scandale et les premiers démentis sont envoyés aux agences de presse.
Un article en première page de Méganews. La jeune femme à l’origine du scandale nous raconte : « Le président X. attendait une call-girl à 19 heures. Après avoir avalé sa capsule de viagra Il s’excitait de plus en plus du retard de cette call-girl. Je finissais un courrier sur mon ordinateur et je l’ai vu arriver derrière moi. Il a commencé à me caresser et m’adresser des paroles incohérentes. Je me suis débattue et j’ai réussi à m’enfuir. »
Si ses informations se révèlent exactes le prestige du forum s’effondrera en quelques jours pour ne pas se relever. Un autre message provenant de la ville d’Allemagne hébergeant un grand nombre de prostituées confirme le voyage chaque mois de janvier de cars pleins de jeunes femmes se rendant à Davos. Le scandale devient planétaire. Le forum de Janvier est annulé.
Dernier message vu sur la toile : Le directeur d’une grande banque s’est suicidé dans son bureau. Suicide confirmé.
Les choses sérieuses commencent :
En apprenant la nouvelle de cette mort à la radio nos 2 lascars furent effondrés. Ils réalisèrent que cette mort était un crime en fait : ce suicide était leur crime. Pendant plusieurs semaines Alfred et Gaspard s’évitèrent. Chacun, avec la plus grand mauvaise foi, essayait de reporter la faute sur l’autre. Mais le temps passant, en arrière-plan de leur remord, de nouvelles initiatives se mettaient sournoisement en place. Chacun dans son coin analysait ce qui venait de se passer. Bon d’accord, un banquier s’était suicidé. Il n’avait pas à jouer au con non plus hein ? Par ailleurs le coup des ordinateurs volés, c’était quand même génial non ? Et les insinuations dans les réseaux sociaux c’était drôlement efficace ?
La pose bistrot en fin de journée les réunit à nouveau un soir, puis deux autres. Ils commencèrent à visionner le passé la conscience cachée dans un coin du cerveau comme derrière des verres fumés, puis à parler de l’avenir. Les contraintes de la vie quotidienne vinrent remuer la vase de leurs ambitions ou frustrations. Pour l’un c’était l’achat d’une nouvelle voiture, pour l’autre le projet d’acheter une maison à la campagne ou un appartement à la montagne. Les dépenses de madame en robes, manteaux ou colifichets faisaient un trou de plus en plus grand dans le budget. Un soir que le whisky avait pris la place du bock de bière Alfred et Gaspard affrontèrent ce qui leur trottait dans la tête depuis un moment. Bien entendu ils commencèrent par échanger des nouvelles sur les épouses, les enfants et les chefs de service. C’est Alfred qui attaqua le sujet :
- Nous avons mis au point une technique superbe, imparable mais les buts poursuivis sans aucun intérêt, inconséquents surtout. Nous nous sommes bien amusés, encore que, mais le résultat ne nous a rien apporté concrètement à part d’avoir fait plaisir à notre ego. On a déglingué le forum de Davos et après ? Le monde de la finance continuera de tourner malgré ça.
- Ton expérience de trader ne pourrait pas nous servir de base de réflexion ?
- Effectivement j’y ai pensé, et sérieusement en plus. Tu sais qu’avec les techniques de trading automatique la moindre rumeur fait s’effondrer ou grimper le cours d’une action ou détruire la réputation d’un fonds de placement ou d’un pays. Ca peut aller jusque là. Tout cela est surveillé de très près mais il y a toujours de failles et je crois en avoir trouvé une. Mais il y a un autre obstacle : le contrôle des flux financiers par TRACFIN le gendarme du ministère des finances. Ce qui pourrait faire notre force au cas où nous entreprendrions quelque chose, c’est le fait d’être 2. L’un qui agit sur le net et l’autre qui boursicote en fonction des hausses ou baisses des cours.
- Ton idée c’est quoi ?
- Mon idée est la suivante. Il y a sur le net des blogs tenus par des journalistes qui se font passer pour des experts financiers et qui chaque semaine font étalage de prévisions catastrophiques tant sur le plan financier que sur le plan politique ou social. Un en particulier tient un blog qui attire nombre de personnes lui apportant des informations dites de première main sur l’entreprise qui les emploie. Donc chaque semaine c’est une litanie de dépôts de bilans, de plans sociaux et de transfert d’entreprises dans les pays à moindre coût. Bien souvent les infos de ce blog sont reprises par une chaîne de télé qui gère un bulletin d’information permanent. Pendant ce bulletin notre journaliste tient une rubrique au cours de laquelle il répand les bonnes mais surtout les mauvaises nouvelles. Supposons que tu sois inscrit au blog en question, que tu donnes une information confidentielle sur l’entreprise xx disant que le bilan trimestriel de cette entreprise est mauvais.
- Oui et alors ?
- Le cours de l’action de la boîte en question va chuter. J’en achète quelques unes (pas trop pour ne pas éveiller de soupçons). Je laisse passer quelques jours et rebelote avec une autre société cotée en bourse. Quelques semaines plus tard, la rumeur que tu as répandue s’avère fausse et le cours de l’action remonte. Bingo !
- Et tu ramasses la prime, et moi là-dedans ?
- Bien évidemment on partage la recette gros ballot. On verra les détails plus tard. Qu’en penses-tu ?
- Si tu me convaincs de partager les bénéfices honnêtement, je suis d’accord. Si une fraude est soupçonnée ce sont les journalistes du blog et de la chaîne de télé qui seront sur le gril et comme ils n’auront surement pas boursicoté, l’enquête s’arrêtera là.
Conclusion :
Le scénario concocté par nos 2 amis se révéla rapidement parfaitement juteux. Il fallut trouver un moyen de mettre au vert les sommes engrangées ce qu’Albert réussit assez bien. Ce fut un compte ouvert aux Iles Caïmans sous un faux nom mais avec 2 signatures pour les chèques à venir. Albert et Gaspard en hommes avisés ne se laissaient pas emporter par une avidité trop voyante. Les coups étaient éloignés dans le temps et de faible valeur. Comme au début de leur association les informations balancées sur la toile l’étaient à partir d’ordinateurs volés et le pseudo de l’informateur toujours différent. Et pourtant le système dérapa pour une raison toute simple. Gaspard vit arriver un jour 2 officiers de l’Agence Nationale pour la Sécurité Informatique qui le soumirent à un interrogatoire serré sans jamais lui faire part de leurs soupçons qui prirent un certain poids à la question suivante :
Chapitre 2-le hold-up.
- Votre mot de passe de messagerie c’est quoi ?
Gaspard était confiant car il ne s’était jamais servi de son ordinateur personnel pour envoyer ses messages persifleurs n’avait aucune raison de refuser de répondre.
- Popocateplet
- Tiens, tiens, c’est le même mot de passe que celui utilisé pour les messages suivants.
Et les policiers lui déroulèrent la liste des messages d’intox qu’il avait lancés sur le net. Aux questions posées Gaspard a vite compris que la partie financière de son travail avec Albert n’avait pas été découverte. La police n’avait pas trouvé le lien qui les unissait ce qui signifiait que les opérations boursières effectuées par Albert avaient été assez faibles pour ne pas être repérées. Il ne pouvait donc être accusé que d’avoir joué un rôle malfaisant sur le net. Gaspard fit donc profil bas et avoua être l’auteur des messages en question sans pouvoir donner une explication logique à son comportement. Il était malgré tout assez mécontent de lui-même pour avoir toujours utilisé le même mot de passe. Erreur à ne pas oublier.
Rassurez-vous la peine infligée par le tribunal pour ce genre de délit difficile à prouver fut presque symbolique. Gaspard fut astreint à payer une amende et à suivre un traitement psychiatrique ce qu’il fit consciencieusement.
Gaspard et Albert se retrouvèrent quelques temps après dans leur bistrot habituel. Albert remercia chaleureusement Gaspard pour n’avoir rien révélé de ses opérations financières. Cette première épreuve les souda définitivement et Albert fit connaître à Gaspard le montant de leur capital qui s’élevait à un montant suffisamment important pour envisager d’autres exploits. Cette première collaboration fut un demi-échec mais riche d’enseignements : le travail en binôme s’était révélé efficace et leurs connaissances complémentaires qui pourraient se révéler utiles plus tard. Gaspard se remettait de ses séances de psychothérapie qui finalement lui avaient appris plein de choses intéressantes sur lui et qui lui avaient donné une nouvelle assurance. Dans un coin de son cerveau était inscrit de manière indélébile : « un pseudo, un mot de passe ». Il avait été licencié par sa banque et avait pu retrouver un bon job de commercial chez un importateur-exportateur du Sentier.
Albert de son côté avait affiné sa connaissance des paradis fiscaux et du fonctionnement des banques mondiales : la banque des règlements internationaux, la chambre de compensation, le Libor mais surtout les placements à terme, le marché des matières premières et du carbone. Bien évidemment Il avait pour Madoff et sa pyramide de Ponzi une admiration teintée commisération.
Nos deux compères étaient donc prêts pour une nouvelle collaboration. Plutôt que de se retrouver dans un bistrot ils décidèrent de se voir lors d’une promenade dans les jardins du Luxembourg, là où les paroles ne laissent aucune trace. Gaspard remplaça son ordinateur confisqué par la police par un portable plus puissant et il l’équipa d’un logiciel de messagerie chiffré dont je ne dévoilerais pas le nom. Non, ce n’est pas TELEGRAM ni SIGNAL.
Pendant plusieurs mois ils analysèrent les différentes arnaques connues afin de ne pas subir les mêmes conséquences que leurs auteurs. Il fallait profiter de leur travail en binôme qui avait démontré le potentiel du travail d’une équipe réduite à deux personnes. Peu à peu le champ du possible se rétrécit. Les arnaques sur le net devenaient de plus en plus complexes et demandaient une expertise que nos deux héros n’avaient pas. Sans aller jusqu’à désespérer ils commençaient à douter de leur capacité à réaliser une affaire juteuse et si possible sans danger. Un jour qu’ils devisaient sombrement dans les allées du Luxembourg Gaspard demanda à Albert :
- Tu travailles toujours au service titre à la banque ?
- Non j’ai changé, je m’occupe des coffres, des transferts de fonds, de métaux précieux, de la ferraille en quelque sorte.
- Et ça ne t’inspire rien ?
- Oh ! Putain ! Ce que je peux être con. Mais con à ce point ce n’est pas permis. Je vis chaque journée sur une montagne de pognon, j’ai toutes les clés et je ne vois rien. Tu peux comprendre ça toi ?
- Tu as et une bonne éducation et les barrières morales qui en découlent t’ont interdit de penser à mal. Notre première aventure vient de te débloquer la conscience professionnelle. Tu es prêt à agir et comme je le suis également nous allons pouvoir réfléchir enfin sérieusement. De mon côté je viens de me souvenir que le sous-sol où se trouvent les coffres n’a surement pas changé de place, j’en ai encore une idée précise qui peut se rendre utile.
- Tu as raison mais il ne faut pas s’emballer, il faut réfléchir sérieusement, mais je crois que l’on tient le truc énorme.
Ils se séparèrent tout guillerets. L’espoir était revenu avec en prime un frisson délicieux. Leur banque, la banque d’Albert était une des plus importantes du territoire et pouvait être considérée comme un réservoir d’argent monstrueux. Gaspard loua un petit local commercial dans le Sentier près de son lieu de travail. Cela ne choqua personne, chacun dans ce secteur avait souvent plusieurs activités. Ils se retrouvaient là une fois la semaine et discutaient des différents plans possibles. Et des idées, ils n’en manquaient pas mais dès qu’ils entraient dans les détails, un obstacle prévisible les arrêtait. Soit le risque était trop grand soit c’était techniquement infaisable. Gaspard constitua une base de données des hold-up célèbres : le train de Glasgow-Londres en 1963, ou le hold-up de la Société Générale de Nice en 1976 et le casse de la Banque de France à Saint Nazaire en 1986. Aucun de ces hold-up ne pouvait servir de modèle. Ils avaient nécessité à chaque fois une équipe nombreuse et entraînée. Albert fit la liste de tous les transports de fonds de sa banque : types de monnaie, montants, destination, mode de transport. Finalement ce fut l’idée la plus simple qui emporta l’adhésion. De par ses fonctions Albert possédait tous les mots de passe et clés de la salle des coffres. Le problème n’était donc pas de dérober une somme importante, le problème était de partir loin, très loin avec et sans être intercepté. Les moyens de locomotion sont peu nombreux et facilement repérables mais quoi de plus innocent qu’un container de déménagement ? Je vous le demande. Après avoir fait le tour de toutes les solutions possibles ce fut celle du container qui fut adoptée. Ce ne pouvait être que Gaspard qui devait déménager pour s’installer à l’étranger. Après quelques recherches Gaspard trouva un job en Uruguay grâce à sa connaissance de la langue espagnole. L’Uruguay est petit pays coincé entre l’Argentine et le Brésil. Sa position est intéressante et le climat social ou politique plus calmes que chez les voisins. Peu de candidats européens se précipitaient sur les offres d’emploi de ce pays. Gaspard avait été choisi sans hésitation pour un poste de directeur d’une grande agence de tourisme qui voulait attirer des clients européens plus intéressants que les clients habituels Nord-Américains ou Brésiliens. Il avait négocié deux mois de délai afin d’organiser son déménagement avant de prendre ses fonctions. Cela suffisait à Albert pour programmer le hold-up.
Albert avait appris par hasard que le sous-directeur jouait aux courses et que son compte était assez fortement débiteur. C’est lui qui avait fait muter Albert du desk gestionnaire des opérations boursières vers le poste de préposé aux coffres et transferts, poste sans compétence particulière et beaucoup moins payé qu’auparavant. Dans la banque lui et Albert étaient les seuls à posséder un jeu de clés de la chambre forte et les codes des alarmes. Dans le cerveau d’Albert commença à mijoter un plan permettant de se venger du sous-directeur et de lui faire porter le chapeau du hold-up.
Première chose à faire ; louer une camionnette au nom de Gaspard pour transporter le résultat du hold-up. Autre préparatif important : Se procurer une drogue efficace : le GHB ou acide gamma-hydroxybutyrique appelé aussi la drogue du viol. Dans un bar branché il ne fut pas difficile de s’en procurer quelques doses et une recherche sur le net permit de savoir comment l’utiliser. Cette drogue devrait permettre de paralyser le gardien de la banque en faisant en sorte qu’il ne se rappelle pas ou mal les évènements de la veille.
Tout fut chronométré. Le Transitaire s’occupant du déménagement et du transfert du container fur commandé pour arriver au domicile de Gaspard un lundi matin.
Le dimanche soir vers 11 heures Albert se rendit à la banque et demanda par l’interphone au gardien qui le connaissait bien d’accepter d’aller lui chercher son téléphone portable qu’il avait oublié au bureau. Il resta bien entendu à l’extérieur de la banque. Le gardien en revenant neutralisa l’alarme de la porte principale, sortit et tendit son téléphone à Albert qui le remercia chaleureusement et pour le remercier lui offrit une bouteille de whisky fortement dosée en GHB. Avec un peu de chance il en boirait un petit verre pendant sa veille. C’était un risque à courir. Albert rejoignit Gaspard dans la camionnette et ils s’installèrent dans la partie fourgon pour ne pas être vus. Ils attendirent trois heures du matin pour agir avec moins de risque d’être dérangés. Ce fut un jeu d’enfant, grâce aux codes et aux clés en possession d’Albert d’entrer dans la banque et de voir le gardien effectivement bien endormi dans son bureau. Il fut alors facile de vider les coffres et d’en transporter le contenu dans la camionnette mise en position suffisamment près de l’entrée pour que le transport soit rapide mais pas tout à fait en face de la porte afin de ne pas éveiller de soupçon si une patrouille de la police venait à passer. Dernière opération, remplir le carton de billets de 100 euros qui sera envoyé lundi matin par la poste au domicile du directeur adjoint. Avant chaque sortie il suffisait d’un coup d’œil dans la rue pour s’assurer de l’impunité. En vingt minutes la camionnette fut remplie. Ils refermèrent la porte de la banque sans avoir remis l’alarme en marche. Qui, passant par là irait penser qu’il était possible d’entrer dans sans difficulté ? Au domicile de Gaspard le contenu des coffres fut soigneusement emballé dans les cartons de la société de transit. Bien évidemment manteaux, pulls et rideaux divers servirent de camouflage.
Comme prévu le lendemain matin le transitaire prit livraison des cartons qui partirent vers le Havre et le container retenu à cet effet. Les douanes ne firent qu’une inspection superficielle du camion et de son contenu. La situation était d’autant plus claire que Gaspard et son épouse étaient présents car avaient prévu de faire le voyage dans le même bateau en ayant loué une cabine comme cela se pratique couramment sur les bateaux de marchandises. Avant de partir pour le Havre Gaspard reporta la camionnette à l’agence de location. Albert n’était donc pas concerné.
Albert se rendit au travail comme d’habitude et sa surprise fut apparemment grande d’apprendre que la banque avait été cambriolée dans la nuit. Le gardien interrogé ne se souvenait de rien, même pas de la visite d’Albert. Bien entendu la police chercha des complices dans la banque et les interrogatoires mirent tout le personnel à rude épreuve. Albert fut sérieusement soupçonné car il aurait pu effectuer le hold-up ou au minimum, l’organiser mais sa présence dans la banque jouait en sa faveur et sa relation avec Gaspard ignorée de sa famille et de ses collègues. Pas de témoin, pas de véhicule contrôlé avec l’argent volé, pas d’avion privé décollant au petit matin. Le hold-up parfait. Le montant ? Monstrueux : Vingt millions en dollars, euros et livres sterling. A part le fait qu’il manquait vingt millions dans les coffres il n’y avait aucun indice d’aucune sorte. Pas d’effraction, pas d’empreinte. On chercha des complices dans l’entourage du gardien, sans succès. On chercha d’autres responsables qu’Albert : on en trouva bien entendu : directeur et sous-directeurs et chefs de services furent interrogés des heures durant. Un seul retenu l’attention de la police : Le sous-directeur. Il était connu pour jouer gros aux courses et son compte était fortement débiteur. Cela attira l’attention de la police qui effectua le lendemain mardi une perquisition chez le sous-directeur en question qui n’avait toujours pas ouvert le colis. Il l’ouvrit avec méfiance sous les yeux des policiers. La surprise fut générale. Cela suffit pour emmener le sous-directeur en garde à vue et l’interroger sans pitié.
Chapitre 3- un nouveau projet plein d’avenir
Les semaines passèrent. Gaspard s’installa en Uruguay. Dans un premier temps il prit pension dans un hôtel pour touristes et après avoir loué une voiture il circula dans Montevideo et alentour pour se repérer et chercher une maison à louer. Finalement il trouva Villa Foresti dans la banlieue nord une maison assez grande, pas loin de la zone industrielle Las Piedras et tout proche d’une ballastière et d’une gare de chemin de fer. Dans une vie d’aventurier il est toujours utile d’avoir une ballastière à portée de la main, soit pour y plonger un adversaire encombrant, soit pour y cacher un objet qui déteste la curiosité d’autrui. La voie de chemin de fer quand à elle offre des possibilités d’évasion qui pourrait un jour se révéler utiles, voire indispensables. Une fois la maison louée il prit contact avec le transitaire pour récupérer ses meubles et ses précieux cartons. Aucun douanier ne s’intéressa au contenu. Une fois installé avec une adresse et une autorisation de séjour de 6 mois il ouvrit plusieurs comptes bancaires mais évita soigneusement la filiale de sa banque française. Il rassura Albert par un message chiffré et tous les deux mirent en place la procédure de transfert d’une partie des fonds dans leur compte des Iles Caïmans et dans une banque de la Principauté de Liechtenstein dont la discrétion est proverbiale. Cette opération prit plusieurs mois et aucun des deux ne fit de dépense pouvant mettre la puce à l’oreille de la police qui gardait quand même un œil sur Albert. Gaspard put constater que l’Uruguay était bien la Suisse de l’Amérique latine. Les banques ne lui posèrent aucune question embarrassante sur l’argent qu’il déposait sur son compte. Au bout de quelques mois sans incident notable Albert et Gaspard, chacun d’un côté de l’océan Atlantique, commencèrent à rêver d’une vie adaptée à leur nouvelle situation. Le hasard et les problèmes financiers du monde occidental récurrents depuis 2008 leur vinrent en aide. La banque d’Albert ayant spéculé sur le marché des subprimes et des CDS (crédit default swap) et ayant perdu beaucoup d’argent (en plus des 20 petits millions soustraits du bilan par notre binôme de choc) décida de licencier, pardon de mettre en œuvre un plan social concernant près de mille employés. Albert fit partie de la charrette et se retrouva au chômage du jour au lendemain. Il joua le jeu, s’inscrivit à Pôle Emploi mais son âge (51 ans) le mettait, à l’abri de toute proposition sérieuse. Il ouvrit un compte sur Linkdl et construisit un CV alléchant en se limitant à l’Europe dans un premier temps. Sans résultat il décida de s’expatrier et de chercher un emploi à l’étranger. Un petit pays d’Amérique du Sud retint tout particulièrement son attention : l’Uruguay dont je crois vous avoir déjà parlé. Grace à internet il put consulter les offres d’emploi en Uruguay. Heureusement les échanges se faisaient en anglais et quelques postes dans son domaine de prédilection, la finance, ne demandaient pas la connaissance des langues locales. Au bout de quelques semaines il trouva un emploi chez un agent de change à Montevideo en ayant répondu sans faute à la question du cours du peso uruguayen dans les autres monnaies les plus utilisées. Les échanges de courrier, les interviews par Skype furent rondement menés et Albert accompagné de sa chère épouse prit l’avion un beau matin pour l’Uruguay. Il fut accueilli cordialement par son nouveau patron qui découvrit avec plaisir les connaissances d’Albert sur les monnaies et la finance mondiale. S’il avait su.
Les retrouvailles entre Albert et Gaspard furent chaleureuses. Il est temps de parler des épouses de l’un et de l’autre. Vous devez penser que par pur machisme je les avais laissées dans le placard d’une arrière-cuisine par mépris de la gente féminine. Que nenni. Je ne vous en avais pas parlé tout simplement parce qu’elles n’avaient encore joué aucun rôle important dans nos deux affaires. Bien entendu elles s’étaient posé des questions et en avaient posées. Albert et Gaspard, chacun à sa manière avait éludé et les situations de façade étaient si convaincantes que leurs épouses les avaient crus ou avaient fait semblant de les croire. Mais maintenant il n’était plus question de tergiverser. Il fallait bien expliquer pourquoi les deux couples se retrouvaient en Uruguay. Ce fut au cours d’un repas organisé pour fêter les retrouvailles que nos deux héros avouèrent la vérité à leurs épouses.
Margot, l’épouse d’Albert fit preuve d’un sang-froid étonnant. Elle admirait son mari et le récit des deux aventures ne faisait que renforcer cette admiration. Aucune réticence morale et la perspective de moyens financiers sans limite lui assouplissait généreusement son sens moral. Elle mitrailla pourtant Albert de questions tellement accusatrices qu’Albert finit par lui demander si elle ne travaillerait pas pour la police : moment de froid dans une relation habituellement plus consensuelle. Quand Albert raconta le coup du colis envoyé au sous-directeur qui l’avait muté à un poste subalterne Margot applaudit la vengeance et oublia le reste.
Gabrielle eut une réaction totalement différente de celle de Margot. Sa conscience chrétienne et petite bourgeoise lui dicta une litanie de reproches non pas sur les actes eux-mêmes mais sur le fait de l’avoir tenue à l’écart et qu’on ne lui ait pas demandé conseil. Gaspard reconnut sa faute avec humilité et promis de la faire participer aux prochaines aventures. Gabrielle n’eut pas conscience aussitôt de s’être fait piéger. Elle devint sur l’instant la complice de son mari qui adoucit les douleurs de sa conscience en lui décrivant la nouvelle vie qui allait être la leur et les moyens financiers qui allaient avec. Bien entendu il fallut raconter en détail le hold-up et passer rapidement sur l’affaire Davos.
Avec l’aide de Gabrielle et Gaspard les Fugace cherchèrent une maison et finalement s’installèrent dans une autre banlieue, La Paz entre Montevideo et Las Piedras. Leurs meubles sont arrivés comme ceux de Gaspard, en container mais sans rien de précieux de dissimulé. Les premiers mois à Montevideo se passèrent à s’acclimater et à apprendre la langue officielle, l’espagnol mais qui selon les provinces pouvait être du catalan ou du portugais. Margot et Gabrielle firent taire leurs préjugés à coup d’achats compulsifs qui soignèrent facilement leurs états d’âme. Albert et Gaspard, toujours soucieux de discrétion se fréquentaient peu et à chaque fois dans un lieu différent. Ils visitèrent le pays ce qui ne manquait pas de charme et chacun à sa manière.
Au bout de quelques mois le démon de l’aventure pointa le bout de son nez.
- Tu ne t’ennuies pas Gaspard ?
- Non, non, mon travail me plait bien, je vois plein de monde, essentiellement des touristes bien évidemment, je suis bien connu dans tous les hôtels que je conseille à mes clients et quand la secrétaire de l’agence accepte mes hommages, le 5 à 7 de l’hôtel ne me coûte rien. Et toi ?
- Bof ! rien de passionnant, la secrétaire est une femme fidèle et comme je le suis aussi, je m’ennuie un peu. Je rêve parfois d’aventures…
- Nous allons avoir du mal à trouver de quoi se donner des frissons ici. Je n’ai encore rien de repéré d’intéressant. Et il faudra bien un jour dépenser nos vingt millions qui dorment sur notre compte.
- Et si on créait une société ?
- Pourquoi pas mais une société qui fera quoi ?
- Bonne question. Je n’en sais encore rien. Qu’est-ce qui marche fort en ce moment dans le monde ?
- Plein de choses mais de plus en plus éloignées de no compétences. Tout tourne autour d’internet maintenant et j’ai décroché sur ce créneau.
- On ne pourrait pas regarder du côté de l’humanitaire ? Aider les petits n’enfants dans le malheur et la faim ?
- Tu rigoles ou quoi ? Si tu vas offrir ton argent et tes services à une ONG, tu peux être sur qu’en peu de temps tout ton fric sera dépensé. Et on en tirera quoi ? un article dans la presse sur notre générosité qui attirera l’attention de la police. Non mon petit père faut trouver autre chose.
- Et en politique, il n’y a rien à faire ? J’aimerais bien être acclamé par la foule après un beau discours plein de promesses que je ne tiendrais pas.
- Pourquoi pas mais tu verras rapidement les journaux s’intéresser au financement de ta campagne et comme les journalistes d’investigation ne sont pas des enfants de chœur tu seras bien vite cerné et moi avec, non merci, pas de politique.
- Et si on montait un casino comme à Las Vegas ?
- Pour se heurter à la mafia des casinos ?
- Bon, il ne sortira rien de nos cerveaux aujourd’hui. On se revoit la semaine prochaine ?
- Ok, bon courage et mes amitiés à madame.
Madame justement, je parle de Margot commençait à trouver la vie monotone à Montevideo. C’était une femme qui avait travaillé longtemps dans des boutiques de vêtements de luxe et qui se languissait faute d’activité. Elle commença à parler de son ancien métier à Gabrielle qui lui parla du travail de Gaspard chez un importateur du Sentier à Paris. Conversation que Margot rapporta à Albert en ajoutant sa réflexion sur les commerces de luxe. Quand Albert retrouva Gaspard il lui rapporta les propose de Margot.
- Voilà un point de départ intéressant. Laisse-moi réfléchir : Quand nous aurons trouvé le bon produit pour le bon marché on achète un petit commerce et on démarre tout doucement. Nos femmes gèreront ce commerce sans nous, ce qui va leur faire bien plaisir. Qu’en penses-tu ?
- Que du bien et commencer à travailler ce nouveau dossier va nous faire du bien. C’est toujours dans la préparation de nos plans que j’ai pris le plus de plaisir. Après ce n’est plus du plaisir, c’est de l’adrénaline. Encore que dans ce cas, ce sera plutôt cool.
Ce ne fut pas aussi simple qu’ils le pensaient. Pour créer et gérer un commerce en Uruguay il semblait nécessaire d’avoir la nationalité Uruguayenne ou résider depuis plus de 5 ans dans le pays si on est d’une autre nationalité. La Chambre de Commerce Française en Uruguay prêta son concours et fit son possible pour aplanir les difficultés administratives. Mais Gaspard comprit vite que la bonne volonté et des papiers en règle ne suffisaient pas. Quelques dollars US positionnés sur les bons bureaux des bonnes personnes firent des miracles et au bout de 6 mois le permis de séjour fut porté à 5 ans et la création du commerce devint possible. Les 2 femmes avaient défini le produit et le marché. Ce fut tout naturellement le vêtement qui sans être de la haute couture était du vêtement de luxe griffé de noms connus. Le marché bien entendu celui de femmes de classe moyenne et haute. Une première boutique vit le jour assez rapidement. Les relations que Gaspard avait gardées avec les commerçants du Sentier permirent un approvisionnement de vêtements superbes. Albert jamais à court d’idées proposa de créer un autre magasin, dans un quartier moins huppé avec une gamme de vêtements de prix plus abordables. Margot prit en main le premier magasin et Gabrielle le second. Comment elles se débrouillèrent sur le plan linguistique reste encore un mystère aujourd’hui. Le gros avantage de la création de ces deux magasins fut de justifier des revenus tout à fait légaux même si une analyse approfondie aurait montré une rentabilité assez exceptionnelle, pour ne pas dire anormale. Donc tout allait bien dans le meilleur des mondes sauf que, un matin…
Chapitre 4- Un caillou dans la chaussure
Un matin de juin, alors que les touristes commençaient à affluer Albert accueillit quelqu’un dont le nom l’étonna et le visage l’effraya. C’était monsieur Grondin du service contentieux de la banque dont Albert avait été licencié. Monsieur Grondin était tout sourire.
- Ca me fait plaisir monsieur Fugace de voir que vous êtes sorti du chômage et que vos éminentes qualités ont trouvé à s’exprimer ici, en Uruguay. Vous vous plaisez bien à Montevideo ? Pas de nostalgie du climat européen, de la vie à Paris ?
- Non, non, l’Uruguay est un pays au climat océanique très plaisant. Je suis très heureux de vous revoir monsieur Grondin, vous allez bien ? Toujours chef de service du contentieux à la banque XXX ?
- Oui, toujours en place bien que l’on m’ait reproché de ne pas avoir empêché le vol et pu récupérer les vingt millions qui nous ont été volés il y a 2 ans. Vous vous souvenez de cet évènement monsieur Fugace ?
- Si je m’en souviens !!! La police m’a longtemps soupçonné mais a du se rendre à l’évidence, j’étais innocent.
- Je sais, je sais et c’est bien malheureux, enfin je veux dire que c’est bien malheureux que le coupable de ce vol n’ait pas été attrapé. Enfin, tout ceci est du passé. Quel hôtel me conseillez-vous pour ce séjour à Montevideo ? Je compte profiter de sa situation pour faire le tour de l’Amérique du sud que je ne connais pas : l’Argentine dont les prisons sont réputées, le Brésil le Chili, le Paraguay, mais je resterai le plus souvent en Uruguay dont le climat comme vous avez dit est tellement sain et les plages si belles.
Albert fourni les informations demandées tout en maudissant ce touriste qui risquait de tout gâcher. Le soir venu Albert appela Gaspard et ils se retrouvèrent à leur bistrot habituel.
- Tu en penses quoi de l’arrivée de Grondin ?
- C’est évident, il a des soupçons et il est venu nous en informer.
- Si c’était pour nous dénoncer il serait allé à la police et c’est la police Uruguayenne avec un mandat international qui serait venue nous arrêter. Il est venu avec une autre idée.
- Nous faire chanter ?
- Exactement. Tu vas voir que bientôt il va nous aborder et commencer à définir ses exigences.
- Et on fait quoi ?
- Et bien on y réfléchit dès maintenant et on va s’arranger pour que ce soit lui la victime.
- Tu y vas un peu fort là non ?
- Je n’ai rien dit de précis. J’ai dit on y réfléchit.
Deux jours après cette rencontre inquiétante monsieur Grondin se présenta à la maison d’Albert. D’abord surpris Albert compris vite que Grondin avait du se renseigner un peu partout depuis son arrivée et qu’il devait savoir beaucoup de choses.
- Vous devinez pourquoi je frappe à votre porte monsieur Fugace ?
- Non, non, vous allez m’expliquer tout ça, entrez donc. Vous prendrez bien un verre ?
- Volontiers, votre accueil me fait chaud au cœur.
Margot ayant entendu quelqu’un entrer fit son entrée dans le salon et Albert fit les présentations.
- Je te présente monsieur Grondin le chef du service contentieux de la banquer XXX ou j’ai travaillé. J’ai du parfois te parler de lui.
- Mais bien sur, bonjour monsieur Grondin, vous êtes venu en vacances en Uruguay ?
- Pas tout à fait chère madame, je suis venu également pour affaires, votre mari a du vous en toucher deux mots ?
- Mais bien sur, mon mari ne me cache rien. Alors vous êtes venu nous faire chanter ?
Devant cette attaque brutale monsieur Grondin perdit contenance un instant puis se reprit.
- Voilà un bien vilain mot madame Fugace mais dont le sens est assez proche du but de ma démarche.
- J’espère que vous avez un argument irréfutable pour avoir être sur du résultat de votre démarche.
- Disons que j’ai une bande vidéo de la banque datée du xx/xx/xxxx qui montre très clairement les allées et venues de ce fameux soir ou votre mari est venu chercher son téléphone oublié sur son bureau.
- Mais il n’y avait pas de caméra au-dessus de la porte de la banque.
- Et si. Figurez-vous que j’ai demandé à l’installateur qui était venu en installer une au distributeur de billet d’en mettre une deuxième au-dessus de la porte. Deux jours avant votre exploit, prémonition peut-être ?
- Mais vous n’avez pas confié cette bande à la police ? Cela leur aurait grandement rendu service, n’est-ce pas mon chéri ?
Albert qui était resté muet pendant cet échange repris les choses en main.
- Mon épouse a raison monsieur Grondin. On peut aller jusqu’à supposer que cette bande n’existe pas et que monsieur Grondin aime jouer au poker menteur. Pourriez-vous nous faire visionner cette bande afin que les bases de notre hypothétique marché soient assises sur des bases saines ?
- Désolé mais je ne vous montrerai pas cette bande. Cela pourrait vous donner de mauvaises pensées. Puisque nous en avons terminé avec le préambule je vous indique mes prétentions : cinq millions de dollars et vous n’entendrez plus jamais parlé de moi. Bien évidemment je vous donnerai la cassette en échange. En vous remerciant pour ce sympathique apéritif, je vous salue bien. Ah ! j’oubliais : vous savez ou me joindre n’est-ce pas ? Nous discuterons des détails pratiques le moment venu, quand vous aurez pris votre décision, enfin, celle que j’attends.
Et monsieur Grondin se retira dans un silence pesant.
- Qu’est-ce qu’on fait ?
- On en parle avec Gaspard d’abord. A quatre on trouvera plus facilement la solution.
- Tu veux mettre Gabrielle dans le coup ? Comme je la connais elle va s’affoler.
- Bien entendu. Mais si elle découvrait seule la raison de la venue de Grondin, cela compliquerait encore plus nos affaires.
Albert appela Gaspard et un conseil de guerre fut décidé pour le lendemain chez Albert et Margot.
Contrairement aux craintes de Margot Gabrielle ne poussa pas les hauts cris. Elle trouvait la proposition de Grondin insupportable et exprima clairement sa pensée. Je dois avec retard certes vous faire un rapide portrait de Gabrielle qui a été peu présente jusqu’ici dans cette histoire. Gabrielle est une petite femme aux formes généreuses mais sans excès. Elle est blonde, a des yeux gris qui peuvent être durs comme du silex. Elle sourit parcimonieusement et s’habille sans beaucoup de goût mais avec un sens pratique certain. Ses activités principales sont la tenue de son ménage et la chasse aux bonnes affaires pendant la période des soldes. Mais peut-être me trompé-je.
- On ne lui donnera jamais 5 millions à cet enfoiré c’est moi qui vous le dis. Vous les hommes vous avez pris des risques pour cette affaire, Margot et moi nous avons abandonné nos copines, nos enfants ne savent même pas ou nous sommes. On a monté ici 2 affaires qui commencent à bien marcher et vous voudriez qu’on cède à ce chantage ? Moi Gabrielle Froidure je vous garantis qu’il ne les aura pas ces 5 millions. Une seule solution, se débarrasser de ce bonhomme et le problème sera résolu.
Les autres restèrent sans voix. L’assurance et la suggestion de Gabrielle les laissaient ébahis. Gabrielle enchaina :
- Pensez-vous qu’il connaisse la présence de Gaspard et de moi ?
- Je ne crois pas mais on doit pouvoir vérifier. A quoi penses-tu ?
- S’il ignore notre présence il me sera facile de l’approcher et de lui jouer un tour de ma façon.
- A quoi penses-tu ?
- Ca mon bonhomme tu le sauras le moment venu. Pour l’instant faisons comme si nous cédions à son chantage. Tu vas prendre rapidement rendez-vous avec lui, faire profil bas et essayer habilement de sonder ce qu’il sait de Gaspard.
L’assurance de Gabrielle remonta le moral de l’équipe et l’apéritif qui suivit fut quand même assez détendu et Gabrielle se permit de faire des plaisanteries sur le nom de Grondin.
Le lendemain Albert prit contact avec Grondin pour discuter des conditions de paiement des 5 millions. Grondin était assez malin pour ne pas exiger un règlement en espèces. Il proposa un virement par internet selon une procédure qui laissait ignorer à Albert les détails du compte destinataire. Au cours de la conversation le nom de Gaspard fut évoqué et Grondin avoua qu’il ne s’était pas préoccupé de ce comparse et qu’il ne savait pas ce qu’il était devenu. Cette bonne nouvelle réchauffa le cœur de notre quatuor. Gabrielle les avertit qu’elle prenait les choses en main et que cela n’allait pas trainer. Les trois autres en restèrent cois !! Gabrielle qu’intérieurement tout le monde prenait pour une petite bourgeoise insignifiante était en réalité une guerrière au moral d’acier. En se remémorant les évènements passés Gaspard comprit pourquoi Gabrielle n’avait pas bronché quand il avait fait sa psychothérapie imposée par le jugement de l’affaire Davos. Il comprit bien d’autres choses encore en en vint à la conclusion que Gabrielle attendait son heure avec la patience et le sang-froid d’un commando de choc.
Deux jours plus tard, on avait fait lanterner Grondin, Gabrielle expliqua son plan aux trois autres qui en restèrent sans voix.
Chapitre 5- Appelez moi Nikita
Le plan de Gabrielle était simple :
- Margot, s’il te plait, tu vas me trouver une tenue aguichante de ton magasin. Demain je vais aller déjeuner à l’hôtel de cet enfoiré et je vais faire en sorte qu’il me remarque. Je trouverais bien à m’asseoir à une table assez près de lui. Je ferais en sorte qu’il me reluque et qu’il m’offre un café à la fin du repas. Je vais ensuite lui proposer une promenade sur la plage et peut-être plus.
- Comment ça plus ?
- De coucher avec lui bien entendu.
- Non mais ça va pas Gabrielle !! Tu veux me tromper avec Grondin ?
- Mon petit mari chéri je ne vais pas te tromper je pars en manœuvre, je fais la guerre et pour une femme, faire la guerre c’est plus facile avec son cul qu’avec un fusil. Donc tu te tais et tu me laisse faire. Tu noteras que je n’ai pas fait allusion à ta secrétaire.
- Et tu crois qu’il va marcher dans ta combine ?
- Tu doutes de mon pouvoir de séduction peut-être ? Tu n’imagines pas ta bobonne en Mata Hari ou en femme fatale de 007 ? C’est vrai, tu n’as aucune raison d’y croire et je vais te prouver le contraire.
- Bon imaginons que ton approche fonctionne, que tu arrives à le mettre dans ton lit
- Non il va me mettre dans le sien. Je ne tiens pas à ce qu’il salisse mes draps.
- D’accord, il t’emmène dans sa chambrette et il te saute, et après ?
- Et bien après on fait une petite sieste pour se remettre.
- C’est tout ?
- Et bien non, on se promet de se revoir le lendemain et le lendemain je lui propose d’aller se baigner sur la plus grande plage de Montevideo.
- Vous vous baignez au milieu d’une foule énorme et tu fais quoi ?
- Ben je le noie imbécile !!
- Attends je ne comprends rien là. Au milieu d’une foule de baigneurs tu lui appuies sur la tête et tu le noies. Mais il va crier, se débattre et un maître nageur va venir le secourir et…
- Gaspard chéri que crois-tu que je faisais à Paris quand tu officiais à ton guichet de banque ?
- Ben tu sortais, tu faisais du shoping, tu allais voir le copines, je ne sais pas moi.
- Tu ne te souviens pas que de temps en temps nous allions à la piscine avec les copines ?
- Si, si, tu m’en as parlé mais quel est le rapport ?
- D’abord j’allais à la piscine plus souvent que tu crois. J’avais le béguin pour un maître-nageur qui le salaud n’a jamais fait attention à moi. Je faisais pourtant des efforts de séduction. J’ai même appris à plonger en apnée et à rester assez longtemps sous l’eau avec l’espoir qu’il vienne me sauver. Il ne l’a jamais tenté le con. Donc pour en finir je vais plonger, t’attraper le Grondin par les pieds et il va disparaître de la surface comme par miracle. Un observateur éventuel va penser qu’il a plongé pour ressortir plus loin. Et voilà, plus de Grondin. Tu l’as vu de près le Grondin ? gras, le souffle court car c’est un gros fumeur. Tu l’imagines rester 30 secondes sous l’eau sans se noyer ?
- Mais s’il refuse d’aller se baigner, tu fais quoi ? Tu le noies dans sa baignoire à l’hôtel ?
- Je n’aurais pas besoin d’aller jusqu’à cet expédient vulgaire. Mon plan va fonctionner. Ah ! J’oubliais le plus important. Pendant que je serais avec lui à la plage vous les hommes vous visitez sa chambre et vous récupérez la cassette, d’accord ?
- Oui chef mais on fait comment pour s’introduire dans sa chambre, il faut la clé et le réceptionniste de l’hôtel ne va pas nous la donner.
- Dites donc les gars, faut tout vous dire ? Démerdez-vous pour récupérer cette cassette, mois je m’occupe du bonhomme, à moins que vous vouliez intervertir les rôles ?
- Grondin n’a peut-être pas la cassette avec lui ?
- Si, il l’a pour pouvoir vous la donner en échange de la rançon.
Pendant plus d’une heure Gabrielle dut défendre son plan et supporter la mauvaise humeur de son mari trompé pour la bonne cause.
Le plan de Gabrielle fonctionna avec une précision d’horloge suisse. Le Grondin se laissa prendre au piège et tentations de Gabrielle qui était splendide dans sa tenue de grand couturier. Passons sur la partie chambre d’hôtel qui se déroula comme prévu. Le lendemain monsieur Grondin ne se fit pas prier pour aller se baigner, on lui avait promis une belle récompense pour la période de repos. Ils partirent vers la plage célèbre de Punta del Este. Comme tout le monde se baignait, les gros, les maigres, les vieux, les jeunes et il n’avait aucune raison d’avoir honte de sa bedaine et de la blancheur de sa peau. Heureusement il savait nager, l’hypothèse contraire n’avait pas été prévue et Gabrielle eut un petit frisson quand elle en prit conscience. Mais elle se reprit et invita Grondin à s’éloigner de la foule qui pataugeait et s’éclaboussait joyeusement près du bord.
Bonne nageuse comme on sait Gabrielle avait pris un peu d’avance. Elle se retourna pour voir son compagnon : personne, disparu, coulé tout seul le Grondin. Elle plongea et le découvrit flottant gracieusement sous deux mètres d’eau, manifestement sans vie. Elle retourna vers la plage et signala la disparition de son compagnon au service de sécurité. Dans l’heure qui suivit on retrouva monsieur Grondin dont l’autopsie révéla qu’il était mort d’hydrocution, tout bêtement.
Gabrielle rentra à la maison à la fois soulagée et déçue de ne pas avoir pu démontrer son talent. Albert et Gaspard n’avaient pas trouvé la bande vidéo dans la chambre de Grondin. Il avait du la confier au coffre de l’hôtel et il n’était pas question d’aller en demander l’ouverture. Et il n’était pas question non plus de laisser cette bande se promener de main en main pour aller peut-être atterrir entre celles d’une police curieuse par nature et fonction. Albert appela un chargé de mission de l’ambassade qu’il avait eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises. Il lui raconta qu’étant un grand ami de monsieur Grondin et ayant appris son accident alors qu’il l’attendait pour dîner il proposait de prendre en charge les affaires personnelles de celui-ci pour les rapporter à sa famille. L’ambassade accepta la proposition d’Albert, soulagée de ne pas avoir à gérer ce problème purement administratif qui venait s’ajouter au problème du rapatriement du corps et devant creuser un trou, petit certes, dans le budget de l’ambassade. Quand l’enquête fut close le chargé de mission informa Albert de la disponibilité des affaires de monsieur Grondin. Albert récupéra la valise de Grondin avec soulagement. L’ouverture de la valise sous les yeux de nos quatre escrocs se passa dans un silence angoissé. La cassette était bien là. Le problème était de trouver l’engin permettant de la visionner. Et là mystère complet sur l’engin informatique permettant cet exploit. Ce n’était pas une cassette aux standards de la grande diffusion. Notre joyeuse équipe décida d’en rester là jusqu’à ce que l’occasion se présente.
Albert exécuta bien entendu sa promesse et fit un voyage express en France pour rendre la valise de monsieur Grondin à son épouse qui, étant tombée malade au dernier moment et n’avait pu suivre son mari en Uruguay. La rencontre et la restitution se passèrent sans encombre. Albert prit contact avec l’entreprise qui avait installé les caméras dans la banque pour savoir sur quel système on pouvait lire une cassette comme celle qu’il possédait. Il apprit alors que cette cassette était la même que celles utilisées par les sociétés de surveillance travaillant dans le domaine grand public. Il lui suffisait de contacter une de ces entreprises pour équiper sa propriété du système de protection adéquat. Albert repris le chemin du retour aussi vite que possible, l’air parisien ne lui inspirant aucune confiance.
Chapitre 6- on souffle un peu
L’apparition puis la disparition de monsieur Grondin avaient assez fortement perturbé notre joyeuse équipe. Il convenait de faire une petite pause et de réfléchir à l’avenir. Le problème de la cassette fut repoussé à plus tard. La seule qui faisait preuve d’énergie et de volonté d’agir était Gabrielle que les trois autres regardaient évoluer avec effroi. Jusqu’où pouvait-elle aller maintenant qu’elle était lancée ?
Gabrielle qui avait embauché dans son petit magasin une Uruguayenne parlant le français consacrait l’essentiel de son temps à apprendre l’espagnol et à prospecter les banlieues fort étendues de Montevideo. Elle avait décidé de créer d’autres magasins de vêtement de gamme moyenne. Albert, Gaspard et Margot essayèrent de la modérer, sans succès. Elle ouvrit un, puis deux autres magasins qui marchèrent tout de suite très bien alors que le magasin de luxe de Margot stagnait. Au cinquième magasin elle proposa carrément de créer une holding et de franchiser les magasins en mettant Gaspard à la tête de la holding.
- Là, tu vas trop loin s’écria le reste de l’équipe. Une société mère actionnaire à 51% de chaque magasin d’accord mais pas une holding qui pourrait attirer des curiosités malsaines.
Gabrielle fut bien obligée de se rallier à la majorité et se vengea en prenant le titre de dirigeant de la société mère et en imposant à Gaspard de devenir le responsable des achats puisqu’il avait déjà commencé à jouer ce rôle et à Albert de quitter son emploi pour devenir le directeur financier de la société. Les Uruguayennes qu’elle avait embauchées acceptèrent rapidement de prendre une part dans le capital du magasin. Cette part était plus ou moins importante selon les moyens de chacune. Là ou Gabrielle restait intraitable c’est dans le refus de voir un conjoint prendre la direction du magasin : les hommes, allez voir ailleurs. Elle oubliait un peu vite le rôle de Gaspard et Albert dans la réussite des deux couples. On ne rata pas une occasion de le lui faire remarquer. De son côté elle leur démontra que son montage les positionnait de plus en plus comme des notables Uruguayens et que bientôt les politiques viendraient lui manger dans la main.
Et bien ce ne fut pas tout à fait ça. L’Uruguay comme tout pays civilisé possède en son sein une et parfois même plusieurs petites bandes de malfrats toujours prêts à proposer des services de protection payants. Le premier vendeur de protection reçut un accueil qu’il s’empressa de raconter à ses collègues. Il se présenta un jour au magasin principal, celui de Gabrielle et lui tint le discours habituel sur l’intérêt qu’elle aurait à payer sa protection. Gabrielle que son employée avait dument briffée sur le risque à venir ne lui laissa pas le temps de terminer son baratin. Il prit sur la tête un coup de batte de baseball que Gabrielle gardait en réserve sous le comptoir. Ce ne fut pas un mais trois ou quatre coups que le malheureux prit sur le corps. Il eut très très mal. Gabrielle le laissa souffler un peu et lui tint le discours suivant :
- Tu as compris le message ? Va voir ton chef, raconte lui ta mésaventure et dis-lui de venir me voir dès qu’il aura un moment de libre s’il en a. Dis-lui également que les filles qui tiennent mes magasins sont équipées comme moi pour : en première réponse une batte de baseball et en cas d’incompréhension du message d’un fusil à pompe chargé en chevrotine. Capito ? Le malfrat s’enfuit assez profondément marqué par l’accueil reçu.
Albert, Gaspard et Margot furent plus qu’impressionnés par le récit de Gabrielle qui ne se laissa pas démonter.
- Vous avez bien saisi la situation les amis ?
- Pas vraiment figure-toi.
- Dans la semaine le patron du rigolo qu’il a envoyé me protéger va venir me voir pour négocier.
- Négocier quoi ?
- Ma protection bien entendu.
- ?????
- Tu plaisantes, tu rêves debout ? Tu te prends pour Wonder Woman ?
- N’exagérons rien, c’est vrai qu’elle me ressemble un peu, en plus timorée.
- Arrête de plaisanter Gabrielle, que vas-tu lui proposer ?
- Ce minus, comme tout homme rêve d’exploits grandioses qui feront sa renommée, sa richesse et pour l’instant il n’a trouvé que ce moyen de protection maffieux pour y arriver. D’accord ?
- Jusque là on te suit.
- Soit je m’en fais un allié soit je m’en fais un ennemi et dans ce cas on peut chercher ailleurs un point de chute.
- Et tu comptes faire comment pour t’en faire un allié ?
- Je vais l’aider à monter une agence officielle de surveillance et de protection pour protéger nos magasins puis les riches villas de Montevideo contre les méfaits de ses anciens collègues.
- Ouais !! super comme idée s’exclama Margot qui commençait à se fatiguer de jouer la potiche.
- Et ou tu trouves les finances pour ce beau projet ?
- Je compte sur votre enthousiasme et votre sens de la famille pour m’aider.
- Et on gagne quoi nous dans cette affaire ?
- Bonne question. J’ai lancé une idée, peut-être auriez-vous des suggestions financièrement intéressantes à me faire ?
Vous dire que l’adhésion au projet de Gabrielle fut immédiate serait mentir. Il fallut un certain temps de réflexion à chacun et pas mal de discussions pour que les trois associés finissent par abonder dans le sens de Gabrielle. Le bon sens et le besoin de sérénité finit par l’emporter et le projet fut construit en peu de temps. L’entrevue entre le chef de bande et Gabrielle eut lieu un dimanche matin, jour de repos pour tous. Miguel, c’est son nom, prit la parole le premier avec l’assurance de celui qui a quelque chose à proposer. Gabrielle le laissa parler sans l’interrompre. Quand il eut fini elle laissa passer un long moment de silence et finit par dire en espagnol:
- Je vous ai fait venir pour vous proposer mon aide et vous aider à sortir du merdier dans lequel vous êtes en train de vous embourber, pas pour écouter vos sornettes. Laissez-moi finir. Un jour prochain, moi ou une de mes filles nous vous accueillerons avec un fusil à canon scié comme celui-ci. Et Gabrielle sortit de derrière elle un fusil de chasse au canon scié. Elle lui montra qu’il était chargé et le mit en joue ? Compris ?
Le Miguel en resta comme deux ronds de flan. Il avala sa salive péniblement et demanda :
- Votre aide c’est quoi et pourquoi ? Qui vous dit que j’ai besoin de vous ?
- Miguel écoutez moi bien. Vous êtes bien spécialistes de la protection non ? Et bien nous allons monter une société officielle, légale, de surveillance et de gardiennage dont je vous propose de prendre la direction. J’en assurerai le financement de départ. Vous n’aurez plus à effrayer les petits commerçants ni à craindre la police ou la vindicte des concurrents. Nous proposerons les services de cette société aux riches habitants de Montevideo, aux banques et aux entreprises. J’ai étudié le marché, il n’y a qu’une société faisant ce travail dans le pays et elle marche mal car malhonnête. Pour commencer, dès que la société sera constituée et après une bonne formation vous installerez une alarme avec surveillance par internet sur nos magasins. Ce sera notre première publicité. Il ne tient qu’à vous de devenir vous et vos hommes des hommes libres honnêtes et riches. Si vous refusez je monte quand même cette société et je vous garantis que vous aurez rapidement la police aux fesses si vous vous pointez dans mes magasins pour racketter mes vendeuses ok ?
Miguel resta sans voix et partit en ne disant que : « Je vais réfléchir »
Vous dire que Miguel fut accueilli avec enthousiasme par ses hommes serait mentir effrontément. Il lui fallut beaucoup de persuasion et une rencontre de toute son équipe avec Gabrielle. La rencontre et les arguments de Gabrielle finirent pas les persuader d’accepter. Pendant ces négociations Albert et Gaspard préparaient la création de la société de gardiennage et surveillance électronique. Le plus difficile fut de faire venir d’Europe un spécialiste capable de commencer l’installation des premières alarmes et de former des techniciens. Cela demanda plusieurs mois pendant lesquels Gabrielle calma ses troupes avec quelques dollars américains généreusement distribués.
Mais parlons un peu de Margot qui languissait dans son magasin de luxe. Elle aussi était une battante qui n’attendait qu’une occasion pour faire la preuve de ses compétences autres que vestimentaires. Margot avait toujours été passionnée par les armes à feu. A Paris elle faisait partie d’un club de tir à l’insu de son mari. Elle était une tireuse de première force au pistolet. A Montevideo elle trouva rapidement à s’inscrire dans un club de tir et démontra très vite aux machos du club qu’elle savait tirer, démonter et remonter un pistolet les yeux fermés. A quoi cela allait-il lui servir ?
Chapitre 7- évolution de l’organigramme
Margot, sans abandonner son magasin de fringues de luxe se mit à fréquenter plus souvent Gabrielle qui l’avait fortement impressionnée dans les épisodes Grondin et Miguel. Elle commença par raconter à Gabrielle ses visites au stand de tir puis à lui faire part de ses ambitions, floues quand au sujet mais solides quand à ses motivations : elle voulait vivre autre chose que commerçante en vêtements de luxe. Peu à peu les deux femmes se découvrir des points communs comme Albert et Gaspard au début de leur aventure. Gabrielle aborda timidement un problème qui commençait à la tourmenter. Les deux couples avaient passé sans trop de mal quelques épreuves qui en auraient abattu plus d’un. N’était il pas temps de poser les pieds sur terre ? Personne n’avait abordé les conséquences d’une mort de l’un des associés. Et l’argent dérobé à la banque française, qui le possédait réellement ? Margot qui s’était posé les mêmes questions abonda dans son sens. Elles préparèrent alors un programme précis de questions pour la prochaine réunion avec leurs hommes. Un soir donc à l’apéritif qui précédait le barbecue traditionnel Gabrielle prit la parole.
- Les hommes, arrêtez de papoter comme de vieilles concierges et écoutez moi bien. Avec Margot nous nous sommes posé quelques questions dont nous attendons des réponses précises et concrètes bien entendu :
- Quels contrats d’assurance vie nous protègent les uns et les autres ?
- Ne serait-il pas judicieux de rédiger des testaments ?
- Et enfin est-ce que Margot ou moi pouvons nous avoir accès à l’argent planqué aux Iles Caïmans ?
Margot pris le relais :
- N’est-il pas temps de réviser nos contrats de mariage pour mieux protéger nos intérêts ?
Albert et Gaspard se regardèrent complètement ahuris. Chacun cherchait désespérément comment formuler les réponses satisfaisantes que les deux femmes attendaient. Ce fut une succession de phrases incohérentes et incompréhensibles d’où il ressortit qu’ils n’avaient pensé à rien de tout ça. Penauds ils s’arrêtèrent de parler en piquant du nez dans leur verre. Les deux femmes comprirent qu’ils étaient sincères, n’insistèrent pas et leur dirent qu’elles les aimaient quand même avec un gros bisous. Dans les jours qui suivirent les actes notariés furent signés, enregistrés et les signatures de Margot et Gabrielle communiquées aux banques détentrices du magot. Albert et Gaspard réalisèrent qu’ils n’avaient pas épousé des bobonnes mais des femmes de tête et des guerrières bien camouflées derrière leur façade d’épouses vertueuses. Cela demandait réflexion, introspection et réexamen des hiérarchies dans le groupe. Quelques semaines passèrent à mettre en place la société de gardiennage et tous étaient assez occupés pour penser organisation future et avenir. Des idées faisaient quand même leurs chemins dans les subconscients.
La société de surveillance-gardiennage, installé dans un entrepôt de la zone industrielle Las Pedras démarra enfin et les magasins de vêtements de Margot et Gabrielle furent rapidement équipés. La société fut appelée « Epeire View SA ». Quelques articles dans la presse et le bouche à oreille lancé à partir de la Chambre de Commerce firent le reste. Les commandes affluèrent et Miguel, tout fier de son nouveau rôle et du costume de bonne coupe qu’il arborait, réussit le prodige de se comporter en parfait patron compétent et efficace. Albert et Gaspard se démenaient pour approvisionner la société en matériels nécessaires et démarches commerciales diverses.
Gabrielle et Margot se languissaient, n’ayant aucun rôle à jour dans la société. Gabrielle continuait à créer des magasins de plus en plus loin de Montevideo mais cela ne l’excitait plus beaucoup. Subitement prise de l’envie de faire du social elle proposa a ses vendeuses de n’ouvrir les magasins que l’après-midi tous les jours de la semaine, y compris le dimanche. Proposition unanimement approuvée car ces femmes avaient des enfants, certaines des maris et la matinée de libre une véritable bénédiction. Il faut aussi reconnaitre que le chiffre d’affaires du matin était négligeable. Les ventes du dimanche compensèrent largement. Un matin elle apprit qu’un magasin avait été cambriolé et vidé de son stock dans la nuit. La camera de surveillance massacrée et la ligne téléphonique coupée. Gabrielle commença son enquête en interrogeant Miguel qui devait bien évidemment connaitre ses anciens confrères. Manifestement Miguel et son équipe avaient encore des relations dans le petit banditisme d’Uruguay. Miguel ne se fit pas prié pour décrire le petit monde d’où il venait et donner quelques noms. A la réunion qui suivit ce cambriolage Gabrielle prit rapidement la parole pour exposer son plan.
- Ce cambriolage sera forcément suivi d’autres et notre réputation de société de surveillance va s’écrouler en quelques semaines. Il faut arrêter cela très vite sinon c’est la catastrophe assurée. Nous allons, Margot et moi nous mettre en embuscade dans le dernier magasin ouvert qui n’est pas équipé de caméra et de liaison avec le central. Ce magasin va forcément attirer nos malfrats et nous allons les accueillir comme il faut. Tu es d’accord Margot ?
- Pas de problème Gabrielle, je te suis.
- Messieurs vous aller rester à l’écart de cette affaire. Il ne faut pas que vous soyez impliqués dans ce qui va se passer. Les deux dirigeants de Epeire View SA doivent être en-dehors du coup et ne s’occuper que de la communication avec la presse et les hommes politiques.
Gabrielle et Margot dès le lendemain se réunirent seules et mirent au point leur plan d’action.
Dans la nuit du 14 au 15 août le magasin ou elles s’étaient installées reçut la visite de 2 grands gaillards qui sans délicatesse aucune cassèrent la porte à coup de masse et surs de leur force firent leur entrée avec assurance. Hélas pour eux. Ils n’avaient pas fait deux pas dans le magasin que la lumière s’alluma et qu’ils découvrirent à droite Gabrielle avec son fusil à canon scié et Margot à Gauche tenant un Luger chromé peut-être ancien mais toujours capable d’envoyer une balle de 11.43 aux effets mortels. On notera que le fait d’appartenir à un club de tir facilite grandement l’achat d’arme à feu.
- Ne bougez pas un doigt ou vous êtes morts.
Le ton employé ne laissait aucun doute sur la réalité de ce sombre avenir clairement annoncé. Pendant que Margot les tenait en joue Gabrielle les fit se mettre face aux rayonnages les mains derrière le dos avec un coup de crosse sur le crâne de celui qui mettait peu d’entrain à exécuter son ordre. En un tour de main elle enserra les deux poignets avec un lien en plastique maintenant utilisé par toutes les polices du monde et passa au second qui manifesta plus d’entrain que son camarade à présenter ses poignets.
- Tournez-vous et répondez à mes questions.
- Qui vous envoie, le nom de votre chef ?
- -----
Gabrielle alluma un bon vieux briquet Zippo et caressa un doigt avec la flamme. L’effet fut immédiat.
- Il s’appelle Arturo Zingla et il habite Avenida Bellini
- Et bien tu vas nous conduire jusqu’à lui.
Gabrielle fit monter un des deux sur le siège passager du 4x4 garé un peu plus loin, l’autre à côté de Margot à l’arrière et sur les indications du passager le vieux Toyota tout cabossé prit la direction indiquée. Le parcours fut assez long car l’objectif se trouvait dans une banlieue éloignée. Une fois arrivés Margot, Gabrielle et les deux apprentis cambrioleurs se dirigèrent ver le petit pavillon d’Arturo Zingla. Sur instruction de Gabrielle les deux hommes annoncèrent leur arrivée et poussèrent la porte suivis de près par nos deux amazones. Quand Zingla aperçut les deux femmes et les armes qu’elles tenaient il tendit la main vers une Kalachnikov qui se trouvait sur la table près de lui. Le Luger de Margot se souvenant de ce pourquoi il était conçu lui logea une balle entre les deux yeux dans un bruit impressionnant avant qu’il ait terminé son geste. Les témoins de la scène comprirent vite qu’il valait mieux s’abstenir de toute initiative risquée et levèrent les mains en signe de reddition.
- Bravo les gars vous avez bien compris la situation et je vous en félicite. Maintenant retenez bien ceci : Ma copine et moi on n’aime pas se servit d’armes à feu à moins de nous y contraindre. Alors vous oubliez notre existence, vous oubliez les magasins à l’enseigne « Gaby & Margot » et vous vivrez vieux, Ok ?
Margot, pensa bien couper les liens de ses deux prisonniers avec la petite pince coupante qu’elle avait dans sa trousse de ceinture mais se retint en pensant qu’il ne fallait pas tenter le diable. Elle sortit en faisant face à l’assemblée. Gabrielle l’accompagna un peu déçue de n’avoir rien eu à faire. Quand elles se retrouvèrent dans le Toyota Margot demanda :
- C’est nouveau cette chaîne de magasins « Gaby & Margot » ?
- Et oui, cela m’est venu d’un seul coup. Demain on change toutes les enseignes pour ce nouveau nom. Sympa non ?
- Dis, Margot, la prochaine fois c’est moi qui tire hein ? Tu veux bien ?
- Pas de problème ma chérie.
Les deux femmes passèrent au magasin de Margot déposer leur artillerie et s’offrirent un petit verre dans le dernier bistrot encore ouvert. Il y avait quand même, malgré le sang-froid affiché un peu de tension à évacuer. Les maris qui avaient soigné leur attente anxieuse à coups de fine cognac les accueillirent avec un brin d’impatience.
- Ca va les filles ? vous avez passé une bonne soirée à attendre dans votre magasin dans le noir ?
C’est Margot qui répondit en baillant.
- Putain c’est long une nuit dans un magasin vide, dans le noir et sans chauffage. Payez-nous un coup les hommes pour nous réchauffer.
Gabrielle éclata de rire suivie de Margot sous les yeux ébahis des maris.
Chapitre 9- Le champ d’action s’étend
Pendant les semaines qui suivirent il ne se passa rien de bien marquant. La société EpeireView SA enregistra ses premières commandes, Gabrielle étendait son réseau de magasins à l’enseigne de « Gaby & Margot » aux provinces et les journalistes commencèrent à faire des reportages sur le succès de ces magasins. Margot avait confié à une gérante la gestion de son magasin et avait rejoint Gabrielle pour l’aider dans ses projets d’extension. Pour garder la forme elles s’étaient inscrites dans un club de gymnastique et d’arts martiaux. On ne sait jamais cela pourrait servir un jour. Premiers effets positifs : Gabrielle perdit un peu de ses formes remplacées par du muscle et Margot gagna en souplesse et équilibre, ce qui lui permit d’améliorer ses scores au stand de tir. Quelques hommes politiques vinrent renifler l’odeur de subventions espérées et nos deux couples furent enfin invités dans le cercle très fermé des chefs d’entreprises locales. Personne ne se permit de poser des questions indiscrètes bien entendu mais quelques sous-entendus montrèrent que beaucoup de questions attendaient des réponses. On avait bien compris que l’arrivée des deux couples n’était pas du au simple attrait du pays et que leur passé sentait un peu le soufre. Les fonds ayant servi à monter les magasins et la société de surveillance étaient trop souvent présentés en billets de banque pour être d’origine honnête. Mais comme aucun mandat d’arrêt international n’avait été reçu on se contentait d’observer sans oublier les deux disparitions dans le milieu. De leur côté Albert et Gaspard ne chômaient pas mais étaient toujours englués dans les fonctions administratives auxquelles ils avaient essayé d’échapper dans un passé récent. Au fond d’eux-mêmes ils étaient un peu jaloux de Gabrielle et Margot qui s’épanouissaient dans leur nouvelle vie. Afin de ne pas décrocher et se voir remplacés par des jeunots entreprenants ils rejoignirent leur femme au club de gymnastique. Pour Albert ce fut assez rapidement profitable. Pour Gaspard un certain temps d’adaptation et beaucoup d’efforts furent nécessaires mais Gaspard tint bon et sa bedaine tel un bernard l’hermite rentra dans sa coquille. Le stand de tir attira également leur attention sans intention apparente mais secrètement désirée. Au bout de quelques mois nos quatre petits français étaient complètement métamorphosés et montraient une forme éblouissante, sans objectif à mettre en œuvre. C’est Miguel qui leur donna l’occasion d’exercer leurs nouveaux talents. Il arriva un soir au domicile d’Albert et Margot, ce qui n’était jamais arrivé et demanda à les voir pour soulever un problème pour lequel il avait besoin d’aide. Il voulait pour commencer à expliquer sa démarche que Gaspard et Gabrielle soient présents. On lui accorda ce privilège. Devant la bande des quatre il osa enfin exposer son problème.
- Excusez-moi mais je ne viens pas me plaindre personnellement. Ma nouvelle vie me convient parfaitement et mon épouse m’a chargé de vous remercier. Elle n’a plus peur pour ma vie et sa vie à elle est beaucoup plus sereine.
- Merci Miguel de cet aveu sincère mais quel est le problème ?
- Et bien c’est pour mon frère.
- Et quel problème il a ton frère ?
- Ernesto, c’est mon frère, a trouvé une petite mine d’or dans le nord du pays, enfin pas tout à fait une mine d’or, une rivière qui charrie un peu d’or et il a peur des Morales, une bande de fripouilles qui attend qu’il ait fini de ramasser l’or de la rivière pour le dépouiller quand il apportera son or à la banque.
- Et comment Ernesto sait que les Morales l’attendent ?
- Vous savez chez nous, tout finit par se savoir. C’est l’épicière du village ou mon frère fait ses achats qui l’a prévenu. Les Morales, un jour qu’ils avaient un peu bu ont lancé : « On sera bientôt riche grâce à Ernesto qui travaille pour nous en ce moment. » Alors Ernesto a peur et comme je lui ai raconté comment vous vous êtes débarrassés d’Arturo Zingla et de Ronaldo Lopez…
- Tu nous as fait de la publicité Miguel ?
- Non, non, je n’en ai parlé qu’à mon frère, je vous jure.
- Et que fait ton frère de l’or qu’il trouve dans sa batte ?
- Il le cache dans un trou au bord de la rivière, personne ne peut le voir.
- T’a-t-il dit quand il compte arrêter et aller à la banque ?
- Pas avant un mois, peut-être deux, si la récolte est bonne.
- Cela nous laisse le temps de réfléchir à ton problème. Tu peux nous laisser un jour ou deux avant de te donner notre réponse et nous dire à quel endroit exactement ton frère fait l’orpailleur ?
- Pas de problème, demain je vous montrerai l’endroit sur la carte.
Les quatre commencèrent par s’écrier en chœur : « Pas question d’aller jouer les gendarmes dans un coin perdu, pas question ! » Et puis on alla faire un tour sur Google Earth pour voir à quoi ressemblait le nord du Pays. Et puis Albert émit l’hypothèse que ne pas aider le frère de Miguel pourrait être gênant à terme dans leurs relations avec lui. Gaspard que l’inaction rongeait proposa de faire juste une escorte à Ernesto, cela devrait suffire à décourager les Morales. Le lendemain Miguel revint avec la carte et la position de l’endroit où travaillait son frère. C’était sur le Rio Tacuarembo pas très loin d’un petit village : Paso Ataques. Margot demanda si le voyage pourrait avoir lieu un week-end afin d’être plus libres. Gabrielle chercha sur la carte quelle route passait à proximité. De question en question il apparut rapidement à Miguel que la réponse des quatre était quasiment acquise. Effectivement, après s’être concertés les quatre donnèrent leur accord de principe, les détails de l’opération restant à définir. Dans les jours qui suivirent Albert donna à Miguel pour Ernesto un téléphone mobile 4G avec un logiciel de cryptage pour communiquer avec Ernesto et préparer le voyage. Albert et Gaspard s’amusèrent comme des gamins à préparer l’expédition : trajets, timing, équipement des véhicules, un vrai travail de commando. Ils étaient à leur affaire dans cette phase de préparation. Ernesto, rassuré travailla avec plus d’ardeur à la recherche de son or et fut bientôt à la tête d’un sac de pépites d’un poids respectable. Officiellement les quatre partaient en week-end de détente et d’exploration du pays. La date de celle-ci fut décidée avec 15 jours d’avance. Margot et Gabrielle partirent dans le vieux Toyota cabossé mais soigneusement révisé. Albert et Gaspard se firent un petit plaisir en achetant un Land Rover Defender d’occasion mais en superbe état. Lui aussi subit une révision complète. L’armement ne fut pas laissé au hasard. Les filles avaient leurs armes habituelles et les hommes achetèrent des fusils de chasse, ce qui est plus facile à justifier que l’achat d’un Kalachnikov. Afin de jouer à l’explorateur jusqu’au bout un matériel de camping moderne vint compléter l’équipement. L’étude de l’itinéraire montra qu’il fallait quasiment faire 500 km en 6 heures environ pour se rendre dans la région de Paso Ataques qui ne se trouve pas loin de la frontière du Brésil. Les quatre partirent donc un vendredi après-midi pour arriver dans la soirée à 50 km de l’endroit ou se trouvait Ernesto. On campa joyeusement après avoir prévenu Ernesto de leur arrivée. La nuit se passa sans incident mais avec la présence de quelques hardis moustiques non invités. Ernesto les prévint de son départ à 8 heurs du matin. Il devait rejoindre la route principale dans sa petite Ford Fiesta bleue vers 9 heures. Il leur donna rendez-vous au village de Paso Ataques ou il s’arrêterait pour boire un café comme il le fait souvent. Effectivement les 4 touristes étrangers s’arrêtèrent devant l’épicerie-café –station essence près de l’auto d’Ernesto et entrèrent boire un café sans un regard pour Ernesto qui les ignora également. D’autres consommateurs étaient là mais sans signe particulier. On échangea avec la patronne de l’épicerie quelques informations sur la région et le Brésil tout proche. Ernesto sortit le premier et fit le plein d’essence de son auto. Les Quatre le rejoignirent bientôt et Ernesto échangea discrètement un petit sac de toile contre un autre avec Albert. Les 3 véhicules partirent quasiment en même temps.
C’est seulement au bout de quelques kilomètres qu’un autre véhicule se joignit au groupe de 3. C’était une camionnette Mercedes aux vitres teintées mais dont le moteur Diesel crachait une fumée malodorante. La tension monta d’un cran dans les trois voitures mais rapidement la camionnette doubla le convoi et disparut dans un nuage de poussière.
Le convoi était organisé de la manière suivante : Margot et Gabrielle ouvraient la marche dans leur Toyota. Ernesto les suivait en laissant un espace d’environ 300 mètres afin de laisser à Margot le temps de le prévenir par téléphone portable d’un risque possible. Ernesto conduisait avec le téléphone et les écouteurs mains libres. Derrière Ernest Albert et Gaspard assuraient l’arrière-garde. Les kilomètres se succédaient sur une route déserte et poussiéreuse. La monotonie engendrée par le bruit des moteurs avait tendance à endormir l’attention. Soudain la voix de Margot retentit dans les écouteurs d’Ernesto.
- Une remorque avec des rounds de paille arrêtée et 4 hommes dans le fossé. Ce sont eux….
Chapitre 10- Les bienfaits d’une bonne organisation
Ernesto, paralysé par l’appel de Margot ne pensa ni à ralentir ni à s’arrêter. Il pila seulement devant les ballots de paille qui venaient de déferler sur la route. Il ouvrit sa portière et se laissa tomber sur la route puis roula dans le fossé de gauche pendant qu’une rafale de kalachnikov dessinait de la dentelle sur sa petite auto. Gabrielle avait fait demi-tour au frein et fonçait sur l’obstacle. Elle arriva de son côté en même temps qu’Albert arrivait de l’autre. L’équipe des Morales composée de 4 individus comprit qu’elle était prise en tenaille et se partagea en deux groupes : Les deux qui étaient les plus lucides s’enfuirent à toutes jambes en laissant tomber leurs armes, les deux matamores qui croyaient en leur bonne étoile tirèrent une rafale vers le Toyota de l’arrière vers l’avant mais n’eurent pas le temps de se tourner vers la Land Rover : Albert et Gaspard firent feu et les deux décharges de chevrotines mirent fin à leur espoir de richesse rapide. Margot descendit du Toyota en pressant la manche du bras droit taché de sang. Elle avait pris une balle dans le muscle de l’épaule. Heureusement la balle n’avait fait que traverser la chair pour partir étoiler le pare-brise. Gabrielle lui fit un pansement avec le contenu de la boîte de premier secours qu’ils avaient eu la bonne idée d’emporter. Ernesto remis de sa peur rejoignit le groupe et commença par pleurnicher sur l’état de son auto, effectivement peu vendable en l’état. Albert lui fit comprendre que sa Fiesta était bonne pour la casse, que le sac d’or était toujours là et que s’il devait pleurer c’était sur l’état de Margot qui était blessée pour sauver son or. On décida de laisser les deux cadavres là ou le sort les avait abandonnés mais on récupéra les kalachnikovs pour le plus grand plaisir de Margot qui avait toujours rêvé d’en posséder une. Avant de partir ils arrosèrent d’essence la Ford et y mirent le feu afin qu’elle ne puisse être identifiée. Albert poussa les rounds de paille dans le fossé pour pouvoir passer et les deux autos reprirent la route vers Montevideo avec Ernesto comme passager serrant son sac d’or sur ses genoux. Le retour se passa sans problème et les autos furent confiées à des mécaniciens amis de Miguel. Quand à Margot qui souffrait de sa blessure ce fut plus difficile de trouver une solution ne soulevant aucune question sur l’origine de la blessure. C’est Ernesto qui proposa la solution. L’Amérique du Sud est riche encore de chamans Guarani sachant soigner avec des herbes et des décoctions dont eux seuls connaissent la composition et les effets. Il en connaissait un qui vivait pauvrement dans une banlieue éloignée. Gabrielle, Margot et Ernest partirent dans la Ford Focus de tous les jours. Le chaman examina la blessure et fit une piqure d’antibiotique à Margot au grand étonnement du petit groupe. Il appliqua ensuite aux deux blessures un onguent en disant à Margot de le changer chaque jour et lui fournit un petit pot contenant le produit nécessaire. En souriant il expliqua que la médecine ancienne savait intégrer les découvertes intéressantes et les antibiotiques en faisaient partie. Par contre il fut discret sur l’origine de ses doses d’antibiotique. Gabrielle le paya de ses soins et de sa discrétion ce qui lui valut des remerciements chaleureux. Au retour à l’appartement un cachet de Paracétamol aida Margot à supporter la douleur. Il restait à régler le problème soulevé par Ernesto : comment récompenser ses bienfaiteurs ? Il y tenait mais tenait encore plus à son or. Rien ne presse lui dirent les Quatre, en remerciements c’est peut être un jour nous qui aurons besoin de vous. Après avoir énergiquement protesté Ernesto partit avec son frère en promettant de rembourser sa dette au plus tôt. Les Quatre se couchèrent de bonne heure ce soir là. Et le lendemain matin chacun se rendit à son travail comme d’habitude. Le pansement de Margot était invisible sous la manche de sa veste et elle pouvait remuer son bras sans difficulté. Bien évidemment la voiture brûlée et les deux cadavres à côté firent la une des journaux du lendemain. Les Quatre s’attendaient à chaque instant d’apprendre qu’un détail leur avait échappé et que la police viendrait sous peu les interroger. Ce n’est pas la police qu’ils virent débouler un soir. Ce furent 2 hommes strictement vêtus de costumes gris bien coupés, la chevelure en brosse et le sourire un peu crispé qui sonnèrent à la porte d’Albert et Margot. Sans se présenter, ils forcèrent l’entrée si habilement qu’Albert n’eut pas le temps de réagir. L’un des deux demanda :
- Où sont vos deux amis, Gaspard et Gabrielle Froidure ?
- Chez eux, dans leur appartement. Qu’est-ce que vous nous voulez ?
- Appelez-les et dites leur de venir ici immédiatement et sans donner de détails s’il vous plait.
Albert s’exécuta et vingt minutes plus tard Gaspard et Gabrielle firent leur entrée. Pendant ces vingt minutes les deux hommes ne dirent pas un mot, assis sur des fauteuils faisant face à la porte. Albert bien qu’inquiet se disait que si leur venue était liée au drame de dimanche ils se seraient présentés comme des policiers et non pas comme des agents du FBI dont ils avaient l’allure et le comportement. Effectivement une fois que Gaspard et Gabrielle furent arrivés c’est bien ainsi qu’ils se présentèrent. Mais ce n’était pas exactement des agents du FBI, ils parlèrent d’une agence gouvernementale dont le nom était inconnu de nos quatre amis et sans préciser de quel pays. Leur discours fut un long préambule qui disait en peu de mots à peu près ceci :
Nous vous suivons depuis votre départ de France et nous savons tout sur vous : le sabotage du forum de Davos, le hold-up de la banque, la manière élégante utilisée pour éliminer le sieur Grondin et l’embauche du petit malfrat de Miguel qui dirige maintenant votre société de surveillance et gardiennage et à cet égard, toutes nos félicitations, faire d’un pareil vaurien un chef d’entreprise, chapeau. Bien évidemment nous avons notre petite idée sur votre rôle dans la disparition du sieur Arturo Zingla et de Ronaldo Lopez. Quand à votre action de dimanche matin, c’était du travail de professionnels vu d’hélicoptère, nous n’aurions pas fait mieux.
- Vous nous avez surveillés par hélicoptère ? Mais vous ne pouviez pas connaître nos projets ?
- Réfléchissez un peu : Partez du principe que nous vous avions à l’œil. Quand nous avons appris que vous faisiez réviser le Toyota, que vous achetiez un beau Land Rover et deux fusils de chasse, nous avons conclu que vous prépariez un nouveau coup. Alors on a pris nos dispositions et nous vous avons suivis et surveillés. Elémentaire non ? Pour conclure nous savons que vos petits commerces marchent bien et que votre société Epeire View SA est maintenant bien installée.
Ce discours à la fois rassurant et inquiétant provoqua dans le cerveau des Quatre une suite échevelée de réflexions, de doutes et d’hypothèses qui se traduisirent par la question de Gaspard :
- Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’attendez-vous de nous ?
- Nous pensons que votre société de surveillance peut être utile pour démanteler un réseau de trafic de drogue que nous n’avons pas réussi à infiltrer. Jusqu’à aujourd’hui l’Uruguay ne faisait pas partie des pays producteurs ou exportateurs de drogue mais les anciennes routes menant de la Colombie à l’Argentine sont très surveillées et les trafiquants cherches de nouveaux points de départ. Vous connaissez la position de l’Uruguay entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay. C’est une position stratégique et le port de Montevideo bien abrité et peu contrôlé est un point de départ idéal ne serait-ce que par les bateaux de croisière. Imaginons qu’un des patrons de ce réseau vous demande d’installer des caméras de surveillance pour protéger leurs entrepôts ou bureaux et que nous vous demandons d’ajouter une ou deux caméras discrètes avec micro dirigés vers l’intérieur plutôt que vers l’extérieur que ferez-vous ?
- Apparemment nous n’avons pas le choix non ?
- Je vois que vous avez compris.
- Vos spécialistes seraient donc moins performants que nous ? Ca fait plaisir à entendre.
- Ne faites pas trop les malins…
- On ne fait pas les malins nous sommes ravis de voir notre expertise reconnue par des experts hein Albert ?
- Effectivement c’est réconfortant de se voir reconnu. Mais une petite question pratique : En-dehors de votre discrétion sur notre passé qu’est-ce que ça nous rapporte notre collaboration ? Nous allons avoir des frais, nous allons prendre des risques, et cela gratuitement ?
- Je ne peux pas vous répondre encore sur ce point. Nous attendions de faire connaissance et d’entendre votre réponse et si j’ai bien compris vous acceptez ?
- Bien entendu, enfin bien obligés je veux dire.
- Et si vous nous offriez un verre pour sceller cette belle collaboration contre le crime ? Mais avant je me présente Alex Parker et mon collègue se nomme Craig Bailey.
Albert se dirigea vers le bar et sortit quelques bouteilles et de verres. Margot partit vers la cuisine chercher biscuits et rondelles de saucisson. Gabrielle qui n’avait rien dit jusqu’ici demanda :
- J’aimerais que vous nous fassiez avoir des permis de port d’arme officiels afin de ne pas être surpris pas un policier trop pointilleux, c’est possible ?
- Tout à fait d’accord, vous avez bien fait d’en parler. Quelque chose d’autre ?
- Nos caméras ne sont pas très discrètes. Je suppose que vous allez nous fournir le matériel professionnel dont vous vous servez habituellement ?
- Non, impossible de justifier budgétairement l’achat de ces matériels. Nous allons vous donner les références et les coordonnées des fournisseurs que nous préviendrons de votre arrivée sur le marché.
- Et c’est nous qui allons payer ?
- Dans un premier temps bien entendu et je crois me rappeler que vous disposez d’environ vingt millions de dollars augmentés de vos bénéfices récents non ?
Bien évidemment les Quatre furent obligés d’accepter.
Une nouvelle aventure commence…
Chapitre 11- La bande des Quatre monte en grade
Après le départ des 2 barbouses les Quatre se sentirent à la fois soulagés de l’issue de l’entrevue mais également angoissés de devoir entrer dans une nouvelle dimension. S’attaquer aux trafiquants de drogue était d’un autre niveau que de mettre fin aux agissements de petits malfrats. C’est Margot qui détendit l’atmosphère :
- Moi je vous dis les mecs que le Bond, le James Bond c’est un amateur à côté de nous !! Vous réalisez qu’une agence du genre DEA vient de nous demander notre aide ? A nous les frenchies qui faisons nos premiers pas dans la délinquance et en même temps dans la protection de la société ?
- Et ça va nous rapporter des nèfles côté finance et des coups côté santé rétorqua Gaspard.
- Tu vois toujours le mauvais côté des choses Gaspard. Imagine qu’on arrive à piéger les trafiquants, les barbouses seront satisfais et nous ficherons la paix.
- Ils ne nous lâcherons pas sauf quand nous serons usés, laminés ou pire. Tant qu’ils pourront nous utiliser ils nous rappellerons sans cesse nos frasques passées.
- A moins que nous trouvions un moyen de se débarrasser de leur emprise répondit Margot.
- Non mais tu rêves ma chérie !! Ces types et leur organisation sont plus forts que nous, on ne pourra jamais les piéger.
- Jamais est un mot que je déteste. On trouvera un moyen. Nous sommes quatre, nous sommes la bande des Quatre et nous ne sommes pas idiots. Il y a toujours un point faible chez l’adversaire, et nous le trouverons le moment venu.
- Je suis de l’avis de Margot répondit Gabrielle. Les services secrets ont aussi des secrets à cacher et ils font des erreurs comme tout le monde. Imaginons…
- Gabrielle, il est un peu tôt pour envisager cette étape. C’est bien d’y avoir pensé mais pour l’instant c’est nous qui sommes piégés. Alors attendons de savoir quel est notre objectif et essayons de l’atteindre sans casse. On verra plus tard.
Quelques jours plus tard les 2 agents secrets revinrent pour tenir une réunion de travail : Description du réseau de trafiquant, nom, coordonnées du patron du trafic, toutes les informations nécessaires : les coordonnées des fournisseurs ainsi que les références des équipements adéquats. Le trafiquant s’appelle Antonio Chicoy. Il gère une entreprise d’import-export spécialisée dans le petit matériel agricole et de jardinage, une très belle couverture. Il fut décidé de commencer une campagne publicitaire sur les services que pouvait rendre la société Epeire View SA. Albert appuya la campagne publicitaire par du démarchage qu’il effectuait seul, laissant Miguel à l’écart de l’opération en cours. Sur le plan commercial ordinaire les résultats furent très satisfaisants. En ce qui concerne l’objectif : rien, pas de retour. Il semblerait que la garde rapprochée du patron faisait un travail de surveillance et protection de première qualité. Il fallait donc commencer par démonter cette image aux yeux du patron. Repérer le nom du responsable de la sécurité ne fut pas facile mais les 2 agents finirent par le trouver à partir des écoutes téléphoniques. Il s’appelle José Albéro. La suite fut confiée à Margot qui piaffait d’impatience. Par les informations reçues Margot apprit quel bar le responsable de la sécurité fréquentait. Exploiter cette information demandait réflexion : l’aborder en jouant la pute risquait de marquer quelques mémoires, le contacter officiellement comme représentante de la firme faisait courir le risque d’éveiller les soupçons plus tard, Margot ne trouvait rien à entreprendre et commençait à souffrir des remarques acides des 3 autres assez sur les nerfs il est vrai. Finalement elle se décida pour entrer dans les bureaux de Chicoy en déjouant la surveillance de José Albéro. Plus simplement elle décida de le cambrioler. Elle commença par examiner les lieux grâce à Google Earth puis plus prosaïquement en allant faire un tour sur place. Elle y alla de jour, de nuit, vérifia qu’il y avait peu de ronde et que le gardien faisait le tour du bâtiment le plus vite possible, sans rien contrôler. Elle découvrit une porte en fer à l’arrière du bâtiment et cachée par des poubelles. Cette porte ne semblait pas servir souvent. Elle se dit intuitivement que Miguel pourrait l’aider dans la connaissance des serrures et de leur ouverture. C’était la bonne idée : Miguel avait de bonnes connaissances dans ce domaine et expliqua, démonstration à l’appui comment ouvrir une serrure sans la clef prévue à cet effet. Il donna à Margot son trousseau en lui faisant promettre de le lui rendre ; Margot s’entraina d’abord sur la serrure de sa maison, ce qui était facile, puis sur la serrure de la société Epeire View SA ce qui l’était beaucoup moins mais elle y arriva après quelques efforts. Quand elle se sentit suffisamment entraînée et poussée par les autres qui s’impatientaient sans toutefois deviner ce qu’elle préparait elle décida d’agir. Sous prétexte d’inventaire du magasin elle ressortit un soir, passa au magasin s’habiller d’une combinaison noire et se rendit sur le lieu de son objectif. Les poubelles cachant la porte étaient toujours là et la dissimulaient un peu. Après quelques essais la serrure céda et la porte s’ouvrit. Margot attendit 5 minutes pour savoir si son intrusion avait déclenché quelque alarme. Elle rangea son trousseau dans la sacoche de ceinture et prit à la place une lampe dont le faisceau était réglable. Elle entra, repoussa la porte derrière elle sans enclencher la serrure et se dirigea à tâtons dans le hall rempli de colis ficelés sur palettes. Elle finit par trouver un escalier menant à des bureaux. Avec d’infinies précautions elle monta l’escalier, et entra dans un bureau qui n’était pas fermé à clés. Margot ne savait pas comment signaler son passage ne voyait pas ce qu’elle pourrait voler. Il n’y avait dans ce bureau que des classeurs métalliques et les tiroirs des bureaux ne contenaient que des corbeilles, stylos et agrafeuses. Rien de répréhensible. Elle tira quelques tiroirs, en renversa le contenu par terre et considérant que son passage serait suffisamment remarqué elle ressortit sans rencontrer d’obstacle ni de personne malveillante. Son expédition n’avait pris qu’une vingtaine de minutes entre 2 passages du gardien.
De retour à la maison elle ne dit qu’une chose : J’ai fait mon travail, à toi de convaincre Antonio Chicoy de faire appel aux services de notre société. Albert la regarda sans comprendre.
- Tu as fait quoi ?
- J’ai fait en sorte que José Albero soit déconsidéré aux yeux de son patron et que celui-ci s’intéresse vivement à nos services.
- Tu peux expliquer ?
- Non pas ce soir, demain avec les autres.
Margot s’en tint à ce qu’elle avait dit. Le lendemain matin à la réunion qu’elle provoqua elle expliqua son cambriolage et bien entendu fut traitée successivement d’irresponsable, de folle, de dangereuse illuminée et d’autres noms encore. Elle laissa passer l’orage.
- Ca y est, vous avez fini de m’insulter ? Je n’ai pas droit à un mot de félicitation, pas un remerciement, vous êtes des rats égoïstes, jaloux et sans cœur.
Elle sortit en claquant la porte pour se trouver nez à nez aux 2 barbouses qui venaient la féliciter et qui le firent avec beaucoup de claques dans le dos dont quelques unes s’égarèrent un peu mais involontairement. Albert faisait la gueule.
Alex et Craig les informèrent que Chicoy était fou de rage et avait viré Albero qui avait craint pour sa vie un moment donné. Comme quoi, les écoutes téléphoniques ont quelque utilité dans notre monde connecté. Mais ils ajoutèrent une information histoire de ramener le degré de satisfaction de Margot à son juste niveau.
- Ca ne vous a pas surpris Margot, de ne voir qu’un gardien lymphatique et pas d’alarme ?
- Non, j’ai trouvé qu’ils étaient négligents, c’est tout.
- Sachez ma petite madame que normalement il y a 2 gardes armés qui font des rondes et des détecteurs de présence à l’intérieur avec alarme sonore. Et ce dispositif de sécurité n’a lieu que lorsqu’il y a eu un arrivage de came entreposé dans le bâtiment en attendant sa réexpédition et cette semaine il n’y avait pas de drogue en attente et la surveillance était réduite au minimum. De plus et vous avez eu de la chance, le gardien avait oublié de connecter l’alarme.
- Et bien vous voyez que nous sommes les meilleurs ? J’ai pris des risques et la chance m’a souri, car comme on dit..
- La chance ne sourit qu’aux audacieux. Vous n’avez pas tord mais ne comptez pas éternellement là-dessus.
- Et ce n’est pas là-dessus que vous avez compté en venant nous trouver et quémander notre aide ?
- Bien, je vois qu’avec vous je n’aurai jamais le dernier mot. Maintenant il faut mettre en place la deuxième phase, équiper ces trafiquants de nos outils de surveillance. Que comptez-vous faire ?
Albert n’eut pas besoin de démarcher Chicoy, c’est lui qui appela pour demander un devis de protection avec caméras, alarmes, moniteurs de contrôle, liaison avec son domicile mais sans liaison avec la police jugée inefficaces et trop intrusive, ce qu’Albert approuva pleinement. Bien évidemment le devis fut jugé excessif et une longue négociation commença pour se conclure après un rabais significatif mais évidemment prévu dans le tarif de départ. On rassura Chicoy en lui assurant que lui seul détiendrait les mots de passe et les différents codes d’accès. La commande des matériels, l’installation des câblages (ce qui permit au passage d’avoir un relevé complet des plans du bâtiment), les branchements téléphoniques nécessaires, tout cela prit un certain temps. Vous savez ce que c’est : Un fournisseur qui prend du retard, un autre qui livre la mauvaise référence, un troisième qui veut être réglé d’avance et qui chipote, la société de téléphone qui traîne les pieds. Chicoy s’impatientait car la date de la prochaine livraison approchait. Albert dut apprendre à placer micros et mini caméras de façon invisible. Enfin le jour de la vérification de l’installation arriva. Chicoy eut bien du mal à maîtriser l’installation sophistiquée qu’il avait commandé mais il y arriva. Il était tout fier de montrer à ses équipiers qu’il pouvait surveiller ses bureaux depuis son domicile. De leur côté les agents secrets purent voir qu’Albert avait bien travaillé. Le piège permettant de mettre fin au trafic de Chicoy était en place.
On allait savoir quelle marchandise allait arriver, à quelle date et surtout par quel moyen elle allait repartir vers l’Europe. Nos petits français avaient repris leurs activités légales et le moral était au beau fixe. Ils ne voyaient plus les 2 agents secrets et personne ne s’en plaignait, surtout pas Margot qui avait mal digéré leur ironie à la suite de son cambriolage réussi. Cela faisait maintenant 2 ans qu’ils avaient rejoint l’Uruguay et ils ne regrettaient pas leur choix. Enfin, pour l’instant.
Chapitre 12- L’épreuve ultime
Pour oublier les aventures récentes qui les avaient un peu stressés nos 2 couples décidèrent d’acheter un bateau mixte, voile et moteur pour passer les week-ends en mer et ne penser que pêche et baignade. Avantage de cet achat : utiliser les fonds disponibles pouvant être récupérés si besoin est en revendant le bateau. La recherche du bon bateau d’occasion plus facile à payer en liquide qu’un neuf ne prit pas beaucoup de temps. Le choix finalement se porta sur un Soler 35 de chez Morozov quasiment neuf enregistré en république Dominicaine ce qui arrangeait bien les affaires de nos amis. Le « Pulsar » était un Soler 35 solide bateau en aluminium comportant 4 couchettes qu’Albert apprivoisa rapidement avec l’aide et les conseils du précédent propriétaire ravi de l’avoir échangé contre des dollars tout neufs. C’est un petit bateau de croisière, moderne facile à manœuvrer avec un moteur japonais Yanmar de 29 chevaux. Quelques week-ends sur mer et l’enthousiasme de néophytes aidant les Quatre devinrent assez expérimentés pour le manœuvrer sans problème sur mer calme. Ces sorties en mer firent du bien à tout le monde. La pression psychologique baissa de plusieurs crans et chaque couple retrouva son ancienne harmonie que les mois et les épreuves passées avaient passablement éprouvés. Gaspard était redevenu fidèle et Gabrielle lui en démontrait chaque jour sa satisfaction. Albert et Margot envisageaient de faire venir leurs enfants pour les intégrer dans leurs différentes activités légales mais un sourd pressentiment les empêchait d’aller au bout de leur dessin. Ils n’avaient pas tord car un soir les 2 agents de la DEA (Drog Enforcement Administration) qui se présentèrent enfin comme tels réapparurent ce qui pour le moins était un très mauvais signe.
- Bonjour les amis, vous nous reconnaissez ?
- ……
- Notre visite n’a pas l’air de vous faire plaisir ?
- Non, vraiment pas. Vous avez encore un petit service à nous demander ?
- Non, non, nous venons juste vous tenir au courant des résultats de votre travail. Si cela vous intéresse bien entendu.
- Pas plus que ça mais nous vous écoutons.
Seul Albert avait répondu. Les 3 autres restaient renfrognés sur leurs transats.
- Le prochain arrivage de drogue est pour bientôt. Dans 15 jours exactement. Le sieur Chicoy va bientôt mettre en place son équipe de protection habituelle. Tout se présente bien. Nous suivons ses faits et gestes comme si nous étions près de lui. Vous avez fait un excellent travail.
- C’est à vous de jouer maintenant. Il ne vous reste plus qu’à les arrêter avec la preuve de leur activité dans le dépôt.
- Si nous étions aux USA c’est bien entendu ce que nous ferions mais nous sommes en Uruguay et nous ne pouvons pas agir aussi librement. C’est une situation bien compliquée. Enfin, nous trouverons bien une solution. Mais parlons de choses plus plaisantes. Je suis allé sur les quais de la zone de plaisance du port l’autre jour et j’ai vu que vous aviez acquis un superbe petit voilier. N’est-ce pas Craig ?
- Tu as raison Alex, c’est un petit bijou. Voile, moteur silencieux, 4 couchettes + la possibilité d’accueillir 2 passagers supplémentaires…
- Pendant peu de temps Craig, tu sais que sur un bateau la promiscuité devient vite un problème. C’est ce genre de bateau qui m’a toujours fait rêver, pas toi ?
- Si mais ce n’est pas avec notre salaire qu’on pourrait s’offrir un tel bijou. Ainsi va la vie.
- Au cours de vos sorties de pèche vous n’auriez pas croisé un yacht qui s’appelle « Poséidonis » ? C’est un vieux yacht qui ne paie pas de mine avec un moteur diesel poussif. Il peut faire du combien au maximum ? 5 nœuds ? La moitié de la vitesse à laquelle le votre peu aller il me semble.
- Non, ça ne nous dit rien. C’est le bateau qui va repartir avec la drogue ?
- Exactement, vous avez vu juste.
- Et vos navires de guerre ou des douanes ne peuvent pas l’intercepter ?
- Hélas non, vous savez les lois internationales concernant les eaux territoriales, c’est d’un compliqué !!!
- Bon, nous vous avons compris, vous avez encore besoin de nous, c’est ça ?
- C’est ce que j’aime chez vous c’est la rapidité de vos réflex. Si nos chefs avaient vos qualités on ferait du bon boulot. A vrai dire et ça me coûte de le reconnaître mais le problème est que nous ne savons pas comment vous utiliser dans ce cas de figure. On est venu à la fois vous demander conseil pour nous aider à arrêter ces trafiquants et agir en conséquence.
- Non ! ne nous dites pas que vous ne savez pas quoi faire ?
- Ailleurs et dans d’autres circonstances nous saurions quoi faire mais là, trop de contraintes légales pour agir efficacement.
Albert se tourne alors ver Margot, Gabrielle et Gaspard et c’est Gabrielle qui répond :
- Quand je vous disais qu’on était les meilleurs ? On me croit maintenant ? Si vous me demandez mon avis et je sais que vous l’attendez avec impatience, je vous le donne. ON va les aider mais avec un papier signé des Directeurs de la DEA et du FBI disant qu’après ce coup-là on fera une croix sur notre passé et qu’on nous oubliera définitivement.
Gaspard :
- Là tu rêves ma chérie. Premièrement nous ne sommes pas surs de pouvoir les aider et deuxièmement ta garantie ne vaut rien si tu n’as pas les mêmes armes qu’eux. Soit tu les tiens par les couilles et nous avons une chance de nous en sortir le cul propre soit tu n’as aucun moyen de pression et on nous reposera un autre problème à résoudre jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Albert :
- Gaspard a raison. Maintenant nous allons tenir conseil entre nous et donner une réponse à ces messieurs dans la semaine. Messieurs, si vous voulez bien nous laisser ?
Alex et Craig se retirèrent finalement pas mécontents de la situation. Il n’en était pas de même pour les Quatre. Aussitôt la porte fermée ce fut une suite d’apostrophes pas toujours amicales. C’est Gaspard qui mit fin à la chamaillerie :
- Je résume la situation : Les 2 américains ont besoin de nous. Il faut trouver un moyen de les aider et en même temps il faut se débarrasser de leur emprise sur nous. Quand je dis qu’ils ont besoin de nous je tiens à préciser que c’est en fait un moyen diplomatique de nous forcer à travailler pour eux. Ils pourraient faire ce qu’ils attendent de nous mais ça leur coûtera moins cher si c’est nous qui le faisons. Comme ils sont à peu près surs que nous ne trouverons aucun moyen de rétorsion ils sont partis sans soucis. Etes-vous d’accord sur cette analyse ?
Bien entendu les 3 autres furent d’accord et en final le seul vrai problème était de se débarrasser de la corde de pendu qu’ils avaient autour du cou. C’est Margot qui trouva la réponse.
- J’ai reçu plusieurs fois dans mon magasin un monsieur que je soupçonne d’être l’ambassadeur des Etats Unis en Uruguay. Il venait à chaque fois acheter des sous-vêtements coquins et je soupçonne que ce n’était pas pour son épouse. Je propose de fouiller dans cette direction. Si mon intuition est confirmée nous avons les moyens de faire pression non ?
Albert :
- Génial, Margot. Je vais aller causer avec le conseiller d’ambassade que je connais et si ta supposition est vraie on doit pouvoir poser micros et caméras là ou il faut. Quand on aura résolu ce problème on pourra penser à l’autre. D’accord les amis ?
Cet accord fut obtenu sans difficulté. L’enquête concernant l’ambassadeur fut rapidement menée. Monsieur l’ambassadeur avait effectivement une maîtresse qu’il rencontrait souvent dans un hôtel à touriste de Bello Horizonte. Avec l’aide de Miguel il ne fut pas difficile d’équiper de caméras et de micros la chambre d’hôtel, qui était toujours la même grâce à la superstition habituelle des amoureux dans laquelle se retrouvaient les 2 tourtereaux. La moisson fut bonne et les cassettes enregistrées auraient pu passer sur des sites de vidéos porno en ligne. Les cassettes furent dupliquées et les originaux mis à l’abri dans un coffre de banque. Première étape réussie. Restait la seconde. Ce fut plus délicat.
Un conseil de guerre fortement alcoolisé permit de trouver la solution. Nous en reparlerons.
Chapitre 13- A l’assaut
Lorsque les deux barbouses revinrent aux nouvelles ils furent accueillis chaleureusement chez Albert et Margot ce qui n’était pas l’accueil habituel qui jusque là avait toujours été assez rébarbatif. Alex et Graig se regardèrent en haussant le sourcil. Cette bonne humeur cachait quelque chose mais quoi ?
Gaspard :
- Bonjour Craig et Alex, ça fait plaisir de vous voir. Je vous trouve un peu pâlots. Vos chefs ne vous laissent pas le temps d’aller faire de la bronzette sur la plage ? Allez, détendez-vous, asseyez vous je vais vous servir un verre. Albert, Gabrielle et Margot, venez voir nos amis américains sont là !!
Margot :
- Bonjour Craig et Alex, vous allez bien ? Je suis sure que vous venez nous apporter de bonnes nouvelles.
Alex :
- Exactement. La drogue arrive lundi prochain et repart mardi matin. Vous avez un plan ?
Albert :
- On parlera travail tout à l’heure, buvons un coup d’abord.
Gabrielle :
- Comment trouvez-vous mon maillot de bain Alex ? Pas trop sexy pour un américain ?
- Il vous va à ravir Gabrielle. Je suis jaloux de Gaspard.
- La prochaine fois apportez un maillot, vous pourrez vous baigner. Vous ne savez peut-être pas nager ?
- Ne vous moquez pas de moi et dites-moi plutôt ce qui vous rend si joyeux tous les 4.
Les Quatre ne répondirent pas tout de suite. Ils visitèrent d’abord la maison des Fugace, la piscine, le jardin potager que Margot avait décidé de cultiver, La salle de billard en sous-sol. Albert sentant les américains à bout de patience finit par leur dire :
- Nous avons en réfléchissant un peu trouvé une solution à votre problème. Il vous suffira de nous prévenir mardi de l’heure du départ du Poséidonis. Vous devriez pouvoir faire ça ? Nous serons sur notre voilier, à la pêche. Voilà, c’est tout.
- Et qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez arraisonner le Poséidonis comme au temps des flibustiers ? Vous n’êtes pas sérieux ?
- Il me semble Alex que nous avons toujours fait preuve de sérieux dans ce que nous avons entrepris et réussi non ?
- D’accord mais là vous vous attaquez à un gros morceau. Les marins du Poséidonis sont surement armés, vous n’êtes que 4 dont 2 femmes…
Gabrielle :
- Dites donc les rigolos, vous ne seriez pas en train de nous sous-estimer nous les nanas ? Nous avons fait nos preuves non ?
Alex :
- Ok, nous vous laissons faire mais j’ai bien peur que votre projet soit un échec qui va repousser la conclusion de notre affaire à la livraison suivante.
Gaspard :
- Je vous trouve bien pessimiste. On dirait que vous n’avez pas confiance en nous alors que nous venons de vos assurer que nous avons un plan pour résoudre votre problème.
Alex :
- Comment vous faire confiance alors que vous ne nous avez rien expliqué ? Vous vous comportez en petits amateurs prétentieux.
Gaspard :
- Nous ne vous disons rien tout simplement parce que nous avons peur que vous fassiez tout rater avec vos gros sabots. A ce propos, pas d’hélicoptère dans les parages s’il vous plait. Si nous voyons un hélicoptère nous rentrons aussitôt au port et vous vous débrouillez avec le Poséidonis. D’accord ?
Alex :
- Ok, pas d’hélico. Et quel rôle avez-vous prévu pour nous ?
- C’est tout simple : quand vous recevrez notre appel téléphonique vous préviendrez les autorités que vous avez reçu un appel de détresse sur votre radio officielle. Cet appel sera censé provenir du Poséidonis. Les autorités compétentes enverront une vedette de la marine et découvriront la cargaison de drogue cachée dans un chargement sans danger. Vous n’intervenez que sur notre appel, pas avant. Pour ce qui est du patron du trafic Chicoy, vous saurez vous débrouiller sans nous je suppose ?
Alex :
- C’est d’accord, bonne chance à vous et à bientôt.
Le Quatre :
- Salut !!!!!!
La corvée avec les américains étant passée les Quatre reprirent dans le détail l’organisation de leur entreprise. Le mardi fatidique les Quatre prirent la mer avant le lever du jour afin d’être assez loin des côtes et des surveillances possibles. Le Poséidonis prit la mer vers 8 heures, le chargement ayant pris plus de temps que prévu. La route du Poséidonis était facile à deviner : pas question d’aller vers le sud et le Cap Horn. Il ne pouvait qu’aller vers le nord en longeant les côtes pour rejoindre Rio Grande do Norte avant de piquer vers l’Afrique puis l’Europe. Le Pulsar s’était positionné bien avant l’arrivée du Poséidonis. Quand les Quatre le virent approcher les 2 femmes laissèrent tomber le maillot et nues comme Ève s’adonnèrent au bain de soleil. Pendant ce temps là Albert surveillait au radar la route du Poséidonis et Gaspard dirigeait le bateau au gouvernail mais accroupi pour ne pas être visible. L’objectif était de croiser le Poséidonis d’assez près pour que les marins soient tentés de voir de près les deux naïades. Le calcul était parfait. A l’approche du Poséidonis Albert et Gaspard se cachèrent dans la cabine en espérant que le Pulsar était dans la bonne direction et à la bonne vitesse. Ils comptaient aussi sur une manœuvre du Poséidonis. Les filles étaient appétissantes et manifestement pas farouches. Le Poséidonis, n’ayant aucune raison de se méfier mit en panne et le Pulsar vint tout seul bord à bord. Tout l’équipage composé de seulement 4 hommes était penché sur le bastingage pour jouir du spectacle. Sur un coup de sifflet d’Albert les 2 femmes se couchèrent sur le pont, Gaspard et Albert apparurent armés des Kalachnikovs récupérées lors de la précédente expédition. Ils lâchèrent une rafale au-dessus de la tête des 4 marins.et les mirent en joue.
- Un seul geste et vous êtes morts, compris ?
Margot et Gabrielle, toujours nues passèrent une drisse autour du bastingage et montèrent sur le pont. Avec les liens plastiques habituels ramassés sur le pont où ils avaient été posés auparavant elle lièrent dans le dos les mains des 4 marins muets d’étonnement et de peur. Par précaution un deuxième lien les fixa au bastingage. Albert et Gaspard montèrent sur le yacht à leur tour. Après vérification qu’aucun autre marin ne se trouvait à bord la radio de bord fut coupée et le moteur du Poséidonis arrêté. Pendant que Gaspard surveillait l’équipage Albert retourna sur le Pulsar chercher une bouteille d’eau et des gobelets. Les marins le regardèrent étonnés, se demandant ce qu’il allait leur arriver. C’est tout simple leur expliqua Albert.
- Vous buvez le contenu du gobelet qui ne contient que de l’eau et un puissant somnifère ou c’est à coup de crosse que je vous endors. Ok ?
Les marins choisirent le gobelet sans hésiter. 10 minutes après ils s’endormaient et il fallu les détacher rapidement avant qu’ils tombent endormis pour éviter qu’ils se brisent un bras.
Le bateau se débrouilla alors tout seul sur une mer calme il est vrai.
Les Quatre repartirent vers Montevideo soulagés que l’opération se soit bien passée. En buvant un solide verre d’alcool pour se déstresser ils discutèrent de la pression qu’exerçait sur eux les agents de la DEA et qui devrait bientôt disparaitre. Ils espéraient ardemment que ce coup là soit le dernier car la chance ne leur sourirait pas indéfiniment. Après avoir parcouru quelques miles Albert passa le coup de téléphone qu’attendaient les américains.
Bien entendu l’affaire fit les gros titres dans les journaux du lendemain. Le mystère du bateau dérivant avec 4 marins endormis à bord parut louche à plus d’un journaliste qui accusèrent les américains d’avoir exécuté l’opération sans respect pour l’autorité et l’indépendance de l’Uruguay. Personne ne put expliquer comment les marins avaient été endormis. Lors de l’interrogatoire leurs explications semblèrent tellement farfelues que personne ne les crut. Faute d’éléments probants on les accusa d’avoir trop bu. Bien entendu la petite cale du bateau contenait bien 1 tonne de cocaïne et Chicoy fut arrêté ainsi que les membres de son équipe dont certains ignoraient tout du trafic. Le gouvernement se félicita de l’élimination du trafiquant sans s’étendre sur les moyens utilisés.
Quelques jours passèrent sans que les agents de la DEA se signalent. Albert décida de provoquer la réunion dont les Quatre attendaient beaucoup. Il appela Alex en lui proposant de venir partager un barbecue à la maison avec son collègue pour fêter la réussite de l’opération. Alex accepta malgré la méfiance que commençait à lui inspirer la bande des Quatre.
Albert et Gaspard avaient préparé un barbecue géant avec de la viande de bœuf argentin succulente.
Sangria en apéritif, côtes de bœuf grillées à point et salade du jardin. En dessert une délicieuse glace au chocolat (sans poison précisa Margot). Après le café et une petite sieste à l’ombre des eucalyptus ce fut une bataille de water-polo dans la piscine. Un bonheur total pour les américains qui ne se méfiaient plus de rien. Après que tout le monde se soit séché et rhabillé Gaspard proposa de visionner la cassette d’enregistrement de leur exploit maritime. Là encore aucune raison de se méfier. On rentra à l’ombre du salon et Gaspard mit la cassette dans le lecteur adéquat branché sur l’écran de télévision.
Dès les premières images Alex suggéra que Gaspard s’était trompé de cassette.
- Vous avez raison Alex mais cette cassette est également intéressante. Promis, on regardera l’autre après.
Ce sont donc les exploits sexuels de l’ambassadeur qui défilèrent sur l’écran.
Gaspard :
- Vous le reconnaissez ?
- Non, qui est-ce ?
- Ne me dites pas que vous ignorez l’identité de l’ambassadeur des États Unis ?
- ….
- Bel homme hein ? et bien monté pour un américain (remarque perfide de Gabrielle).
- Vous espérez quoi avec cette bande ?
- Tout simplement que vous allez dès maintenant oublier notre existence comme personnel supplétif gratuit. Dorénavant si vous avez besoin de nos services ce sera 10000 dollars pour une opération simple et 50000 dollars pour une opération risquée et c’est nous qui choisirons le tarif après vos explications. Je tiens à vous préciser que l’original de cette bande est dans un coffre loin d’ici. Par contre vous pouvez prendre celle-ci pour égayer vos soirées et celles de vos chefs. Nous avons été ravis de faire votre connaissance, vous nous avez beaucoup appris.
Alex et Craig repartirent avec la cassette en se disant que ces français étaient plus dangereux que les scorpions du Nevada.
Chapitre 14-prise d’otage
Nous avons laissé nos 2 couples fatigués après l’aventure du Poséidonis. Albert s’est replongé dans la gestion des magasins et de la société Epeire View SA. Le matériel de surveillance des entrepôts de Chicoy le trafiquant avaient été récupéré. Il pourrait servir un jour. Gaspard a retrouvé son fax et ses téléphones pour gérer ses achats avec l’Europe. Margot et Gabrielle, sans aucune honte passaient leur temps en balades maritimes sur le Pulsar dont elles étaient tombées amoureuses. On peut à leur sujet se permettre de faire la comparaison avec 2 plantes à fleur ayant végété dans un pot sans bonne terre et sans arrosage jusqu’au jour ou une main verte se décide à les dorloter : elles se sont épanouies et ont donné des fleurs et des fruits superbes. Et bien Margot et Gabrielle avaient trouvé le terrain d’action ou elles commençaient à s’épanouir. Les remarques des maris restaient sans effet. Bien évidemment elles allaient de temps en temps faire le tour des magasins et montrer qu’elles étaient toujours les patronnes. Miguel Perez ayant fait une croix sur son passé s’éclatait dans ses nouvelles fonctions et la société gagnait des parts de marché sur la concurrence. Son frère Ernesto était retourné chercher de l’or à la limite de la frontière avec le Brésil avec l’espoir de pouvoir un jour payer sa dette.
La saison des émotions fortes semblait pourtant résolue. Mais dans la vie rien n’est jamais acquis comme dit le poète. Un lundi soir Albert et Gaspard prenaient l’apéritif en attendant Margot et Gabrielle parties en mer comme d’habitude. Le barbecue était prêt : la viande marinait dans l’huile d’olive et les épices au réfrigérateur et les salades se rafraichissaient dans de l’eau vinaigrée pour tuer les menus insectes que l’on trouve dans les salades de jardin. Le téléphone d’Albert sonna. En maugréant il décrocha (façon de parler car vous avez dû remarquer qu’avec les téléphones mobiles d’aujourd’hui, on ne décroche plus, on caresse dans le bon sens de petites images d’un écran).
- Allo Margot ?
Une vois masculine lui répondit :
- Ce n’est pas madame Fugace qui vous parle c’est le frère d’Antonio Chicoy. Ecoutez bien mon message. Nous avons pris vos femmes en otage. Pour l’instant elles se portent bien et si vous voulez que cela dure rassemblez 500.000 dollars. Nous vous rappellerons pour vous fixer le rendez-vous pour la remise de la rançon…. Bip, bip..
Albert rapporta le message à Gaspard et tous 2 s’assirent et restèrent un bon moment sans dire un mot. Gaspard prit la parole en premier.
- C’est le frère d’Antonio Chicoy qui nous a appelés. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Normalement ils auraient du nous abattre tous les 4 directement. Pourquoi ce kidnapping, c’est compliqué, dangereux.
- Je crois qu’ils veulent d’abord récupérer l’argent qu’on leur a fait perdre. Et ensuite ils nous élimineront.
- Tu as raison. Je propose pour l’instant d’aller au port pou voir si le bateau est toujours là. Nous échangerons nos idées en route.
- Et le barbecue ?
- Tu ne perds pas le nord dis donc ? On le laisse mourir et on verra en revenant si nous avons encore de l’appétit.
Albert et Gaspard partirent sans hâte excessive vers le port. Le Pulsar était à sa place et à bord rien n’avait été bouleversé. Les 2 femmes avaient dû être kidnappées au moment de monter dans le Toyota qui leur servait à chaque fois qu’elles allaient en mer. La Toyota était là aussi, vide bien entendu. Ils retournèrent chez Albert, Gaspard conduisant le Toyota.
Au retour chez Albert les deux hommes n’avaient toujours pas de plan pour agir. Le barbecue n’était plus d’actualité. Ils grignotèrent un morceau de pain avec du fromage et un fruit. La somme assez faible demandée en comparaison de la fortune réelle des 2 couples prouvait que les ravisseurs n’en connaissaient pas le montant. Ils devaient se baser sur les affaires commerciales connues et sur cette base de calcul la somme était très importante. Peu à peu une ligne directrice apparaissait : payer, bien entendu, faire en sorte que la vie de Margot et de Gabrielle ne soit pas mise en danger et organiser une riposte pour bloquer toute tentative visant à les éliminer. Il fut donc convenu de demander un délai aux ravisseurs afin de pouvoir réunir les fonds mais en réalité pour avoir le temps de préparer une contre-attaque. Albert appela Miguel et lui demanda de venir dès le lendemain matin à son domicile. Gaspard resta à coucher dans la chambre d’ami des Fugace. Les 2 hommes eurent une nuit agitée et assez courte.
Le mardi matin Albert et Gaspard expliquèrent la situation à Miguel. Celui-ci promit son aide totale car Il avait pour Gabrielle une énorme admiration et beaucoup de reconnaissance. Le plan fut longuement discuté, revu, corrigé pour en arriver à la solution retenue.
Les ravisseurs appelèrent vers midi :
- Vous reconnaissez ma voix ?
- Oui
- Vous avez l’argent ?
- C’est en bonne voie mais nous n’aurons la totalité que jeudi matin au plus tôt. Il nous faut faire des emprunts, négocier des titres. Je vous demande un peu de patience c’est tout.
- Trop tard, vous allez surement prévenir la police et nous n’y tenons pas.
- Nous n’avons pas prévenu la police et nous ne le ferons pas. Nous avons nos propres raisons pour ne pas voir la police mettre son nez dans nos affaires. Ce sera donc jeudi dans l’après-midi et en dehors de Montevideo. Mais avant je veux parler à mon épouse et à Gabrielle, la femme de mon copain.
- OK
- Margot tu vas bien ?
- Oui, nous sommes bien traitées mais nous devons vivre avec des menottes toute la journée.
- Gabrielle ?
- Bonjour Albert. Tu peux me passer Gaspard ?
- Bonjour ma chérie, tu vas bien ?
- Ca pourrait aller mieux mais on tient le coup.
Le frère de Chicoy reprit le téléphone.
- Je vous rappelle pour vous dire où et quand.
Albert à Gaspard et Miguel :
- Ils ont bien compris qu’on ne dispose pas d’une telle somme en liquide à la maison. Ils vont marcher pour jeudi j’en suis convaincu. Miguel, peut-on demander à Ronaldo son aide ?
- Bien entendu, il sera ravi de vous aider.
- Voilà ce que nous allons peut-être pouvoir faire si leurs conditions sont acceptables. Toi et ton frère vous allez vous positionner à quelques distances de l’endroit ou l’échange aura lieu. Après l’échange Gaspard et moi, ferons demi-tour avec Margot et Gabrielle et vous deux, en changeant souvent de position vous allez suivre les ravisseurs pour découvrir leur planque. Il vous suffira de noter l’endroit et de nous avertir. Par sécurité tout au long du parcours vous nous direz par téléphone la route que vous prendrez. Nous noterons vos informations sur la carte au fur et à mesure. Surtout ne vous arrêtez pas devant leur planque ni aux environs. Vous rentrez directement chez toi Miguel en attendant la suite.
Pour l’instant nous allons faire le tour des banques pour réunir la somme demandée. Ce discours tenu à l’intention de Miguel qui n’avait pas besoin de savoir que le coffre sous forme de cartons de déménagement était là et suffisamment garni pour répondre à la demande.
Miguel retourna à son bureau et Albert et Gaspard firent semblant d’aller en ville à leurs banques habituelles. La première partie du plan était dessinée.
Jeudi vers 12 heures le frère de Chicoy rappela. Après s’être assuré que l’argent était prêt il proposa un échange le lendemain vendredi à 14 heures Avenue de Las Instrucciones pas loin du carrefour de Barrio Artigas qui lui permettait de repartir sans laisser voir dans quelle direction. Il exigea d’Albert d’être présent à l’endroit convenu une heure avant le moment prévu pour l’échange. Cette exigence permettant aux ravisseurs de le surveiller ne facilitait pas l’organisation du pistage.
Nouveau conseil chez Albert pour préparer la rencontre. Il fut convenu de prendre le Defender ou Gaspard pourrait plus facilement se dissimuler et communiquer avec les adjoints par téléphone. La présence des Miguel et Ronaldo ne suffisait pas pour assurer le repérage de la voiture des ravisseurs. Miguel proposa 2 de ses salariés et anciens complices dont il garantit la discrétion. Proposition acceptée. Il fallut acheter en catastrophe 2 téléphones 4G et louer 2 voitures ordinaires. Les dollars furent comptés et rangés dans une grande valise de voyage.
Gaspard téléphona à Alex Parker l’agent secret.
- Bonjour Alex, vous allez bien ?
- Yes I am right
- Pouvez parler français ?
- Yes I do
- Vous êtes toujours présent en Uruguay ?
- Oui mais pas pour longtemps. La semaine prochaine nous devons aller travailler en Colombie.
- Dites-moi Alex j’aurai besoin d’un lance-roquette, de quelques munitions à un prix raisonnable et d’une lampe torche puissante comme celle utilisée par vos commandos, une Nitecore TM06 je crois. C’est possible ?
- Tout dépend de ce que vous allez en faire. Si c’est pour braquer une banque, ne comptez pas sur moi, mais si c’est pour une action humanitaire pourquoi pas ?
- Pour détruire un nid de vipères ça le fait ?
- Bien évidemment mais quel genre de vipère Gaspard ?
- Du genre trafiquant de drogue.
- Vous avez des problèmes avec ces gens-là Gaspard ?
- Nos problèmes sont en voie de solution mais nous voulons aller plus loin et faire un peu de nettoyage.
- Voilà un objectif qui me va bien. Pour quand voulez-vous ce lance-roquette et la lampe ?
- Disons samedi au plus tard, et vendredi si c’est possible.
- Vous avez de la chance Gaspard. Celui que nous avions prévu d’utiliser lors de notre dernière collaboration pour le Poséidonis n’ayant pas servi est disponible. Mais il coûte cher. 5000 dollars, ça vous va ?
- Tsss.. Alex, vous êtes trop gourmand. 2000 dollars dans la monnaie qui vous convient.
- Gaspard ce sera 3000 dollars pas un de moins.
- Ok pour 3000 pour le tout.
- C’est un vrai plaisir de travailler avec vous Gaspard. Je vous livre le lance-roquette et la lampe demain avec le mode d’emploi (rires).
Vendredi matin Albert et Gaspard calculèrent le temps nécessaire pour aller au lieu de rendez-vous. Google Maps indiquait 20 minutes. Ils décidèrent de partir à midi pour être sur place à 13 heures comme demandé. Miguel, Ernesto et les autres employés de Miguel furent prévenus par téléphone de se rendre autour du carrefour de Barrio Artigas.
A 14 heurs pile un gros SUV aux vitres teintées vint se garer à 20 mètres de Defender d’Albert. Albert descendit de son Land Rover la valise à la main.
Chapitre 15- problème réglé
Un homme et Margot descendirent du SUV, Margot, très pâle avait les mains libres. Le couple se dirigea vers Albert qui attendait entre les deux autos.
- Nous allons vérifier le contenu de la valise et si tout va bien l’autre femme descendra.
- Ok
Albert prit la main de Margot et le tint bien serrée en essayant de lui faire comprendre que tout allait bien se passer.
Quelques minutes après la remise de la rançon Gabrielle descendit du SUV et se dirigea vers Albert et Margot. La première partie de l’opération s’était bien passée. Margot, Gabrielle et Albert montèrent dans le Defender. Le SUV fit demi-tour et pris l’Avenue de las Instrucciones dans l’autre sens. 15 secondes après Miguel rapporta que le SUV au carrefour suivant prenait la voie Cno Arlos A Lopez Miguel dit qu’il prenait la chasse. Le SUV s’engagea ensuite sur l’Avenue Pedro de Mandoza pour rejoindre le carrefour Barrio Artigas. Au carrefour c’est Ernesto qui prit le relais. Rassurés les 4 repartirent vers La Paz. Gaspard se releva et après avoir embrassé Gabrielle reprit l’écoute de son téléphone pour suivre les informations reçues d’Ernest puis de Miguel qui l’avait doublé et remplacé.
Le retour se fit sur les seules paroles de Gaspard notant les indications reçues au téléphone.
De retour à la maison il n’y eu pas de grandes effusions. Il importait de définir très vite la suite à donner à ce kidnapping. Albert et Gaspard étaient d’accord. Sauf à entreprendre rapidement des représailles les maffieux allaient chercher dès les jours suivants à se venger de l’arrestation de Chicoy. Pour eux le kidnapping n’était qu’une étape. Il fallait agir vite et les prendre de court. Le dernier message des suiveurs du SUV indiquait que ce dernier était arrivé à destination pas très loin du champ d’action d’Ernesto et tout près de la frontière du Brésil dans la province Rivera. Gabriel demanda à Ernesto une description précise de la propriété ou s’étaient arrêtés les trafiquants. Ernesto fit mieux. Il dit qu’il pouvait se cacher pas très loin car la végétation était assez dense à cet endroit. Il dit qu’il voulait participer à l’assaut. Albert raconta aux 2 femmes ce qui s’était passé pendant leur absence et l’achat du lance-roquette. Malgré les protestations d’Albert et Gaspard les deux femmes insistèrent pour participer à l’opération.
Albert n’aimait pas improviser mais le temps comptait. A trop attendre la bande allait se disperser ou rentrer au Brésil tout proche et la récupération des 500.000 dollars serait impossible. Il fallait néanmoins définir un plan d’attaque minimum. Margot et Gabrielle firent à nouveau comprendre assez fermement qu’il n’était pas question de les écarter du projet. Outre le lance-roquette ils disposaient de 2 AK-47, 2 fusils de chasse à pompe, un Luger, un Glock que Margot avait fini par s’acheter. Avec les indications de Ronaldo un survol de la propriété avec Google Earth permit de définir l’approche du bâtiment. Le plan finalement retenu après une brève discussion fut le suivant : Garer les voitures à 500 m. de l’habitation. Suivre la lisière de la forêt et à 30 mètres de la maison Gaspard se mettra en position avec le lance-roquette. On donnera à Ronaldo stationné sur cette lisière une AK-47. Albert, Margot et Gabrielle contourneront l’habitation et chercheront une entrée sur l’arrière. Au signal par téléphone, Ronaldo commencera par éclairer la façade avec la super lampe militaire. Cela devrait faire sortir du monde et l’éclairage fourni permettre à Gaspard de détruire les véhicules stationnés avec le lance-roquette. Ronaldo devra compléter le travail avec la kalachnikov, les voitures en feu éclairant suffisamment la scène pour se passer de la lampe. Les 3 autres assaillants entreront par l’arrière pour éliminer ceux qui seront restés à l’intérieur et récupérer si possible l’argent. Tout Le monde est d’accord sur ce plan ? De toute façon il faudra certainement improviser.
Compte-tenu de la route à faire il faut partir immédiatement. Nous arriverons vers 22 heures.
La route avec le Défender se déroula sans incident. L’approche de la maison ne posa pas non plus de difficulté et Ronaldo se trouvait bien à l’endroit indiqué. Il fut ravi de prendre la kalachnikov et la lampe torche.
Premier souci, l’éclairage de la façade ne provoqua rien du tout. Il y avait pourtant du monde à l’intérieur. Les fenêtres étaient brillamment éclairées et de la musique brésilienne se faisait entendre. Sans se concerter avec Gaspard Ronaldo lâcha une rafale et là du monde sortit et Gaspard tira sa première roquette qui rata sa cible. La deuxième fut mieux ajustée et un véhicule prit feu. Ronaldo repris sa mitraillette et fit 2 victimes. Les autres rentrèrent dans l’habitation pour être brutalement confrontés aux armes d’Albert Margot et Gabrielle. Le cafouillage provoqué par Ronaldo avait permis à certains trafiquants de s’armer et si certains n’eurent pas le temps de se sortir leur arme trois furent assez rapide pour tirer mais aussi trop maladroits pour ajuster leur tir. Albert reçu une balle dans la cuisse gauche avant d’abattre son assaillant. Gabrielle ayant glissé sur le dallage se contenta d’un coup de crosse sur le crâne, l’arme de son interlocuteur s’étant enrayée. Margot, elle, ne rata personne et finit le nettoyage avec précision et efficacité. Le silence rétabli fit comprendre à Gaspard que le conflit était terminé. Avec Ronaldo il enjamba quelques cadavres pour rejoindre les 3 autres. Albert saignait peu. Manifestement la balle n’avait fait que traverser un muscle. Néanmoins la première urgence était de comprimer la plaie pour éviter hémorragie toujours possible. Margot s’y employa avec dextérité. C’est Gabrielle revenue de son évanouissement qui trouva la valise qui manifestement avait été soulagée d’une partie de son contenu. Après avoir vérifié qu’il ne restait aucun survivant Ronaldo avec l’aide de Margot mit le feu à la bâtisse après avoir rentré les cadavres tombés à l’extérieur dans la maison. Gaspard partit en courant chercher le Land Rover. L’assaut avait permis d’éliminer 6 trafiquants dont le frère de Chicoy. Au retour ils s’arrêtèrent chez le chaman qui avait soigné Gabrielle lors de la première aventure. Après avoir examiné la blessure il conseilla à nos amis d’aller dans un hôpital seul endroit ou l’extraction de la balle était possible. Les Quatre rentrèrent d’abord à la maison. Pendant le trajet les deux femmes ne purent stopper leurs larmes, le stress de l’assaut venait de se liquéfier. Gabrielle exprima tout haut ce que les 3 autres ressentaient :
- Nous sommes devenus des truands comme nos ravisseurs, c’est ignoble. Nous ne respectons plus les règles que de droit que nous avons apprises. Nous sommes devenus des tueurs, des hors-la-loi.
Gaspard :
- Tu as raison mais nous avons seulement appliqué la règle qui guide les actes de l’humain depuis des millénaires et qui est au-dessus des lois étatiques: se défendre pour survivre. Nécessité fait loi. Si nous n’avions rien fait, demain ou dans une semaine nous aurions été également mitraillés ou grillés dans notre voiture. C’était eux ou nous. Manifestement cette explication n’avait pas convaincu Gabrielle qui se réfugia dans un silence boudeur. Margot n’a rien dit.
Albert appela Alex qui manifestement dormait encore. Il lui raconta brièvement l’issue de l’assaut et lui demanda conseil pour soigner la blessure d’Albert. Alex lui demanda de lui laisser le temps de trouver une solution. Il rappela une heure plus tard en proposant d’amener Albert à l’ambassade américaine ou une cellule médicale d’urgence était installée. Gaspard retrouva Alex devant l’ambassade et Albert fut rapidement pris en main par le chirurgien de l’hôpital réquisitionné. Gaspard raconta alors le détail de l’opération. Alex l’écoutait en se demandant comment il pourrait utiliser cette équipe de français complètement cinglés. Il ignorait les problèmes de conscience exprimés par Gabrielle et l’extrême soif d’indépendance des Quatre. Il n’était pas prêt de les manipuler ces quatre-là.
Alex fut convoqué par sa hiérarchie pour s’expliquer. On ne lui avait donné aucun ordre pour éliminer les trafiquants de drogue. Le plan n’était pas prêt. Pourquoi avait-il lancé les français sur cette affaire. Il se défendit en assurant qu’il n’avait rien demandé aux français et il lui fallut expliquer le kidnapping et l’assaut organisé par les Quatre de manière tout à fait indépendante. Il se garda bien d’expliquer la vente d’un lance-roquette et de la lampe torche. Comme partout dans le monde où les armes US intervenaient les disparitions d’armes étaient courantes sinon organisées. En Afghanistan c’est par milliers que les armes avaient disparu et pas que des mitrailleuses, des chars lourds également. Ses chefs ne crurent pas un mot de son explication en partant du principe que seule l’armée américaine ou les services secrets étaient capables d’organiser et réussir un tel assaut. Il y avait donc eu des prises d’initiatives insupportables et une enquête allait être diligentée pour trouver les coupables. Alex commença à regretter son aide apportée aux français et vint les voir pour expliquer l’acharnement de sa hiérarchie et se faire consoler par ces français devenus de gré ou de force des amis.
Albert étant au lit avec de la fièvre, Gaspard Margot et Gabrielle le reçurent assez froidement mais au fil de la discussion l’ambiance se réchauffa un peu. Albert expliqua les critiques de sa hiérarchie.
Gaspard :
Elle ne manque pas d’audace ta hiérarchie ! On vous débarrasse de 6 trafiquants de drogue et tes chefs font la fine bouche ! J’espère que tu as gardé pour toi les 3000 dollars ?
Alex :
- J’avais prévu de les donner au comptable mais je crois que je vais les garder. J’ai l’idée qu’il les aurait gardés aussi. Une question me vient à l’esprit et vous n’êtes pas obligés de me répondre. Si je suis viré des services secrets accepteriez-vous de me prendre dans votre équipe ?
Albert qui était sorti de son lit pour se joindre à la conversation prit la parole.
- Vous devez savoir Alex que nous ne sommes que des commerçants et que nos activités guerrières nous ont été dictées par les circonstances et un certain chantage. Je ne vois pas pour l’instant quel rôle vous pourriez jouer à nos côtés au quotidien. Ne prenez pas ma réponse comme si nous avions oublié l’aide que vous nous avez apportée. Nous vous en sommes reconnaissants mais il est trop tôt pour vous répondre. Si les circonstances l’exigeaient nous vous intégrerions dans notre équipe avec plaisir.
Ces circonstances n’allaient pas tarder à apparaitre.
Chapitre 16- on construit une forteresse
Le lendemain de la visite d’Alex Les Quatre se réunirent pour faire le point. Albert souffrait toujours de sa blessure et la réunion se tint autour de son lit. Miguel et Ronaldo avaient téléphoné pour prendre des nouvelles d’Albert. De leur côté il n’y avait rien à signaler. Gaspard leur dit de garder les téléphones 4G ce qui leur fit très plaisir. Margot et Gabrielle avaient téléphoné aux magasins et promis leur visite pour le lendemain. La question principale de la discussion était : quel suite le réseau de trafiquants allait donner à la perte en hommes et monnaie qu’ils venaient de subir. Est-ce qu’ils avaient compris que leurs pertes étaient du fait de la bande des Quatre. Il y avait une chance pour que le réseau soit cloisonné et que les autres centres ignorent tout de nos quatre français mais rien n’était sûr. Nos héros auront toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. En outre la succession d’affaires en-dehors de la loi qu’ils avaient menées à bien commençait à les interroger. En peu de temps les deux couples de français moyens étaient devenus de redoutables guerriers et ils avaient du mal à intégrer ce changement. Le premier à poser le problème fut Gaspard.
- Nous venons de passer un certain nombre d’épreuves qui nous ont secoués. Ce n’est pas le moment de prendre des décisions qui seront forcément inadaptées pour l’avenir. Je vous propose de reprendre nos activités légales et de laisser passer quelques temps. Je vous rappelle qu’après l’affaire Arturo Zingla nous avons envisagé de compléter notre offre commerciale. C’était une plaisanterie, quoique…
Albert :
- Gaspard a raison. Prenons le temps de retrouver notre calme et nous pourrons seulement après analyser la situation et faire des projets.
Gabrielle :
- Et si on proposait des services de protection rapprochée ?
Les 3 autres :
- Gabrielle tu arrêtes !!! Elle est folle…
- Et !! c’est Albert le premier qui a lancé cette idée là après l’affaire Ronaldo.
Il n’empêche que la phrase de Gabrielle fera insidieusement son chemin. Les semaines passèrent à traiter les affaires légales. Comme les résultats financiers des 2 activités, commerce et alarme marchaient bien l’argent ne manquait pas. Les quatre décidèrent d’acheter une propriété leur permettant de vivre ensemble afin de prévenir les mauvais coups toujours possibles. Actuellement 2 maisons à surveiller ou protéger ne garantissaient pas une grande sécurité. A 4 dans un même lieu les gardes seraient plus faciles à organiser. Il fallait trouver une propriété qui idéalement se composerait de 2 maisons proches ou accolées ou un terrain pour faire construire la villa correspondant à leurs besoins. Cette recherche excita Albert qui s’y colla avec enthousiasme. Gabrielle émit le souhait que ce serait bien si la propriété choisie était proche de la mer avec un accès au bateau. Pas con ton idée répondit Albert. Margot insinua qu’un terrain assez grand permettrait de s’entrainer au tir. Heureusement Gaspard n’émit aucun souhait particulier mais posa la seule question qui compte :
- Nous faisons construire une villa ou une forteresse ? Parce que vu nos activités récentes il serait peut-être prudent d’envisager une construction de ce type non ?
- Et si ça ressemblait à une villa tout en étant une forteresse ?
- Moi je verrai bien un tunnel permettant d’aller à la mer et retrouver notre bateau…
- Et pourquoi pas une zone d’atterrissage pour un hélico ?
- C’est vrai, ça, j’aimerais bien avoir un hélico…
- Mouarf… on se croirait dans un film de James Bond…
- On a bien commencé non ?
- Ce n’est pas faux et l’avenir va surement nous le confirmer avec la chance que nous avons.
La discussion dériva encore un moment et en final on opta pour une villa double mais avec des ouvertures bien protégées. Le tunnel est reporté à plus tard.
Les premières recherches d’Albert ne le conduisirent Pas loin du club de golf Del Sorro et du chantier naval. Il y avait là une friche industrielle le long de l’avenue Dr Martin Ignaco Harretche qui aurait pu faire l’affaire. Albert n’eut aucun mal à trouver le propriétaire pour savoir si le lieu était à vendre. Malheureusement ces terrains faisaient partie du domaine militaire et n’étaient pas à vendre. Il reprit la route et chercha d’autres endroits. Beaucoup auraient pu convenir mais ils étaient loin du centre ville et loin de la mer et d’un quai ou loger le Pulsar. Gabrielle à chaque proposition d’Albert restait inébranlable : près de la mer ou rien.
Albert poussé dans ses retranchements finit par aller consulter le cadastre et il découvrit une parcelle n’appartement pas au domaine militaire. Cette parcelle était bordée sur 3 côtés par la mer, et un quai permettait d’ancrer le Pulsar était tout près. Le propriétaire avait conclu depuis longtemps que son terrain ne trouverait jamais d’acquéreur. Il fut étonné et ravi d’en trouver un, enfin. La marine Uruguayenne, consultée par précaution ne mit aucun obstacle au transfert de propriété et autorisa l’usage du quai convoité. L’affaire mit un certain temps avant de se conclure car le propriétaire était devenu gourmand. Albert, rompu aux négociations difficiles ou délicates finit par mettre en œuvre l’argument qui tue. Il se présenta un jour chez le propriétaire, un vieux bourgeois de Montevideo, en lui disant qu’il abandonnait l’achat car il avait trouvé mieux et moins cher ailleurs. La ruse était grossière mais le vendeur comprit alors que la dernière chance de vendre son terrain allait s’envoler. Il accepta la dernière proposition d’Albert et l’acte de vente fut signé quelques jours plus tard, sans champagne comme le veut la coutume qu’aurait dû offrir le vieux radin. Tant pis on boira le champagne à la maison se dirent les Quatre. Commença alors le long travail d’architecte que chacun voulait conduire à sa façon. C’est Gaspard qui prit les choses en main :
- Stop les amis !!! on n’arrivera à rien si chacun veut jouer à l’architecte. Je vous propose la démarche suivante : Chacun de nous met sur papier ses désidératas. J’en ferai la synthèse et je donnerai le cahier des charges à un architecte, un vrai, pour qu’il nous fasse une proposition. On discutera ensuite du plan qu’il nous proposera.
Gabrielle :
- Mais l’architecte ne va pas travailler gratuitement ?
- Et non ma cocotte mais au moins on aura une proposition qui tiendra la route.
La discussion dura un moment mais finalement la proposition de Gaspard fut acceptée et il fut désigné comme coordinateur en chef.
Bien évidemment la première proposition de l’architecte fut démolie en quelques phrases, en particulier par Gabrielle. Il fallut à Gaspard des nerfs d’acier pour contrer Gabrielle et lui faire admettre qu’on ne pouvait pas avoir l’équivalent du palais de Versailles au prix d’un HLM. Bon prince, l’architecte promit de revoir sa copie et Gabrielle mit de l’eau dans son vin comme on dit par chez nous.
Margot qui n’avait jusque-là émis aucune critique particulière fit remarquer que son champ de tir avait disparu du projet. Albert, avait consulté discrètement l’état-major de la marine pour avoir l’autorisation d’utiliser le terrain annexe comme stand de tir. Moyennant un bakchich confortable l’accord fut donné.
- Mais ma chérie, tu vas l’avoir ton terrain de tir ; là sur le plan, j’ai l’accord de la marine.
- Merci mon chéri, tu mérites un gros bisou et peut-être plus.
Une fois les plans acceptés on causa du financement. Timidement Gaspard proposa à l’architecte et aux entrepreneurs de les payer en liquide et en dollars. Il s’attendait à un refus vertueux. Sa proposition fut non seulement acceptée avec enthousiasme mais le prestige des Quatre s’en trouva fortement augmenté.
Le permis de construire fut obtenu dans un délai raisonnable avec l’aide habituelle du dollar et les travaux commencèrent à l’automne.
Sur un plan plus pratique et officiel Gabrielle reçut la visite de journalistes et d’hommes politiques curieux de son modèle social mis en place dans ses magasins : Modèle que nous rappelons : magasins ouverts tous les jours de la semaine de 14 heures à 20 heures. Le succès de la formule était immense et d’autres chaines de magasin avaient imité la pratique des magasins « Gaby & Margot ». Bien entendu il y avait des opposants à ce modèle d’organisation. Ce furent surtout les hommes qui émirent les critiques les plus virulentes. Les journalistes se firent un plaisir d’en faire l’écho. Les femmes ripostèrent en faisant le siège des maires et députés pour que cette formule soit inscrite dans la loi. Gabrielle avec sa fougue habituelle soutint le projet dans des articles de journaux de gauche pro-gouvernementaux.
Gaspard très pris par le projet de construction déléguait de plus en plus à Miguel qui se révélait un organisateur hors pair. Il avait en outre bien compris les négociations avec les exportateurs français et se passait sans problème de Gaspard. Comme Gabrielle, il avait un esprit inventif et curieux. En dehors de son travail de patron d’ « Epeire View SA » il passa des mois à chercher sur place, en Uruguay, au Brésil et en Argentine des fournisseurs de tissus avec l’ambition de fabriquer lui-même les vêtements proposés à la clientèle de « Gaby & Margot ». Il demanda un jour un rendez-vous aux Quatre pour leur exposer ses projets. Sur le coup les Quatre eurent peur d’une nouvelle embrouille mais furent vite rassurés. Le projet de Miguel était simple : monter une usine de confection et travailler avec des tissus locaux que la population appréciait beaucoup. Il exposa son projet avec plan marketing et plan de financement sérieux. Il demandait en outre d’être majoritaire à 51% dans le capital de la société à constituer. Les Quatre ne mirent pas longtemps à comprendre l’intérêt du projet et à donner carte blanche à Miguel et en acceptant ses conditions. Miguel demanda timidement si on acceptait que son frère Ernesto fasse partie du projet. Ernesto était fatigué de son travail d’orpailleur et souhaitait un travail plus sur et moins fatigant. Là aussi l’accord fut donné sans hésitation Ernesto ayant fait la preuve de ses qualités dans l’affaire des trafiquants.
Gabrielle profita de cette nouvelle entreprise pour ressortir son idée de holding. Elle se fit rabrouer sans ménagement et renvoyée vers ses magasins.
Le projet de construction retenu était le suivant :
Deux logements assemblés en Z : les deux branches constituaient les logements et la barre centrale les locaux communs : logement pour un future gardien, garage pour les voitures, atelier de bricolage et réserves diverses. Un logement avait vue sur l’avant du terrain et l’autre sur l’arrière. Seule la partie commune était partiellement pourvue de quelques baies vitrées. Les logements n’avaient que de petites fenêtres bien protégées par des grilles et des volets roulants métalliques. Entre la barre du Z et la mer une piscine, petite mais suffisante pour se donner l’impression d’être en vacance. Une cave avait été creusée sous la partie commune avec des accès des deux appartements. Sa taille et ses fonctions ne seront dévoilées que plus tard. Sur une idée d’Albert aucune clôture, aucun mur ne furent érigés. Un gazon faisait le tour des bâtiments. Par contre des détecteurs de mouvements étaient cachés sous des lampadaires miniatures qui parsemaient le gazon avec élégance et discrétion. Sous l’auvent du toit des caméras de surveillance (Epeire View SA bien entendu) permettaient de voir les environs. L’ensemble, vu de loin et sans a priori était agréable à regarder et laissait supposer que les habitants étaient des gens tranquilles n’ayant rien à craindre. La disposition en Z interpelait mais sans plus : c’était original. Bien entendu les marins de la base furent invités à la pendaison de la crémaillère. Ce fut un barbecue énorme avec suffisamment de boissons pour faire flotter un contre torpilleur.
Alex avait été invité. Il faisait presque pitié : licencié des services secrets sans prime il végétait avec des contrats de garde du corps pour les ambassades de Montevideo et quelques entreprises. C’est Margot qui souleva le problème Alex le lendemain.
- Il faut prendre Alex avec nous. Je ne sais pas encore à quel titre et pour quoi faire mais on ne peut pas le laisser crever comme ça.
- Crever, crever, n’exagérons rien. Il peut s’en sortir s’il sort de sa déprime dans laquelle il a l’air de se complaire.
- Je te trouve un peu dure Gabrielle. Il nous a aidés quand nous avons eu besoin et il possède des atouts importants : il est connu des ambassades, il est au fait d’un tas de techniques de pointes et si on veut lancer une activité de protection rapprochée dans « Epeire View SA » c’est l’homme qu’il nous faut.
- Ce n’est pas faux mais il nous a aidés contre 3000 dollars…
- C’est mesquin ta réflexion : ces 3000 dollars ont payé un lance-roquette qui pourra encore nous servir.
Bon, les filles, on arrête de chipoter. Je suis d’accord avec Margot, il faut intégrer Alex dans notre groupe. Je propose qu’officiellement ce soit notre jardinier, homme à tout faire. Je propose que nous offrions un salaire qui lui fasse oublier cette position officielle de jardinier. Dans la partie commune vous avez du noter que j’avais prévu un petit logement pour un futur gardien pendant nos absences. C’est Alex qui va l’occuper. Et pour bien lui faire comprendre que nous l’embauchons avec un projet valorisant nous allons lui demander de préparer cette nouvelle branche d’activité d’ « Epeire View SA ». Vous êtes d’accord ? Ok, ca marche.
Chapitre17 - contrat avec la CIA
Alex fut invité un soir pour discuter du projet de protection rapprochée.
- En forme Alex ?
- Bof… Ca pourrait aller mieux.
- On a une proposition à vous faire. Vous savez que nous parlons depuis un moment d’étendre les activités d’ « Epeire View SA» à la protection rapprochée des hommes politiques comme des patrons d’entreprise. Nous ne sommes pas assez experts dans ce domaine pour en vérifier la validité et pour nous organiser. Nous avons pensé à vous et nous vous proposons dans un premier temps de vous proposer un contrat de consultant pour étudier la faisabilité du projet.
- J’en suis ravi et je vous remercie de votre confiance. Il y a effectivement un marché pour ce travail. Avant d’aller plus avant quel est le budget que vous me proposez pour ce travail ?
- Nous vous proposons 20000 dollars et nous aimerions avoir vos conclusions dans 2 mois si cela vous semble raisonnable.
- Le statut de consultant et le budget proposé me conviennent parfaitement. Cette formule me permet de garder mon indépendance et j’y tiens beaucoup.
- Si le projet que vous allez construire se révèle réalisable et rentable nous passerons à une autre étape en vous embauchant pour diriger ce nouveau secteur d’activité. Qu’en pensez-vous ?
- Il faudra en reparler. Je tiens à mon indépendance mais je suppose que vous voulez garder la direction de l’affaire. Il faudra trouver un compromis qui nous satisfasse vous et moi. En attendant je me mets au travail dès demain. J’ai été surpris de votre nouvelle installation. Ce bâtiment est superbe. Félicitations.
- Vous voulez visiter ?
- Avec plaisir.
Et nos quatre amis firent visiter la propriété à Alex qui posa beaucoup de questions et qui termina la visite en concluant :
- Je suis impressionné : c’est à la fois un bel ensemble de villas accolées mais indépendantes mais aussi une belle forteresse bien équipée. J’ai vu qu’un petit appartement était prévu dans la partie commune, vous pensez à un gardien en particulier ?
- Non, on a juste imaginé qu’un poste de jardinier, gardien pourrait être une bonne couverture pour quelqu’un de qualifié dans d’autres domaines d’expertise.
- Je vois. Je vais retourner dans mon petit studio et commencer à travailler sur votre projet.
Pendant les semaines qui suivirent Miguel et son frère se démenèrent pour trouver les fournisseurs de tissus nécessaires. Ce n’était pas facile et souvent Albert dut intervenir pour les appuyer et rassurer les entrepreneurs sur la solidité financière du groupe. Le fait que Miguel soit Uruguayen était un argument important mais insuffisant. Les échos dans la presse sur les magasins « Gaby & Margot » eurent un effet positif et rapidement 2 sociétés de tissage donnèrent leur accord. Les activités légales du groupe prenaient une importance de plus en plus grande dans l’emploi du temps des Quatre. Même Gabrielle ne trouvait plus le temps d’aller naviguer sur le Pulsar. Gaspard avait repris son travail d’acheteur et quand Miguel eut réussi son installation d’usine de confection les rôles furent redistribués. Miguel et son frère furent désignés, avec leur accord comme les dirigeants de la nouvelle société : « Bellissima» . Gaspard et Albert reprirent complètement la direction d’ « Epeire View SA ».
Un samedi Alex appela pour proposer de venir discuter du projet. Le temps étant devenu un peu frisquet le barbecue habituel fut remplacé par un repas traditionnel à l’intérieur. A la fin du repas qui s’était passé à parler du temps et des nouveaux projets Alex prit la parole :
- Ce que vous envisagez de faire n’est pas simple et il n’y a que 2 solutions possibles. Solution 1, création d’un département officiel de « Epeire View SA ». Dans ce cas il faut une déclaration d’activité auprès du ministère de l’intérieur qui lance une enquête sur les dirigeants, les moyens financiers, et l’expérience acquise dans ce domaine. Les responsables que j’ai approchés m’ont fait comprendre qu’ils avaient bien compris le rôle que vous aviez joué aussi bien pour le Poséidonis que pour l’incendie de la ferme de Rivera. Comme ça les arrangeait, ils n’ont pas bougé. Je vous laisse conclure. Solution 2 : on ne déclare rien, on ne demande rien et on ne fait que des coups ponctuels basés sur la confiance et notre réputation discrètement reconnue. Dans ce cas de figure nous risquons d’être embauchés puis manipulés par des gens peu recommandables et de devoir le payer cher. En conclusion ce projet me parait peu fiable et comportant plus d’inconvénients que d’avantages. Désolé pour Gabrielle qui se voyait déjà en tenue de combat noire avec l’oreillette et le Glock dans le holster.
- Je connais que c’est ce dont je rêvais. Je nous voyais bien Margot et moi encadrer fièrement un ministre pendant un déplacement à risque. Pfui… encore un rêve d’ado qui s’évanouit.
- Mais j’ai peut-être autre chose à vous proposer…
- Je me disais aussi Alex que vous ne pouviez pas rester sans idée.
- J’ai contacté mes anciens chefs qui ont fini par comprendre le rôle que vous avez joué contre les trafiquants de drogue dans les 2 affaires ou vous êtes intervenus avec succès et admettre que je n’y étais pour rien dans le deuxième. Ils ont aussi compris tous les avantages qu’ils pourraient tirer de votre savoir-faire.
- Et alors ?
- Ils proposent de vous utiliser dans des cas ou les services officiels, DEA, CIA et FBI ne peuvent intervenir et en Amérique du Sud, foyer de tous les trafics de drogue, ce ne sont pas les occasions qui manquent. J’attends votre accord pour en discuter avec eux. J’ai autre chose à vous proposer, vous vous souvenez de mon collègue Craig Bailey ?
- Bien entendu, qu’est-ce qu’il devient ?
- Il a l’intention de quitter le service. Il a 40 ans comme moi et rêve d’une vie de famille avec enfants et jardinage.
- ????
- Je me disais…
- Attention, je sens Alex que vous allez nous faire une proposition tout à vos avantages à Craig et vous.
- Un peu mais pas seulement. Si les gens du ministère de l’intérieur ont bien compris votre rôle dans les affaires dont on vient de parler ils ne sont pas les seuls. Vous êtes surveillés, espionnés et pas mal de malfrats attendent la bonne occasion pour vous faire payer vos exploits. Vous êtes à la tête de plusieurs sociétés qui marchent bien, vous avez plein de projets et tout ce que vous touchez vaut de l’or. Ca commence à énerver… Par ailleurs votre dépôt de Epeire View SA est isolé et sans protection, l’usine de confection de Miguel va bientôt voir le jour et sera rapidement la proie des flammes si vous ne faites rien. Vous voyez ou je veux en venir ? Ma proposition est la suivante : Vous nous embauchez Craig et moi, nous assurons la protection de vos biens et quand la DEA aura besoin de nous le montant du contrat viendra compenser une partie de nos salaires. Avant de protester réfléchissez un peu. Vous admettez que vous êtes en danger sinon vous n’auriez pas fait construire cette forteresse déguisée en villa ?
- Vous avez raison Alex. Mais Craig et vous représenterez une charge financière importante.
- Moins importante que le coût d’un incendie d’une usine et d’un dépôt, sans compter la perte des vies humaines non ? Notre présence et notre travail vous apportent une sécurité indispensable, vous devez le reconnaître. Et les contrats avec la DEA vous permettront de diminuer la charge financière que nous allons vous faire supporter.
- Et si la DEA n’a jamais besoin de nous ?
- Alors là vous n’avez pas compris la guerre que les États-Unis mènent contre les trafiquants de drogue. Ils vont avoir besoin de nous je vous le garantis.
- Vos arguments sont convaincants. Pour prendre une décision nous avons besoin de connaître vos exigences financières. Je suppose que vous y avez réfléchi ?
- Craig et moi nous contenterons de 5000 dollars par mois plus une prime sur les contrats de la DEA.
- C’est clair, nous allons étudier votre proposition et vous donner une réponse sous 8 jours.
Le repas se termina dans une ambiance détendue ce qui prouva que la proposition d’Alex n’avait pas provoqué de tsunami dans la cervelle des Quatre.
La discussion entre les Quatre fut souvent houleuse au sujet des propositions d’Alex. Les investissements récents avaient fait fondre le bas de laine et si les résultats étaient bons il fallait maintenant faire attention aux frais. C’est Gabrielle qui posa la question qui fâche :
- Je veux bien payer pour assurer la protection de nos magasins, encore que je dois demander leur avis aux gérantes, mais est-ce que Miguel est prêt à faire de même pour son usine ? Et la protection du dépôt d’Epeire View SA qui la paie ?
Albert répondit :
- Effectivement nous ne pouvons pas ignorer les risques et se passer de protection pour des raisons d’économie revient à se boucher les yeux. Alors, votre décision ?
Gaspard :
- Je suis d’accord pour embaucher Alex dans un premier temps. Dans un an nous verrons plus clair et nous pourrons embaucher Craig.
Margot :
- La proposition de Gaspard me parait la bonne solution. Et j’aime bien les yeux bleus d’Alex…
Gabrielle :
D’accord aussi sur la proposition de Gaspard mais j’aimerais bien que la DEA nous propose un contrat. Je m’ennuie en ce moment.
Albert :
- C’est bon, j’appelle Alex
Chapitre 18- comment stopper un convoi de drogue
Le souhait de Gabrielle ne tarda pas à être exaucé.
Alex avait accepté et compris la proposition des Quatre et avait finalement accepté le rôle accessoire de jardinier de la propriété. Ca lui faisait une bonne économie de loyer et tondre la pelouse ne lui déplaisait pas. C’était même la découverte d’un travail qui permettait de décompresser entre 2 missions, de vivre enfin normalement et de savourer l’air du large tout près.
Un appel de son ancien chef disait simplement : un convoi de 5 tonnes de drogue à arrêter avant qu’il ne parvienne au port. Alex avait rappelé pour avoir plus de détails et avait commencé à réfléchir à un plan d’action. Quand les Quatre furent rentrés de leurs occupations quotidiennes, Alex les réunit et exposa le problème. La première question fut naturellement posée par Gabrielle :
- Encore une opération chantage, comme la dernière fois ? Et ca va nous rapporter cette affaire ou c’est gratuit ?
Alex :
- Dans un premier temps des blessures multiples et variées et si nous en sortons vivants, 50000 dollars. Ca vous va comme réponse Gabrielle ?
- Excusez-moi, je n’avais pas bien saisi la gravité de l’enjeu. Je suis à cran en ce moment : Les gérantes de mes magasins ne veulent pas des modèles conçus par Miguel et je rame. Il faut que je trouve un styliste rapidement pour dessiner des choses vendables, sinon c’est la cata. Redites-moi ce que nous avons à faire.
- Il faut arrêter un convoi qui roule de nuit, qui part de je ne sais où et qui va faire passer sa marchandise dans un bateau dont on ne connait pas encore le nom ni l’endroit où il est ancré. Je vais essayer d’en savoir plus.
- J’espère bien parce que arrêter un convoi dont on ne sait pas d’où il part ni où il va ni à quelle date ca frise le travail de médium ou de superman.
Quelques jours plus tard Alex avait rassemblé presque toutes les informations nécessaires. Le départ était prévu pour le 15 novembre et devait passer par Tacuarembó et devait retrouver le bateau au port de Puerto Juan Lacaze. Le délai était suffisant pour avoir le temps de se préparer mais il manquait encore beaucoup d’informations : nombre de véhicules, les 5 tonnes étaient-elles réparties dans plusieurs véhicules ou transportées dans un seul camion. Y avait-il une escorte, de combien d’hommes etc… L’affaire semblait mal engagée et très risquée.
- Je comprends pourquoi la DEA nous refile le bébé. Il faut en savoir plus sinon nous allons droit dans le mur. L’idéal serait de connaître leur point de départ initial qui doit se situer en Colombie. On pourrait alors observer discrètement la composition de ce fameux convoi et ainsi pouvoir préparer un plan. Alex, pouvez-vous par vos anciens collègues en savoir un peu plus.
- J’ai appris ce matin que Craig était sur le coup en Colombie. Je vais le contacter.
- Curieux non que Craig soit sur cette nouvelle affaire ?
- Je vous ai bien dit il y a quelques mois que nous étions mutés en Colombie. Il n’y a donc rien d’anormal que Craig soit notre contact sur place.
- Mouais.. Vous nous prévenez dès que vous en savez plus.
Gaspard ruminait depuis un moment sans rien dire.
- Je ne comprends pas la technique employée par les trafiquants. Si le camion est intercepté ce sont 5 tonnes de drogue qui sont retirées du marché. Ils pourraient transporter leur chargement dans plusieurs petits véhicules anonymes et sans escorte pour être moins visibles et pour diminuer les pertes éventuelles.
- C’est vrai et faux : pour travailler comme vous dites il faut trouver 5 ou 10 équipes fiables et chez les trafiquants la fiabilité c’est assez rare. Il faut autant de véhicules qui doivent arriver presque en même temps car le bateau doit être chargé rapidement avant de prendre la mer. Plus l’opération s’étire dans le temps, plus les risques sont élevés. Un seul camion comme on en voit beaucoup sur les routes est à priori insoupçonnable. Deux véhicules d’escorte sont suffisants si les hommes sont entraînés et bien armés. Je crois qu’au contraire leur méthode est la bonne. Attendons de nouvelles de Craig.
Craig finit par trouver l’informateur qui avait donné les premières informations. Il confirma les soupçons de Gaspard. C’est bien un petit camion qui transportera la drogue. Il n’empêche que Gaspard et Albert se posaient de plus en plus de questions sur cette affaire qui sentait mauvais. L’Argentine, le Brésil, l’Uruguay possédaient des services de police spécialisés dans la traque des trafiquants et c’est à une petite équipe de français qu’on demandait d’intercepter le convoi. Les informations nécessaires pour mener à bien l’opération arrivaient un peu trop facilement. Tout cela était louche. Alex à qui Gaspard fit part de ses soupçons ne trouva rien de convaincant à dire pour défendre le projet. Il posa la question évidente :
- Vous acceptez cette mission ou pas ?
- Si nous n’acceptons pas que va-t-il se passer ?
- Disons que la DEA vous aimera un peu moins et ne vous facilitera pas la vie si un jour vous avez des problèmes.
Après une réunion tard le soir sans Alex les Quatre donnèrent une réponse positive sans dévoiler leur plan d’action. Ils n’avaient plus que 2 questions à poser : Quelle route le camion allait-il emprunter et trouver une photo de ce camion.
La réponse ne les surprit pas : plusieurs routes étaient possibles, seul le point d’arrivée était connu. Et pour arriver à Puerto Juan Lacaze il n’y avait qu’une seule route. C’est sur cette route, juste avant d’arriver à Juan Lacaze que le guet-apens devait être exécuté. Pour la photo Craig promettait d’en envoyer une sur le téléphone de Gaspard dès que possible. Gaspard partit reconnaitre la route arrivant à Juan Lacaze. Il repéra un grand carrefour entre l’autoroute N° 1 et la route 54 qui obligerait le camion à ralentir en laissant le temps de le reconnaitre.
Les jours passèrent sans que le sujet soit à nouveau abordé. Alex sentait bien que l’on se méfiait un peu de lui mais il n’y pouvait rien et n’osait pas poser de questions. Gaspard disparaissait souvent des journées entières et revenait sans ouvrir la bouche sur ce qu’il avait fait. Le 10 novembre Craig envoya la photo du camion et indiqua que celui-ci venait de partir. Il devrait arriver comme convenu le 15 dans la nuit.
Le 15 novembre dans l’après-midi Gaspard qui avait disparu le matin revint à la villa vide de ses habitants dans un véhicule nouveau : un Pick-up Chrysler noir. Il se gara devant le garage et chargea le lance-roquette qui avait servi une fois avec les 2 roquettes qui restaient. Il ne prit rien d’autre. Seule chose inhabituelle il avait revêtu une cotte d’agriculteur de couleur vert foncé et portai une casquette de même couleur. Il disparu rapidement sans laisser un mot ni prévenir les autres.
Chapitre 19- Gaspard réussit son coup
A trois heures du matin le camion attendu et facilement reconnaissable aborda le carrefour. Il avait été précédé d’une grosse berline qui n’avait pas fait attention au pickup noir manifestement en panne sur le bas-côté, l’arrière gauche portant sur un cric avec une roue de secours calée contre la carrosserie. Le paysan debout à côté du véhicule semblant attendre une dépanneuse n’avait pas l’air bien dangereux. Le camion n’était heureusement pas suivi d’une deuxième voiture. Si cela avait été le cas la deuxième roquette lui aurait été fatale. Le véhicule d’escorte précédait le camion d’environ 300 mètres. Quand le camion aborda le rond-point à vitesse réduite le paysan précédemment décrit se pencha vers le sol, se releva avec le lance-roquette armé et d’environ 50 mètres pulvérisa le camion. Il posa le lance-roquette dans le pickup, sorti de celui-ci une herse qu’il posa brutalement et dans le bon sens sur la route, monta dans la cabine et démarra en faisant basculer le cric. A 500 mètres du carrefour la première voiture fit demi-tour pour venir au secours du camion. La herse remplit parfaitement son travail et la voiture d’escorte resta plantée sur place pendant que le pickup noir filait sur l’autoroute n° 1. A l’embranchement suivant il bifurqua à droite pour rejoint le vieux Toyota que nous connassons bien. A son bord le fidèle Miguel.
Gaspard, puisque c’est de lui qu’il s’agit arrêta son pickup, commença par récupérer le lance-roquette et la dernière roquette non utilisée puis sortit un gros bidon du plateau et arrosa copieusement le pickup de pétrole (et non pas d’essence. Le pétrole s’enflamme facilement mais ne dégage pas de gaz qui forment rapidement un nuage mortel dès qu’on allume un briquet). Il alluma le pétrole et monta à côté de Miguel qui prit tranquillement la route vers Montevideo. Le retour se fit en discutant de l’usine de confection et des problèmes de style qui turlupinaient Gabrielle. Miguel déposa Gaspard devant la propriété et retourna se coucher. Bien évidemment Gabrielle ne dormait pas et toute tremblante serra Gaspard dans ses bras.
- Tout va bien mon chéri ? Tu sens le pétrole non ?
- Effectivement j’ai été un peu maladroit.
- Va donc prendre une douche bien chaude et vient me raconter ta soirée dans le lit.
Gaspard ne raconta pas grand-chose mais trouva facilement le chemin qui mène au repos et à la plénitude des sens.
Bien évidemment le lendemain matin il dut expliquer à l’équipe sa nuit et ses journées précédentes. Son discours sans emphase donnait l’impression qu’il revenait de faire ses courses et qu’il racontait ses achats : Le pickup volé à un paysan, le piège de la herse et le tir au but parfaitement réussi. Tant d’organisation et de sang-froid laissèrent les autres sans voix. Gaspard venait de gagner ses galons de général de brigade. Alex fit remarquer que la DEA n’avait pas joué le tour de cochon que les Quatre appréhendaient.
- Effectivement Alex mais avouez que nous avions quelques raisons de nous méfier. Au fait, comment va s’effectuer le règlement promis ?
- Heu !! Ca va être assez long. Donnez-moi un RIB pour que le virement soit fait.
- Peuvent pas payer en liquide vos copains ?
- Je suppose qu’ils veulent garder des preuves de votre sincère et efficace collaboration.
- Compris, on est encore dans la nasse.
- Vous voyez le mal partout..
- On a quelques raisons pour ça non ?
- Bon, les enfants on arrête les chicanes.
Alex soucieux de détourner le débat vers un sujet moins polémique :
- Pendant que Gaspard jouait solo et je le comprends j’ai fait le tour des bâtiments de vos différentes activités à protéger contre d’éventuelles agressions. Vos clients sont mieux protégés que vos biens. Pour les magasins de Gabrielle et Margot, passe encore mais pour le reste vous n’êtes à l’abri de rien. Je vais vous faire un rapport chiffré et nous en reparlerons la semaine prochaine.
Margot :
- On a discuté avec Gabrielle du problème de style des vêtements fabriqués par Miguel. J’ai dessiné quelques modèles que Miguel a fait confectionner et nos vendeuses ont bien aimé. J’aimerais me tourner vers ce métier, vous en pensez quoi ?
- Que du bien chère amie. Mais il ne suffit pas de dessiner des modèles, il faut aussi une équipe de gens très compétents pour faire la pré-série et ensuite écrire les fiches de travail, dessiner les plans de coupe etc…
- Je sais, il va falloir recruter mais les Paraguayennes sont pleines de ressources et je pense trouver les compétences nécessaires.
- Et le magasin de luxe en ville, tu en fais quoi ?
- Je le garde et on va créer une collection spéciale avec des tissus de grande qualité. Ca redonnera un second souffle à ce magasin.
La période de Noël arriva sans incident notable. Les projets armés avaient disparu du paysage et chacun avait trouvé la place qui lui convenait le mieux. Albert et Gaspard avaient pris la direction d’Epeire View SA, Margot et Gabrielle devenaient des professionnelles du commerce et de la mode, Miguel et son frère des entrepreneurs de textile. Alex qui était rentré aux Etats-Unis pour les fêtes de Noël décida finalement d’y rester et de travailler dans une grande société de gardiennage.
Une vie normale reprenait donc son cours.
Ah ! j’oubliais : le lance-roquette est à vendre sur le bon coin, si ça vous intéresse…