Histoires de chats
Première histoire : Minouche : Pour les chats c’est une longue histoire qui a commencé en 1977 quand ma fille aînée a ramené à la maison une petite chatte à peine sevrée qu’un boucher avait jeté dans la rue à coup de pied. Sans beaucoup d’originalité nous l’avons appelée Minouche. C’est avec elle que mes rapports aux chats se sont développés. Tout d’abord elle ne jouait qu’avec moi selon un scénario immuable : Quand je rentrais du travail elle m’invitait au jeu selon le langage des chats : queue en crosse d’évêque et sautillement sur le bout des pattes et course vers la fenêtre du grenier. Là elle miaulait pour que je vienne ouvrir la fenêtre. Il fallait que je fasse le tour de la maison, que je monte au grenier déverrouiller la fenêtre. Minouche filait comme une flèche vers l’extérieur, contournait la maison, grimpait dans le cyprès et sautait à nouveau sur le rebord de la fenêtre du grenier. C’était moi qui se lassait le premier. Quand elle était prête à faire ses bébés il fallait que je lui construise un nid avec des pelotes de laines et que je reste à côté d’elle (dans le grenier). Une fois les petits nés, elle venait me les présenter et seulement après je pouvais quitter le grenier.
Quand nous sommes partis du village où nous habitions nous l’avons laissée à l’institutrice de l’école en face de la maison qui la connaissait bien.
Deuxième histoire : Peggy, une chatte extraordinaire :Nous habitions un petit immeuble dans les Yvelines, ma fille Fanny devait avoir une douzaine d’années et nous venions d’accueillir sa correspondante anglaise. Nous avions une petite chatte dénommée Peggy qui avait un sens aiguisé du jeu et des bonnes manières. L’anglaise en question s’est vite révélée un chipie insupportable. Elle ne mangeait pas les plats que nous lui proposions et allait au Mc Do du coin s’empiffrer de cochonneries, passait des heures dans la salle de bain et ne fermait jamais les robinets de la salle de bain.
Un jour, toute la famille plus l’anglaise était rassemblée devant le poste de télévision. L’anglaise assise sur le canapé entre moi et mon épouse. Nous voyons soudain apparaître Peggy avec un soutien-gorge de l’anglaise dans la gueule qu’elle déposa délicatement aux pieds de celle-ci. La famille commença à glousser doucement et l’anglaise resta imperturbable jusqu’à ce que Peggy revienne avec une culotte sale qu’elle déposa aussi délicatement que la première fois aux pieds de l’anglaise. Elle ramassa ses affaires et s’enfuit dans sa chambre pendant que toute la famille éclatait de rire. Bien évidemment les repas se passèrent hors de sa présence jusqu’à son départ mais en contrepartie la chambre et les affaires de la demoiselle furent bien rangées depuis ce jour là. Je n’ai rien embelli, je vous jure que cela se passa ainsi à quelques détails près.
Troisième histoire : Mon chat Léo est amoureux.Vous me direz que cela est normal pour un chat et que cette nouvelle n’en est pas une. Il est bien connu que les chats sont souvent amoureux. Avant de vous dévoiler l’objet de sa passion il faut vous dire que mon chat et moi avons l’habitude d’aller nous promener dans le petit chemin qui longe notre jardin et qui rejoint la route départementale. Bien souvent c’est lui qui m’invite à cette promenade par un petit cri (un couinement disent certains) qu’il m’arrive d’ignorer quand d’autres occupations me retiennent à ma table. Mais souvent je lui obéis si le temps le permet. Nous sortons de la propriété chacun par notre porte. Moi par la petite porte piétonne, lui par l’ouverture que j’ai aménagée dans la grande grille et qui lui permet, ainsi qu’à sa sœur, d’entrer et sortir à volonté. Un coup d’œil à droite, puis à gauche pour s’assurer qu’aucun étranger ne viendra perturber cette promenade et en route. Mon chat prend alors un air concentré qui indique que la promenade est une chose sérieuse. Quelque effluve de mulot dans l’air et la recherche commence. Parfois je m’impatiente et la promenade reprend. Si monsieur est d’humeur badine il m’attrape un mollet entre ses deux pattes et se sauve en courant pour échapper à une tape qu’il sait ne jamais venir, mais sait-on jamais. Le chemin déroule son tapis de cailloux, mauvaises herbes et limaces indolentes. Nous faisons un premier arrêt devant l’entrée du champ ou paissent la vaches de notre voisin fermier. Ces dames habituées à nous ne nous jettent qu’un regard indifférent, qui me semble parfois être même méprisant. Peut-être est-ce moi qui interprète mal leur attitude. Vous vous impatientez ? Je m’éloigne du sujet ? Bien au contraire je m’en approche. Nos pas nous conduisent lentement vers l’objet de la passion de Léo. Encore vingt mètres et nous le découvrons. Parfois, comme ayant pris la décision d’ignorer cette passion Léo le dépasse en semblant l’ignorer. Mais le plus souvent la passion l’emporte et il saute sur le talus, se jette sur lui et l’étreint. Qui ? un chêne. Un très beau chêne de dix ou quinze mètres de haut. En pleine force de l’âge, sain et solide. Il y a d’autres arbres sur le parcours, d’autres chênes mais seul celui là l’attire. Parfois avant de s’élancer il lève la tête, le contemple semble en apprécier la beauté puis s’élance. Vous allez penser que j’affabule, que je fantasme sur une relation qui n’existe pas. Que Léo griffe ce chêne comme il griffe les pieds des chaises à la maison. Je vous répondrai, premièrement qu’il n’a pas du tout les mouvements du chat qui fait ses griffes, et deuxièmement que votre interprétation est aussi subjective que la notre. Certains disent que le chat fait ses griffes pour les affûter et d’autres qu’il griffe pour marquer son territoire. Ou est la vérité ? Nous pensons que Léo aime ce chêne (mon épouse traduit le comportement de Léo de la même manière). Ce n’est pas sexuel bien sur. C’est un mélange d’admiration, d’étonnement, de frustration, comme nous pouvons en éprouver pour une artiste lointaine dont la beauté nous fascine. L’important n’est pas dans la réalité de la chose. Ce qui est important c’est l’empathie qui existe entre notre chat et nous à partir de l’attention que nous lui portons et des sentiments que nous lui prêtons. Cette relation nous rend heureux et semble combler notre chat. Elle n’est pas belle la vie, vue comme çà ?
Quatrième histoire, Oscar: Ce chat est arrivé dans notre jardin il y cinq ou six ans. Il s’est battu avec les anciens mais a fini par s’incruster. Il s’est vite révélé un chat calme et affectueux. Mais comme il n’était pas castré nous avons profité d’une offre d’une association du village voisin pour le faire castrer gratuitement. Aucun problème pour le mettre dans la cage. La personne qui avait pris Oscar en charge nous a appelé quelques jours plus tard pour nous dire qu’Oscar s’était échappé de la cage où elle l’avait confiné pour qu’il se remette de l’opération. Le village où se trouvait cette personne est à 7 kilomètres de chez nous avec plusieurs routes à grande circulation entre les deux. Au bout de 15 jours le père Oscar s’est pointé à la fenêtre de la véranda et aussitôt rentré s’est je té sur la gamelle que nous lui avons proposée. Mais ce n’est pas le plus étonnant. Avant d’être castré il avait eu le temps de procréer avec une chatte sauvage que nous voyons de temps en temps. La chatte en question a fait ses petits assez loin de nous pour que nous ne voyons rien et elle nous les a apportés lorsqu’elle jugea que le temps du sevrage était arrivé. Les quatre chatons étaient trop âgés pour que nous ayons le courage de les éliminer. Ils se sont donc intégrés à l’équipe en place et c’est Oscar, en bon père qui s’est occupé de leur éducation. Deux sont morts empoisonnés et les deux survivants sont toujours là : Zoé et Julius. Nous les avons faits castrer par notre vétérinaire.
Cinquième histoire, Léo m’appelle. Jusqu’ici j’ai eu du mal à parler de notre chat Léo mort le 11 décembre 2010 de leucose féline.
Un événement bizarre m’amène à vous en parler.
Pour bien comprendre ce qui va suivre il faut que je vous raconte un pu les relations que nous avons eu ma femme et moi avec Léo. Nous avons adopté ce chat et sa sœur Vanille âgés de 6 mois (que nous avons encore heureusement) en 2002.
C’était un chat courageux, dominateur avec sa sœur, doux avec nous et bon chasseur d’oiseaux.
Rapidement nous avons pris l’habitude d’aller nous promener avec Léo le soir dans le petit chemin (qui sent la noisette, sans blague) qui part de chez nous et qui serpente entre les herbages de notre voisin. Cette promenade était rituelle et souvent Léo s’arrêtait au pied d’un chêne (celui-là et pas un autre) qu’il regardait de manière soutenue. Je ne vous raconte pas les jeux avec le brin d’herbe et les sauts après les libellules ou les papillons.
Sachant Léo malade je disais souvent à mon épouse, si un jour Léo meurt je l’enterrerai au pied de son chêne. C’est ce que j’ai fait le 11 décembre dernier.
Les jours et les mois sont passés. Nous sommes allés moins souvent nous promener dans le petit chemin. Mais il me revenait, de manière obsédante l’envie d’aller voir Léo au pied de son chêne.
La semaine dernière, un soir, un grand coup dans la fenêtre de mon bureau comme si un oiseau l’avait heurté ce qui arrive parfois et quand cela est je retrouve l’oiseau étourdi sur l’appui de la fenêtre quand ce n’est pas une tache de sang sur le carreau. La rien de tout cela mais une sensation bizarre car le bruit avait été très violent.
Le lendemain matin même coup violent dans la fenêtre du salon. Là non plus pas de trace et tout de suite l’idée m’est venue : c’est Léo qui veut me voir. Depuis ce jour, un soir sur deux je vais le voir et causer avec lui au pied de son chêne. Il n’y a plus de coup dans les fenêtres.